Prise en charge des transgenres : Il faut également outiller les agents de santé

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Les personnes transgenres font aussi partie des populations clés (minorités sexuelles) prises en compte par ONUSIDA dans la riposte au Vih. Les transgenres sont, après des évidences de terrain, intégrés aux populations clé par le plan stratégique national de lutte contre le sida (PSN) en cours de mise en œuvre au Togo. L’idée est de ne laisser personne de côté, afin d’atteindre les objectifs fixés pour 2030. Mais ces personnes transgenres sont souvent confrontées à des violences verbales, physiques, sexuelles, ce qui les place en marge des informations utiles à leur santé et impacte négativement leur prise en charge.

C’est le cas de Alice, une personne transgenre, rejetée par des membres de sa famille, et qui a dû se mettre à l’écart.

« Ils m’ont trainée partout pour une soi-disant délivrance de l’esprit des eaux. Ils m’ont enfermée trois jours sans nourriture … Mon seul soutien reste ma mère dont les paroles réconfortantes me permettent encore d’avancer. La discrimination nous suit partout car, nous sommes stigmatisées. Et parfois au centre de santé, où on est censé être soutenu. Pourtant, nous sommes des êtres humains et nous tenons à notre santé, notre vie et notre nation« , nous a-t-elle dit lors d’un entretien sur la question trans-identitaire.

La stigmatisation et la discrimination auxquels font face les transgenres impactent également leur santé mentale : tentatives de suicide, consommation de substances psychoactives, etc.

« On a aussi des difficultés à trouver un emploi. On nous refuse même l’emploi parce qu’on est une personne transsexuelle, ce qui peut nous rendre vulnérables … Jai perdu mon emploi alors que je n’ai rien fait de mal. », déplore-t-elle.

 « J’ai encore le souvenir du jour où mon amie et moi avions fait l’objet d’insultes et de bastonnades, alors que nous étions en train de manger tranquillement dans un bar. Elle a été battue puis déshabillée. Ainsi humiliée et pourchassée, elle a fui jusqu’à se réfugier dans un caniveau… Je ne souhaite cela à personne, c’est inhumain », raconte-t-elle.

Elle déplore le fait que les droits humains sont bafoués en ce qui concerne les transgenres et souligne que même certains agents de santé profèrent des insultes ou rient de façon déplacée en les regardant. 

Pour Alice, il faut s’approcher des populations clés pour comprendre ce qu’elles vivent, surtout les transgenres. Il ne s’agit pas de faire leur apologie, mais d’arriver simplement à se rendre compte que ces comportements discriminatoires ne facilitent pas leur accès aux soins et d’agir.

Nous avons également rencontré Enam (la trentaine, transgenre et revendeuse d’articles féminins) sur la question de prise en charge et de discrimination.

Lors d’un entretien dans un centre convivial, Enam nous a dit qu’elle évite ou retarde le plus possible ses rendez-vous : « la peur de revivre de mauvaises expériences ou de me retrouver face à un agent de santé n’ayant pas les connaissances et attitudes appropriées pour la prise en charge d’un transgenre. Les questions qu’on vous pose vous mettent mal à l’aise et vous pouvez  juste mentir pour échapper à l’interrogatoire et vite partir. Je l’ai déjà fait je vous le dis, et ce n’est pas bien car ça nous replonge dans la maladie« , explique-t-elle.

L’égalité d’accès aux soins étant un droit indiscutable, il est indispensable que les personnes transgenres et les autres, identifiées comme appartenant aux populations clés puissent toutes les fois, y accéder dans des conditions rassurantes. Il y a encore beaucoup à faire pour y arriver.

Le directeur exécutif d’une association de lutte contre le Vih/Sida et de défense des droits des minorités nous a avoué que les transgenres subissent la discrimination au même titre que les HSH. Et la réduction de ces agressions est indispensable pour favoriser la prise en charge des personnes transgenres.

« Pour cela il faut une sensibilisation sur l’acceptation et la différence et renforcer les capacités des prestataires de services de santé sur la prise en charge spécifique ou les besoins spécifiques des personnes transgenres et adapter l’offre de services« , a-t-il dit. FIN

Ambroisine MEMEDE