Simon-Pierre Nanitelamio: » Les Nations Unies collaborent étroitement avec la CEDEAO dans l’assistance électorale aux États Membres »

Simon-Pierre Nanitelamio

La capitale ghanéenne abrite depuis mardi, un atelier de haut niveau organisé par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) et des Nations Unies sur le partage d’expériences et de bonnes pratiques de lutte contre les violences liées aux élections en Afrique de l’ouest.

L’envoyé spécial de l’Agence Savoir News a approché Simon-Pierre Nanitelamio (Directeur adjoint de la Division de l’Assistance électorale du département des affaires politiques et de la consolidation de la paix de l’ONU à New-York).

Savoir News : Que pourrez-vous nous dire de votre environnement de travail sur une thématique aussi cruciale et sensible que l’assistance électorale ?

 

Simon-Pierre Nanitelamio : Avant que l’ONU n’apporte une assistance électorale quelconque à un État Membre, il faut que deux conditions soient remplies. Premièrement, cette assistance doit reposer entièrement soit sur un mandat du Conseil de sécurité ou de l’Assemblée générale, soit sur une demande officielle émanant du pays ou du territoire.

Deuxièmement, une évaluation des besoins doit être faite par le Secrétaire général adjoint en charge du Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix (DAPCP/DPPA), qui est mandatairement le Point focal de l’ensemble du système des Nations Unies pour les questions électorales, en consultation avec les entités intéressées de l’ONU.

L’assistance électorale fournie par l’ONU est le fruit de la mobilisation de l’ensemble de son système qui s’appuie sur les connaissances spécialisées et capacités complémentaires de nombreuses autres entités de la famille des Nations Unies. Il s’agit notamment, en plus de DPPA, des entités suivantes: le Département des opérations de paix (DOP/DPO), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD/UNDP), le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH/OHCHR), les Volontaires des Nations Unies (VNU/UNV), le Bureau des Nations Unies pour les Services d’appui aux projets (UNOPS), l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes/UN Women) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Nonobstant le fait que l’assistance électorale de l’ONU a effectivement évolué au fil des ans pour s’adapter aux mutations subies par les besoins et la situation de ses États Membres, elle continue de reposer sur le principe établi dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, selon lequel «la volonté du peuple, exprimée par des élections périodiques et honnêtes, est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics».

Dans le passé, l’ONU a fourni des types d’assistance qu’elle a abandonnés depuis de nombreuses années et qui ne sont maintenant envisagés que dans de rares cas. Les deux types d’assistance comme la supervision des élections et l’observation des élections nécessitent un mandat de l’Assemblée générale ou du Conseil de sécurité : Aujourd’hui, l’assistance électorale fournie actuellement par l’ONU revêt trois formes principales, à savoir: l’assistance technique aux organes acteurs du processus électoral, le déploiement de groupes (ou panels) d’experts, l’appui opérationnel à des missions d’observateurs internationaux. L’assistance technique aux acteurs du processus électoral, notamment aux commissions nationales électorales, est actuellement le type d’assistance le plus répandu.

Quel est l’impact de l’assistance électorale apportée par les Nations Unies ?

 

L’assistance électorale de l’ONU, basée sur le respect du droit international et des normes internationales applicables, est guidée par un certain nombre de principes, dont la souveraineté nationale et la promotion de l’appropriation nationale, l’objectivité, l’impartialité, la neutralité, l’indépendance. Elle contribue à améliorer la confiance publique dans l’administration électorale et dans le processus lui-même, en mettant l’accent sur le fait que les élections ne sont qu’une partie de processus politiques plus larges et inclusifs. Dans beaucoup de cas, l’assistance des Nations Unies a aussi aidé les États membres à créer un environnement propice qui a permis la tenue d’élections paisibles et crédibles, notamment grâce aux bons offices, à la facilitation du dialogue politique entre les acteurs nationaux, souvent en collaboration avec les organisations régionales ou d’autres acteurs, ou encore au renforcement de la transparence dans la conduite des opérations électorales.

Fournie dans une perspective à long terme qui insiste sur la mise en place d’institutions et de processus nationaux durables et crédibles et vise à ce que les opérations électorales futures soient entièrement administrées par l’État demandeur, l’assistance des Nations Unies facilite et favorise la compréhension, par les autorités électorales aussi bien que par toutes les autres parties prenantes, de la nature plus générale des opérations électorales, y compris de toutes leurs composantes et phases, les rapports entre les questions politiques, sociales et économiques, le rôle de toutes les parties prenantes et les considérations et objectifs tant à court qu’à long terme. L’assistance des Nations Unies, en mettant également l’accent sur le développement des capacités nationales et la stabilité institutionnelle et politique, a permis peu à peu de réduire progressivement la dépendance vis-à-vis de l’assistance extérieure.

La CEDEAO a sa division d’assistance électorale dirigée par Monsieur Francis OKE. Quelles relations entretiennent vos deux divisions ?

 

L’Organisation des Nations Unies et la CEDEAO entretiennent des rapports de coopération et de partenariat dans différents domaines. Cette coopération très fructueuse a maintenant été également élargie au domaine des élections et les deux organisations ont commencé à mettre en œuvre des activités communes depuis l’année dernière. Nous avons notamment organisé, du 27 au 30 aout 2018 à Abidjan, un atelier conjoint sur la promotion de la participation féminine aux élections dans la sous-région. En début de cette année, le chef de la division d’assistance électorale de la CEDEAO a été invité pendant 2 semaines au siège de l’ONU à New York pour se familiariser avec le travail des différentes entités de l’ONU dans le domaine électoral. Cet atelier conjoint sur la prévention des conflits électoraux, qui se tient à Accra du 10 au 12 septembre 2019, est ainsi une nouvelle démonstration de l’évolution du partenariat entre la CEDEAO et l’ONU et de la bonne collaboration entre les divisions électorales de nos deux institutions.

En 2020 et 2021, l’Afrique de l’Ouest connaîtra une dizaine d’élections présidentielles. En quoi va constituer le rôle et les apports de votre division assistance électorale des Nations Unies.

 

Les Nations Unies apportent une assistance technique et financière à l’organisation de plusieurs consultations électorales qui se sont tenues dans la sous-région depuis la vague de démocratisation des années 1990. Cette assistance a certainement contribué à l’amélioration de la qualité de ces élections et, de ce fait, à leur déroulement dans un climat apaisé.

La Division de l’assistance électorale de l’ONU a notamment été directement impliquée : a) dans la préparation de ces élections à plusieurs niveaux: en conduisant des missions d’évaluation des besoins dans certains des pays, lesquelles missions ont conduit à la détermination des paramètres, du type et de la durée de l’appui à apporter par l’ONU, mais aussi à l’identification de l’expertise technique appropriée mise à la disposition des Etats et de leurs organes de gestion des élections ; b) puis dans l’appui des entités de l’ONU chargées de la mise en œuvre de l’assistance sur le terrain.

Elle est prête à jouer le même rôle dans le cadre des prochaines consultations électorales dans la sous-région, en cas de requête des États membres pour une assistance de l’ONU. FIN

 

Propos recueillis par Crédo TETTEH, notre envoyé spécial à Accra