Demande de suppression de certains articles du code de la presse par une partie des journalistes : L’abrogation n’est pas la solution

Franck MISSITE

Ces derniers temps, une partie des professionnels des médias est monté au créneau, demandant l’abrogation de certains articles du Code de la presse en vigueur au Togo.  Ces derniers prétextant que ces articles en question seraient «liberticides».

En réponse, le directeur de cabinet du ministère de la Communication et des Médias, M. Franck Missite, a fait des observations assez élucides sur le processus inclusif qui a conduit à l’adoption de ce code.

A son avis, «l’abrogation n’est pas la solution », dans ce contexte où « les journalistes pêchent, beaucoup plus, par méconnaissance des textes qui régissent leur profession que par volonté délibérée de violer ceux-ci».

L’intégralité des observations du directeur de cabinet !

Le lundi 17 janvier 2022, le Patronat de la Presse Togolaise (PPT), réuni en séance publique a posé un diagnostic sans complaisance (c’est le moins qu’on puisse dire) de l’état de la liberté de presse au Togo, au titre de l’année 2021, publiant dans la foulée un document qui retrace les différents cas dans lesquels des journalistes et publications se sont retrouvés en difficulté, soit avec la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), ou avec la justice.

Les membres du PPT sont allés jusqu’à réclamer l’abrogation pure et simple de trois dispositions du code de la presse et de la communication du 07 janvier 2020, dont l’interprétation, stricto sensu, avait servi de motif à l’emprisonnement récent de deux journalistes.

A la lecture de la déclaration des responsables du PPT, et des articles publiés par certaines presses, papier ou en ligne, à écouter les commentaires de certains journalistes sur les radios et télévisions de la place, on pourrait croire que le code de la presse actuellement en vigueur au Togo, en ses différentes dispositions, particulière ment celles incriminées, a été initié et imposé par les autorités à la corporation.  Je voudrais préciser ici qu’il n’en est absolument rien ! 

L’adoption du code a été l’aboutissement d’un processus, on ne peut plus, inclusif 

C’est la presse togolaise elle-même qui a tissé la corde qui sert aujourd’hui à la « bâillonner ».

En effet, lors des états généraux de la presse togolaise, tenus à Kpalimé, du 30 juin au 02 juillet 2014, des journalistes avaient demandé que les blogs et les réseaux sociaux soient exclus de la qualification de médias. Et ils avaient exigé et obtenu qu’il en soit fait mention dans les recommandations de ces assises.

Je précise que, depuis cette année, toutes les lois régissant le secteur de la Presse et de la communication (de la loi relative à la HAAC au code de la presse et de la communication du 07 janvier 2020, en passant par la loi portant liberté d’accès à l’information et à la documentation publiques, et la loi portant régime juridique applicable à la communication audiovisuelle en République Togolaise) sont les émanations des conclusions des états généraux de la presse tenus à Kpalimé.

Concernant le code de la presse et de la communication, objet de la polémique actuelle, il faut que les Togo lais sachent que son adoption a été l’aboutissement d’un processus, on ne peut plus, inclusif.

D’abord, une fois l’avant-projet de loi portant code de la presse et de la communication rédigé, celui-ci avait été envoyé à tous les associations et syndicats de presse pour observations et propositions d’amendements.

Un atelier de validation avait ensuite été organisé à Kpalimé, auquel avaient pris part les représentants des associations et syndicats de presse, des écoles de formation en journalisme, des formateurs et experts en journalisme…  Le texte avait alors fait l’objet de discussions point par point. 

De Kpalimé, le document validé par les acteurs des médias avait transité par le Conseil des ministres avant d’atterrir sur la table de l’Assemblée nationale, où il avait été, dans un premier temps, étudié en commission spéciale, avant son passage en séance plénière pour son adoption.  Les mêmes représentants des associations et syndicats de presse, parmi lesquels l’actuel président du PPT, avaient été associés à ces deux dernières étapes. 

Rendre meilleur service en incitant les confrères à s’imprégner les contenus des textes

Ceux qui réclament aujourd’hui l’abrogation de trois dispositions de ce code, dont ils ont largement contribué à l’adoption, n’ont peut-être pas tort. Aucune loi n’est immuable. Seulement, ledit code comporte 181 articles. Si à chaque fois qu’un journaliste tombe sous le coup d’une ou plusieurs de ses dispositions et que cela lui crée quelques désagréments, l’on doit abroger celles-ci, ne pensez-vous pas que notre code finira par être vidé de toute sa substance pour ne plus ressembler qu’à un simple livre de lecture pour écolier ? 

Au Togo, les journalistes pêchent, beaucoup plus, par méconnaissance des textes qui régissent leur profession que par volonté délibérée de violer ceux-ci. 

Je pense donc, pour ma part, qu’au lieu de remettre en cause le code de la presse, et d’en exiger des modifications, le PPT et d’autres organisations de presse qui seraient tentées de lui emboîter le pas, rendraient un meilleur service à leurs adhérents en les incitant à se procurer les textes législatifs précités et à s’imprégner de leurs contenus. Cela ne les rendrait que plus professionnels, et leur éviterait bien des déboires.  

Franck MISSITE  (Source: Togo Presse)