Dr Oumou Kalsoum Seck :  « Le secteur offshore compte 3% seulement de femmes. »

Dr Kalsoum Seck, lors du Forum des femmes (Forum Galien Afrique)

Le monde offshore est un secteur dominé par les hommes depuis de nombreuses années. Selon une étude menée en 2020 par McKinsey (un cabinet international de conseil en stratégie), les dames ne représentent que 15 % de la main-d’œuvre mondiale dans l’industrie du pétrole et du gaz. Et Dr Oumou Kalsoum Seck (médecin de bord sur une plateforme pétrolière),  fait partie de ces dames qui se démarquent grâce à leurs compétences exceptionnelles et une détermination inébranlable.

Elle déplore l’absence de femmes dans le secteur pétrolier et appelle les dames à occuper l’espace : « Le monde offshore compte 3% seulement de femmes. C’est dommage, parce qu’il y a de l’espace pour les femmes. Il suffit juste qu’elles s’ouvrent un peu à ces nouveaux métiers », a-t-elle déclaré lors d’une interview à l’agence Savoir News.

Dr Oumou Kalsoum Sek, vous êtes médecin du travail et vous exercez votre métier dans un secteur peu fréquenté par les femmes. 

Dr Kalsoum Sek : Effectivement, ça fait 15 ans déjà, que je travaille dans le milieu pétrolier. J’ai fait une spécialisation en santé publique et je suis médecin de bord sur les plateformes pétrolières. Ça veut dire, prendre en charge des pétroliers, des marins, voyager avec eux pendant un certain temps. Et ça peut prendre un à trois mois. Ça dépend d’où on part, et aussi de la destination. Il s’agit également de faire de la prévention pour qu’ils ne tombent pas malades. Et malheureusement, s’ils tombent malades, il faut faire le traitement, gérer les urgences, etc.

Vous êtes le seul médecin à bord ? 

Bon, ça dépend des clients. Nos clients sont en fait des bateaux. A bord, j’ai deux infirmières et quatre agents de sécurité safety. Parfois, il n’y a pas d’infirmiers, je travaille seule, ça dépend. Mais parallèlement, je forme des équipes parmi les tripulants. Ces derniers m’aident quand il y a une urgence : déplacer le malade,  l’amener au niveau de l’hélicoptère,… Parfois, je suis seule face à une urgence de taille, et dans ces situations, je n’ai pas le choix. Je compte sur ceux qui ont des formations en premier secours avancé.

Comment vous avez fait pour en arriver là ?

J’ai eu l’appui de la famille, et c’est important. La famille m’a appuyée malgré le fait que je sois dans un métier considéré comme métier d’homme. J’aime vraiment le terrain, ce qui fait qu’après ma formation en médecine, j’ai commencé par travailler comme humanitaire dans les favelas. Ensuite, j’ai intégré le domaine des mines et ensuite l’offshore. Donc c’est le terrain qui m’appelle, ça pourrait bien être une prédisposition génétique. Mais j’avance toujours avec l’appui de la famille, qui me soutient dans mes décisions.

Alors, les pétroliers, l’équipage, peut s’élever à combien de personnes ?

Cela dépend des clients. Il y a beaucoup de types de bateaux dans le monde extractif du pétrole. Dans les sismiques (bateaux de prospection), ils ne dépassent pas 100 personnes. Ce sont des bateaux qui bougent beaucoup, ça balance comme pas possible. Mais sur les plateformes, on peut compter jusqu’à 200, voire 250 personnes. Et dans les flottels (hôtels flottantes qui sont reliés à la plateforme, à travers un escalier), on peut dénombrer 500 à 600 personnes.

C’est impressionnant ! Avez-vous déjà vécu des situations inattendues, qui vous ont marquées ?

Notre routine peut changer á n’importe quel moment de la journée ou de la nuit. A chaque embarquement en mer, il y a quelque chose qui nous marque. Chaque jour, il y a quelque chose d’extraordinaire qui change le cours de la journée.  C’est la mer, on a des surprises tous les jours. Le temps est calme, tout est beau, tout est bleu, et soudain, il y a une tempête qui s’annonce, et une urgence qui s’impose. Il nous arrive souvent de faire face à des urgences qui nécessitent que le patient soit débarqué, afin de pouvoir bénéficier de meilleures soins possibles à terre et éviter les séquelles. La vie humaine n’a pas de prix et nous n’économisons pas de moyens pour la sauver. Et c’est chaque fois une joie, de voir que la personne a retrouvé les seins et en bonne santé. Les gens qui embarquent viennent travailler pour améliorer votre condition de vie et celle de votre famille. Donc c’est inacceptable que quelqu’un en fin de mission ait même un ongle cassé. Donc on fait de la prévention pour que les gens rentrent chez eux, intègres.

Quinze ans dans cet univers, c’est de l’expérience pour une femme. Dr Seck, qu’est-ce qui vous motive ? Avez-vous un slogan ?

Il n’y a pas de limite à apprendre et avancer : il suffit de vouloir. Et j’appelle les filles à explorer les opportunités du secteur pétrolier. Il faut sortir des réseaux sociaux inutiles pour se concentrer sur vos études. Par ailleurs, je vous invite à dépasser les idées reçues et ne pas se limiter à la voie universitaire. Il faut aussi se tourner vers les métiers manuels afin acquérir très tôt, une autonomie financière, cela vous évite d’être soumises à la dépendance (surtout des hommes), à la violence faites aux femmes et autres règles malsaines. C’est vraiment important de s’investir dans son éducation et son indépendance financière. FIN

Propos recueillis par Ambroisine MEMEDE