Yves Dossou Leblanc : « J’ai été toujours un Rasta sans mes +DREAD+ (…). Depuis 2012, j’ai décidé de laisser transparaître qui je suis effectivement »

Né le 6 février 1945 à Nine Miles en Jamaïque, Robert Nesta Marley, alias Bob Marley est décédé le 11 mai 1981 à Miami aux États-Unis. Chanteur et guitariste de cantiques, Bob Marley a rencontré de son vivant un succès mondial, et reste à ce jour le musicien le plus connu et le plus vénéré du reggae.

Icône du mouvement rastafari, Bob Marley a fait découvrir au monde cette culture qui met en valeur l’histoire d’Afrique et qui prône l’unification des peuples. C’est en 1966 qu’il se convertit au rastafarisme, adopte les « dreadlocks » et fera du reggae le principal moyen de propagation de ce mouvement.

Au Togo, plusieurs personnes pour la plupart des jeunes ont aussi adopté ce mouvement. L’Agence Savoir News a approché, Yves Dossou Leblanc, le seul journaliste Rasta, portant les « DreadLocks ». Ce dernier travaille à Kanal Fm. Lisez…

Savoir News : En tant que Rasta, que représente pour vous, le 11 Mai ?

Yves Dossou Leblanc :

Le 11 mai est une date comme tous les autres, sauf qu’elle a une particularité que nous connaissons tous : la commémoration du décès de Robert Nesta Marley (alias Bob Marley), la légende de la musique Reggae. Superstar du Reggae et prophète rasta, Bob Marley reste une des principales icônes du monde contemporain.

Disparu prématurément en 1981, Robert Nesta Marley a transformé un style issu de la musique populaire jamaïcaine en un mouvement majeur.

Alors pour moi, le 11 mai est un jour qui me permet d’affirmer mon identité, ma philosophie rastafarienne en faisant connaître ce mouvement qui est fondé sur l’amour du prochain. Il faut souligner que Bob Marley n’est pas le promoteur du mouvement +rastafari+, en tant que tel, il a donné seulement une dimension culturelle au mouvement et qui aujourd’hui, est presque le mieux connu au monde.

Qu’est-ce qu’un Rasta ? (un voyou, fumeur de drogue ? etc…). Et Comment doit vivre un bon Rasta ?

Rire! C’est tout comme si vous demandez +qu’est-ce qu’un chrétien+ ? Sans chercher à faire l’historique, le Rasta est une personne qui a en lui, le sens de la justice et l’amour du prochain. C’est une personne non violente qui a pour souci permanent, la quête de la paix, et de l’amour dans la société. Il se distingue généralement par sa coiffure.

Un Rasta n’est ni voleur, ni fumeur de drogue, ni un voyou. Beaucoup ne savent pas ce pourquoi, la personne est devenue Rasta, ou carrément ne comprennent rien du mouvement rastafari.

Le Rasta, c’est quelqu’un que Dieu a choisi parmi son peuple pour être son porte parole. C’est un messager de Dieu. Je suis déçu des fois du comportement de certaines personnes, vis-à-vis des Rasta. Ils sont complètement en marge de la philosophie rastafarienne.

Certains pensent que les vrais rastas sont ceux des personnes qui fument de la drogue. Attention !! Ça, c’est du sacrilège qu’ils commettent sans le savoir.
Il n’y a pas un bon Rasta, ni un mauvais Rasta. Le Rasta n’est pas un super homme.

C’est toute personne qui se préoccupe du bien-être de son prochain, toute personne qui apporte l’espoir, là où le désespoir s’installe. Ce sont les valeurs que véhicule le rastafari. Et toute personne qui au quotidien, se bat pour ces valeurs, est un RASTA.

C’est très rare de voir des journalistes +Rasta+. Depuis quand vous êtes devenu rasta ?

Vous avez raison. C’est rare de voir des journalistes Rasta. De la même manière qu’il est rare de voir dans nos bureaux, des comptables rasta, des banquiers rasta etc. C’est aussi rare de voir dans des Eglises, des pasteurs rasta.

Mon cas, est peut être une exception. C’est aussi ça l’esprit Rasta: être présent là où on ne s’attendait pas à vous voir.

J’ai été toujours un Rasta sans mes +DREAD+. J’ai décidé d’affirmer autrement mon rastafari en démontrant à tous, ce que je suis. Je ne peux pas continuer à me cacher éternellement dans une peau qui n’est pas la mienne.

Depuis 2012, j’ai décidé de laisser transparaître qui je suis effectivement.
Ça n’a pas été du tout facile. Vous imaginez quelqu’un que vous connaissez avec une chevelure ordinaire et qui se retrouve de jour au lendemain avec de longs cheveux.

C’est inconcevable pour certains. Et pour d’autres, c’est purement de la folie.
Mais JAH aidant, j’ai surmonté ces blâmes. Babylone n’a pas eu raison sur moi. Vous savez, j’ai dû couper trois fois de suite ma +couronne+. En fait, les cheveux sont la couronne de royauté pour les RAS. Nous sommes des Rois, et à ce titre nous méritons tout le respect dû au rang des dignitaires de ce monde.

Et pourquoi avez-vous choisi ce +Mouvement+ ou ce +Style+ ?

C’est un mouvement tout comme les autres mouvements qui placent l’Homme au cœur de toutes ses actions. C’est un mouvement dans lequel les coups bas ne sont pas les choses les mieux partagés.

C’est un mouvement qui vous apprend à aimer la nature et à aimer l’Homme. C’est un mouvement qui n’a pas acquis son hégémonie sur le sang humain. Allez visiter l’histoire des grands courants religieux ou mouvements à travers le monde, vous comprendrez pourquoi le mouvement Rastafari est exceptionnel.

Vous verrez que c’est un mouvement qui ne s’est pas souillé au fil des années, il reste fidèle à ses principes et à sa doctrine. Voilà pourquoi je l’ai choisi.

Comment votre entourage vous observe ?

Les débuts n’ont pas été faciles. Comment allez-vous réagir, quand votre père malade, depuis son lit, vous demande de couper vos cheveux longs de 25 cm : c’est à dire votre DREAD qui commence à prendre de l’ascension? Allez-vous désobéir ou lui faire plaisir?

Votre employeur ou vos amis de service qui vous disent sans détour: +mais Yves, tu es en train de faire quoi sur la tête? + ou +Mais non, c’est pas joli? +.
C’est tout comme si c’est la beauté que tu recherches en laissant pousser les cheveux.

A certains événements où il n’y a pas de contrôle, dès que je me présente sur les lieux, les agents de sécurité me demandent ma carte d’identité. Ils s’étonnent souvent de voir un journaliste Rasta.

Et les confrères ?

Avec les confrères sur le terrain, j’ai pas de problème. Ils m’appellent affectueusement journaliste Rasta. Parfois, à des conférences de presse dans les ministères, je suis obligé de coller sur ma poitrine mon badge de service pour avoir l’accès à la salle. Même parfois je suis soumis à quelques minutes de séances d’interrogations.

Mais comme je suis très régulier sur le terrain, j’ai de moins en moins de difficultés.

Mais, j’avoue que la mentalité de nos autorités a évolué sur la question.
En toute franchise, je n’ai aucune difficulté avec les grandes personnalités sur mon rastafarisme. Elles m’accordent des interviews sans me demander qui je suis. C’est plus facile de discuter avec les directeurs de société, les ministres, les chefs d’États avec mes DREADS sur la tête que de discuter avec les personnes ordinaires.

J’espère que d’autres confrères vont nous rejoindre et qu’ils n’auront pas peur de s’affirmer et de mener correctement leurs activités.

Peace and Love

Rasta forever

Propos recueillis par Junior AUREL

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