Macron élu président avec près de deux tiers des voix face à Le Pen

Emmanuel Macron a été élu dimanche président de la République en battant largement la candidate d’extrême droite Marine Le Pen lors d’un second tour marqué par une forte abstention, mais de nombreux défis attendent cet homme jeune à l’ascension fulgurante, à commencer par l’obtention d’une majorité à l’Assemblée.

Le candidat centriste, 39 ans, va devenir le huitième président de la Ve République, le plus jeune de l’Histoire, en obtenant entre 65 et 66,1% des voix face à Marine Le Pen (33,9% à 35%), selon les premières estimations dimanche soir. Les deux dirigeants ont eu un échange téléphonique « bref » et « cordial », selon l’entourage du vainqueur.

Pour sa première apparition, l’air et le ton grave, le président élu a estimé que sa « responsabilité » serait « d’apaiser les peurs, de nous faire renouer avec l’optimisme », promettant d’agir avec « humilité, dévouement et détermination ».

Malgré la nette défaite, Marine Le Pen s’est réjouie de son « résultat historique et massif » pour un parti « devenu la première force d’opposition ».

Selon les sondeurs, elle devrait totaliser plus de 10 millions de voix, dépassant largement son record du premier tour (plus de 7,6 millions de voix). Son père Jean-Marie Le Pen, lui, avait peu progressé face à Jacques Chirac entre les deux tours en 2002.

Le second tour a été marqué par la plus forte abstention depuis 1969 (plus de 25% selon les sondeurs). Contrairement à 2002 où la présence du Front national avait mobilisé, la participation recule nettement par rapport au 1er tour (22,23%).

Les blancs et nuls approchent les 9% des inscrits (plus de 4,2 millions), un record pour une présidentielle.

Entre l’abstention, les votes blancs et nuls, plus d’un Français sur trois a refusé de choisir dimanche entre les deux candidats.

« Marine Le Pen arrive troisième de ce deuxième tour, après M. Macron, et l’abstention et les votes blancs », a d’ailleurs affirmé le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon, qui n’avait pas appelé à voter Macron.

Quelques milliers de partisans du vainqueur ont explosé de joie devant la pyramide du Louvre à l’annonce des résultats, également salués sur les Champs-Elysées.

A l’Elysée, François Hollande a « félicité chaleureusement » son ex-conseiller dont la « large victoire » confirme l’attachement « aux valeurs de la République » et « à l’Union européenne ».

A l’étranger, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et la chancelière allemande Angela Merkel ont salué une bonne nouvelle pour l’Europe. Le président américain Donald Trump a félicité le vainqueur pour sa « large victoire ».

Emmanuel Macron accomplit un exploit retentissant: jamais élu auparavant, comme Charles de Gaulle; et plus jeune des 25 présidents de la République juste devant Louis Napoléon-Bonaparte (40 ans en 1848).

Cet énarque natif d’Amiens, inspecteur des finances puis banquier d’affaires, accède à l’Elysée sans jamais avoir été parlementaire. Secrétaire général adjoint et conseiller économique du président Hollande depuis 2012, il était inconnu du grand public avant sa nomination comme ministre de l’Economie en août 2014 où il est resté moins de deux ans.

– Passation le week-end prochain –

A la tête d’En Marche! créé il y a un an, avec son programme « et de droite, et de gauche », il a écarté les deux grands partis de gouvernement, le PS et Les Républicains (LR), boutés hors de l’Elysée pour la première fois depuis 1981.

Mais malgré le renfort du souverainiste Nicolas Dupont-Aignan et un début d’entre-deux tours poussif de M. Macron, la leader du parti d’extrême droite a lourdement buté sur la dernière marche, avec une prestation lors du duel télévisé qui a déçu jusque dans ses propres rangs.

Le mandat de François Hollande expire officiellement dimanche prochain et la passation aura lieu durant le week-end.

M. Macron accompagnera auparavant M. Hollande dès lundi pour les commémorations du 8 mai 1945, ainsi qu’à la Journée nationale des mémoires de l’esclavage mercredi, juste après le dernier Conseil des ministres du quinquennat Hollande.

Une immense tâche attend Emmanuel Macron, qui doit dévoiler son Premier ministre et la composition de son gouvernement avant de solliciter une majorité aux législatives (11-18 juin). « La moitié du chemin a été faite », a estimé le secrétaire général d’En Marche!, Richard Ferrand.

« Je n’aurai pas d’état de grâce », a lui-même prévenu M. Macron vendredi.
« Il faudra attendre une semaine » pour connaître le nouveau Premier ministre, a indiqué Richard Ferrand. Le ou la nommé(e) devra avoir « la compétence et la capacité de diriger un gouvernement et une majorité », donc a priori une certaine expérience parlementaire, selon M. Macron.

– Quel Premier ministre ? –

Le gouvernement devrait comporter une quinzaine de ministres mêlant politiques et figures de la « société civile », et un nombre non défini de secrétaires d’Etat.

L’une des premières mesures annoncées est le dépôt d’une loi sur la « moralisation politique ». M. Macron souhaite par ailleurs « dès l’été » réformer le droit du travail par ordonnances, malgré l’opposition du PS, du PCF et de la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon.

« Ce soir s’achève la présidence la plus lamentable de la Ve République », a déclaré ce dernier.

En Marche! doit trancher cette semaine les investitures pour les législatives, avec force place laissée au « renouvellement ». Plusieurs figures à droite (Christian Estrosi) ou à gauche (Manuel Valls) ont également signalé leur disponibilité.

Principal parti de l’Assemblée sortante mais balayé de la présidentielle avec les 6% de Benoît Hamon, le PS est en grand danger, pris en tenaille entre MM. Macron et Mélenchon.

Absente du second tour pour la première fois depuis 1958 après l’élimination de François Fillon, la droite tentera d’imposer à M. Macron une cohabitation, avec François Baroin comme meneur de campagne.

Mais plusieurs responsables de la droite pourraient être tentés de rejoindre M. Macron, tel Bruno Le Maire, prêt à « travailler dans une majorité de gouvernement ». Si tel est le cas, il aura un adversaire LR aux législatives, répliqué M. Baroin.

Le Front national, qui n’a que deux élus sortants dans l’Assemblée, vise a minima l’obtention d’un groupe parlementaire.

Marine Le Pen a annoncé « une transformation profonde de notre mouvement afin de composer une nouvelle force politique ».

SOURCE : AFP