Le statut FDAL des populations, des latrines qui génèrent du biogaz…, une avancée notable (GRAND REPORTAGE)

Assis au seuil de sa porte, Alassani Bodé (50 ans) accueille ses visiteurs : quelques journalistes venus de Lomé pour toucher du doigt, les changements qu’UNICEF et ses partenaires ont opéré dans sa vie. Ce dernier vient de bénéficier de latrines avec un dispositif permettant de générer du biogaz.

Couturier et père d’une douzaine d’enfants,  M. Bodé habite Kadjalowa, un village de Koumondè à Bafilo (plus de 360 km au nord de Lomé) où il exerce ses activités depuis 29 ans. Mais Alassani est une personne handicapée moteur, ce qui affecte énormément son quotidien, précisément pour l’un des besoins les plus naturels : faire « caca ».

« Je dois monter dans mon vélo et aller jusque dans la brousse et tous les voisins comprennent déjà ce que je vais y faire. C’est vraiment gênant pour moi. C’est énervant lorsqu’une diarrhée survient: le manque d’hygiène, le risque de se salir, etc. Ce qui me fait peur dans la brousse, c’est d’y aller la nuit ou d’y rencontrer des reptiles. Vous savez, dans la brousse, on fait caca par terre et face à un serpent, beaucoup pourraient se défendre, mais moi je ne pourrais même pas fuir. »

L’accès à des toilettes est indispensable à l’hygiène, à la sécurité et à la dignité. Et s’il est vrai que l’hygiène est la première étape d’une bonne santé, il n’en demeure pas moins vrai que la condition physique de certaines personnes ne leur permet pas de veiller convenablement à leur propre hygiène corporelle. Et Bodé fait partie de ces personnes désireuses de changer de condition et mettre fin à l’insalubrité dont il fait souvent face en brousse.

Désireux d’avoir ses propres toilettes, M.Bodé s’est donc adressé à des prestataires de ce genre de services, mais non satisfait, il a dû se résigner : « Mon amertume était grand, tant je voulais en finir avec le trajet maison-brousse-maison. Heureusement UNICEF et ses partenaires sont venus à mon secours ».

Des latrines pour Bodé, un soulagement

« Depuis un mois environ, je me mets à l’aise chez moi, sans parcourir une longue distance, dans un endroit clôturé et propre. De plus, le pot est un peu en hauteur et je peux m’asseoir comme sur une chaise. Le dispositif installé par l’UNICEF me permet de convertir les excrétas en biogaz pour ma cuisine. C’est pour moi, un grand soulagement et j’en prends sérieusement soin. Les voisins en profitent aussi et nous ne déféquons plus à l’air libre », se réjouit Bodé.

Les latrines de Bodé, une toilette avec siège à l’anglaise, relié à un puits assez profond qui condense les excrétas. Ce puits communique directement avec un bio-digesteur qui, grâce à la méthanisation et à la fermentation des matières organiques, génère du biogaz qui transite par un tuyau directement vers la cuisine pour la cuisson des repas. Cette intervention de l’UNICEF s’inscrit entre dans le cadre du programme du Fonds pour l’hygiène et l’assainissement.

Même dispositif à l’EPP de Natchiboré

Le dispositif de l’Ecole primaire publique de Natchiboré (plus de 480km au nord de Lomé) est relié à deux blocs de quatre latrines (séparés par sexe), qui génèrent du biogaz pour la cantine scolaire. Cette école compte aujourd’hui, 402 écoliers (dont 189 filles). Et à chaque récréation, ces enfants profitent d’un repas chaud et servi à temps.

A l’EPP de Natchiboré, on cuisine désormais avec du biogaz généré par les latrines.

« Avant, il faut aller chercher du bois dans la forêt, ce qui est très difficile et fatigant. De plus, nous devons affronter la fumée, surtout en période de pluie où le bois est mouillé. Mais grâce à l’UNICEF et ses partenaires, nous n’avons plus aucun de ces problèmes. Depuis plus de 20 ans que cette cantine existe, faire la cuisine n’a jamais été aussi facile : il y a de l’eau et du gaz », explique souriante l’une des mamans de la cantine.

Lire aussi : Bientôt des Systèmes Alimentaires Territorialisés dans le Zio

Pour Mèba Piyabalo Ware (directeur de l’EPP Natchiboré), c’est une avancée notable dans le maintien des enfants à l’école.

Fin de récréation à l’EPP de Natchiboré

« Aujourd’hui, nous avons 402 enfants qui sont tous présents aux heures de cours. L’effectif a nettement augmenté, les enfants sont plus assidus et il y a moins de maladies. C’est une satisfaction. En plus du biogaz généré par les latrines, UNICEF nous a également dotés d’un forage ce qui nous permet de disposer d’eau potable en permanence, alors que les femmes parcouraient près de 4 km pour chercher de l’eau. La cantine fonctionne à merveille et les mamans varient même le repas. Même en période de pluie, nous n’avons aucune inquiétude, car nous disposons de latrines », a longuement expliqué M. Ware.

Piyabalo Ware, directeur de l’EPP de Natchiboré

Selon le secrétaire généra des nations unies, dans le monde, 3,6 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à des systèmes d’assainissement gérés de manière sûre, ce qui menace la santé, nuit à l’environnement et entrave le développement économique. En Afrique subsaharienne, 9% des décès sont dus à une diarrhée (OMS, 2017).

Comme Bodé, beaucoup d’habitants de ce village aspirent à ce type de dispositif avantageux à plus d’un titre. Un tel dispositif offre le triple avantage, d’une part de procurer gratuitement du combustible, peu commode à trouver ou onéreux comme le charbon, polluant, ou le bois, long à ramasser et souvent dans des zones déjà très déboisées; d’autre part de permettre l’utilisation des résidus comme engrais naturels pour fertiliser les champs et enfin d’améliorer l’hygiène des maisons et des cours.

Mettre fin à la défécation à l’air libre : un assainissement total piloté par les communautés (ATPC)

Notons que ces interventions de l’UNICEF viennent en appui aux divers efforts du gouvernement et des organisations partenaires, afin d’améliorer l’accès des populations à l’eau, l’hygiène et l’assainissement et contribuer efficacement à l’élimination de la défécation à l’air libre, source de maladies diarrhéiques. Les actions de l’UNICEF ont par exemple, permis aux populations de Yakoumando (plus de 410 km au nord de Lomé) de prendre conscience de l’importance de disposer de latrines dans chaque famille. Ils ont appris à réaliser leurs latrines avec les matériaux locaux : terre cuite, paille…

L’ancienne latrines de ce jeune paysan de Yakoumando (juste derrière lui), est hors d’usage.

Ce petit village de 668 habitants a entièrement mis Fin à la défécation à l’Air libre (FDAL) et se bat pour renforcer l’hygiène au sein de sa communauté.

A l’Unité de Soins Périphériques de Natchamba (plus de 550 km de Lomé), c’est un bloc de latrines à fosses septiques qui est en construction avec des douches, ainsi qu’un forage. Coût de l’ouvrage : environ 27 millions de F.CFA, grâce à la contribution financière du Japon, en appui à la réponse de Covid19.

Lire aussi : Projet un million de plants en 60 secondes

Au total, 44,6 % des ménages togolais disposent de latrines améliorées dont 20,8 en milieu rural. En général, en 2017, seulement 23 % des écoles (25 % milieu urbain et 21 % milieu rural) disposent de latrines améliorées, séparées par sexe et fonctionnelles (JMP, 2018).

Bloc de latrines et douches en construction à l’USP de Natchamba

Rappelons qu’en matière d’élimination de la défécation à l’air libre (FDAL), l’UNICEF a appuyé la mise en œuvre de l’approche ATPC, permettant à 1.136.963 personnes dont 591.221 femmes de vivre dans des villages ayant mis fin à la défécation à l’air libre. La défécation à l’air libre est passée de 55,7 % en 2010 à 45,3 % en 2017 (MICS 2010 et MICS 2017).

L’agence onusienne a également contribué à l’amélioration de l’accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement en milieu scolaire, grâce entre autres à la réalisation d’ouvrages et à la mise en œuvre de l’approche de l’Assainissement Total Piloté par l’École (ATPE) dans plus de 1621 écoles et formé 3565 enseignants (hommes/femmes), sur l’utilisation des Kits APTE.

Le Fonds des Nations unies pour l’enfance s’est donné comme objectifs à l’horizon 2023, de réduire le nombre de personnes déféquant à l’air libre de 3.694.166 à 1.650.200, accroître le pourcentage de personnes utilisant une source d’eau potable gérée en toute sécurité de 6,2 % à 18 % et d’assurer l’approvisionnement en eau potable, l’hygiène et l’assainissement dans plus de 60 écoles. FIN

Ambroisine MEMEDE

www.savoirnews.tg, l’info en continu 24H/24