« TROIS QUESTIONS A ».. Gerry Taama, le président du Nouvel Engagement Togolais (NET, opposition)

Certains quartiers de Lomé et certaines localités du pays sont secoués ces derniers jours par des manifestations du Collectif « Sauvons le Togo », manifestations émaillées de violences. Une rencontre initiée le 28 juin dernier entre membres de ce Collectif, parti au pouvoir et gouvernement n’a pu se tenir. Les membres du collectif n’avaient pas répondu à l’invitation du Premier ministre, évoquant des « préalables ». Dans sa rubrique « TROIS QUESTIONS A.. », l’Agence Savoir News s’est rapprochée de Gerry Taama, le président du Nouvel Engagement Togolais (NET, opposition). Ce dernier se prononce sur ce dialogue manqué et la position de son parti par rapport à la stratégie du Collectif « Sauvons le Togo ».

Savoir News: Quelles appréciations faites-vous de ce rendez-vous manqué du 28 juin dernier?

Gerry Taama:

Comme nous l’avons dit souvent, nos leaders ne prennent pas suffisamment en compte la réalité que nous vivons en ce moment dans notre pays, qui est celle de la précarité. On se comporte comme si tout allait bien et que le dialogue était simplement une option. Il faut que les leaders des partis politiques se rencontrent, tous les leaders se retrouvent pour la sortie de crise. Mais bien entendu, il faut des garde-fous. Le meilleur garde-fou dans ce genre de situation, c’est la sincérité, or j’ai nettement l’impression que personne n’est sincère dans cette situation. Dans le collectif, on parle plus d’insurrection populaire que de négociation, ça fausse le débat. Le pouvoir en place ne donne aucun gage quant à sa disponibilité à engager un vrai débat.

Savoir News: D’aucuns estiment que les membres du Collectif ont tort d’avoir boycotté la rencontre de jeudi, qu’il fallait au moins « faire acte de présence ». Etes-vous de l’avis de ceux-là?

Gerry Taama: Oui, je pense moi aussi, du fait de la présence des membres de la communauté internationale, qu’il fallait faire acte de présence, pour montrer sa disponibilité à dialoguer, mais n’ouvrir la discussion qu’une fois les préalables exécutés par le gouvernement. Je note par ailleurs que le collectif a évolué dans sa position. Il y a une semaine, les préalables étaient plutôt le retour à la constitution de 1992, aujourd’hui, les exigences sont du domaine du réalisable et du bon sens. Il faut libérer les personnes arrêtées, restituer le matériel loué et faire le deuil. Nulle question de savoir si les personnes décédées sont le fait d’une bavure ou non. Dès l’instant où ils ont été mêlés aux événements, le souci d’apaisement veut qu’on compatisse à la douleur de la famille. Pour la garantie que les manifestations ne seront plus réprimées, là, je suis furieux, car il y a un an, j’ai fait partie, en compagne de presque tous les leaders du CST, de ceux qui ont corrigé la loi portant manifestation sur les lieux publics. Aujourd’hui, on se demande pourquoi nous nous sommes donnés tant de peine, puisque ce n’est nullement respecté. Ce pays est en train de sombrer.

Savoir News: Quelle analyse le NET fait aujourd’hui de la situation politique au Togo? Est-ce que le NET se retrouve à travers la stratégie du Collectif « Sauvons le Togo »?

Gerry Taama: Vous savez, personnellement, je suis opposé à une insurrection populaire au Togo, non que je sois opposé au départ de Faure Gnassingbé du pouvoir, de toutes les façons, il partira en 2015, mais un soulèvement populaire libère des démons difficilement contrôlables. Personne ne sait où cela peut nous amener. Par ailleurs, les pays qui ont connu les « fameux printemps arabes » ne sont pas aujourd’hui des modèles de démocratie. Donc, l’accession au pouvoir par les urnes reste le premier objectif du NET. Par contre, la situation politique actuelle est la plus catastrophique depuis l’accession du Togo à l’indépendance, car pour une fois, l’expression populaire se retrouve devant un mur fermé au dialogue et à la concertation. La répression du meeting de dimanche dernier marque une étape. Celle du refus de la démocratie par le pouvoir en place.

La conséquence directe, risque d’être la radicalisation de la position des partis qui se voulaient dans la concertation avec le gouvernement, car la seule porte de sortie semble être un bras de fer avec le pouvoir en place. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut s’en prendre à des organisateurs d’une manifestation, sur le prétexte de complicité avec les casseurs, alors que nous avons mis en place une loi qui récuse la responsabilité collective sur les infractions liées aux manifestations. Ce pays court un danger d’implosion. Il ne viendra pas des manifestations de rue, mais de la base qui nous observe, et qui, un matin, telle une lame, va nous emporter tous ; opposition et pouvoir compris, car le problème du Togolais aujourd’hui, ce n’est pas le code électoral ou le découpage électoral, son problème, c’est les trois C (Chômage, cherté de la vie, corruption). Voila. Il nous faut être en mesure d’expliquer à notre peuple qui est responsable de cette situation, dès lors, quel que soit le découpage ou le code électoral qu’on présentera, le peuple saura qui sanctionner, car le Togolais est juste. Allons juste à sa rencontre et expliquons-lui les enjeux. FIN

Propos recueillis par Junior AUREL

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