Règlement du contentieux électoral : Le Pr Mipamb Nahm-Tchougli éclaire sur le rôle de la Cour constitutionnelle

Pr Mipamb Nahm-Tchougli

Plus haute juridiction de l’État en matière constitutionnelle, la Cour constitutionnelle, comme partout ailleurs, est une institution un peu spéciale, dans la mesure où ses attributions sont préétablies par la Constitution. Elle juge de la constitutionnalité de la loi, garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. En période électorale, période sensible par excellence, son rôle est plus accru face aux contentieux pouvant opposer les uns aux autres.

A la veille de l’élection présidentielle du 22 février prochain, Pr Mipamb Nahm-Tchougli, membre de cette Cour, revient dans cet entretien exclusif sur la mission de la Cour, tout en relevant sa spécificité. D’après lui, l’une des missions dévolues à la Cour en matière électorale se rapporte essentiellement au contrôle de régularité des élections source de contentieux.

Togo-Presse (TP) : Monsieur le Professeur, pouvez-vous nous présenter la Cour constitutionnelle ?

Pr Mipamb Nahm -Tchougli : La Cour constitutionnelle est instituée par la Constitution du 14 octobre 1992 en son chapitre VI. Conformément à l’article 99 de ladite Constitution, elle est la plus haute juridiction de l’État en matière constitutionnelle.

L’article 100 de la loi fondamentale énonce que la Cour est composée de neuf (09) membres nommés et/ou élus pour un mandat de six (06) ans renouvelable une seule fois.

– Deux (02) sont désignés par le président de la République dont un (01) en raison de ses compétences et de son expérience professionnelle en matière juridique et administrative.

– Deux (02) sont élus par l’Assemblée nationale, en dehors des députés, à la majorité absolue de ses membres dont un (01) en raison de ses compétences et de son expérience professionnelle en matière juridique et administrative.

– Deux (02) sont élus par le Sénat, en dehors des sénateurs, à la majorité absolue de ses membres dont un (01) en raison de ses compétences et de son expérience professionnelle en matière juridique et administrative.

– Un (01) magistrat ayant au moins quinze (15) ans d’ancienneté élu par le  Conseil supérieur de la magistrature.

– Un (01) avocat élu par ses pairs et ayant au moins quinze (15) ans d’ancienneté.

– Un (01) enseignant chercheur en droit de rang A des universités publiques du Togo, élu par ses pairs et ayant au moins quinze (15) ans d’ancienneté.

Le président de la Cour constitutionnelle est nommé par le président de la

République parmi les membres de la Cour, pour une durée de six (6) ans. Il a voix prépondérante en cas de partage (article 101 de la Constitution).

La formation actuelle de la Cour constitutionnelle est la 4e mandature depuis ses débuts en 1997. Elle est présidée par le juge Aboudou Assouma et son siège est à Lomé, à la cité OUA.

TP : Quel rôle jouet-elle en temps normal et en période électorale ?

Pr Mipamb Nahm -Tchougli : Aux termes de l’art. 99 : « La Cour constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’État en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques.

Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics».

Aux termes de cette disposition, les compétences de la Cour, en temps normal sont :

– juge de la constitutionnalité de la loi. Elle juge la loi à priori lorsqu’il s’agit d’une loi organique, c’est- à-dire qu’elle contrôle la constitutionnalité de la loi avant sa promulgation par le président de la République. Quant aux lois ordinaires, elles ne peuvent être soumises au contrôle que par le biais de l’exception d’inconstitutionnalité, c’est-à-dire qu’à l’occasion d’un procès devant le juge ordinaire, une des deux parties peut contester la constitutionnalité de la loi qui va lui être appliquée.

Elle a donc la possibilité d’en contester la constitutionnalité. Le juge ordinaire est alors obligé de surseoir à statuer et renvoie la question de la constitutionnalité de la loi au juge constitutionnel qui doit rendre une décision à cet effet ;

– garant des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques.

Cette garantie est offerte, depuis toujours, par le contrôle de constitutionnalité de la loi et depuis la dernière loi organique du 26 décembre 2019 sur la Cour par le droit d’auto saisine consacré à l’article 39.

– organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics.

En période électorale, la Cour n’organise pas l’élection mais aux termes de l’article 104, alinéa 2 de la Constitution, «la Cour constitutionnelle juge de la régularité des consultations référendaires, des élections présidentielles, législatives et sénatoriales. Elle statue sur le contentieux de ces consultations et élections».

De même, l’article 142, alinéa 1 du code électoral dispose:

«Le contentieux des candidatures à l’élection présidentielle, aux élections sénatoriales et législatives ainsi que les contestations concernant les opérations de vote et la conformité des résultats provisoires proclamés par la CENI relèvent de la Cour constitutionnelle».

Il ressort de l’ensemble de ces dispositions que l’une des missions dévolues à la Cour en matière électorale se rapporte essentiellement au contrôle de régularité des élections source de contentieux, qui se définit comme l’ensemble des litiges ou contestations qui peuvent naître des opérations électorales.

A cet égard, elle intervient en amont et en aval :

En amont, elle publie la liste des candidatures conformément à l’article 62 de la Constitution du 14 octobre 1992 et aux articles 151 à 155 du code électoral.

En aval, la Cour proclame les résultats définitifs de l’élection après avoir purgé le contentieux au regard des griefs soulevés par les candidats. Ces derniers disposent de quarante-huit heures pour saisir la Cour après la publication des résultats provisoires par la CENI.

Suite à la proclamation des résultats définitifs, en ce qui concerne l’élection présidentielle, la Cour reçoit, conformément aux articles 63 et 64 de la Constitution, le serment du nouveau président de la République dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats définitifs.

TP: Quels sont les chantiers réalisés et les perspectives ?

Pr Mipamb Nahm -Tchougli : La Cour est une institution un peu spéciale dans ses missions. Elle n’a ni de chantiers ni de perspectives particuliers en ce sens que ses attributions sont préétablies par la Constitution et la loi organique sur la Cour. Elle tente, autant que faire se peut, d’améliorer sa visibilité en allant au contact des populations par l’organisation des journées portes ouvertes.

En période électorale, la Cour organise toujours un séminaire régional sur la gestion du contentieux électoral à l’endroit de tous les partis politiques et en association avec les juridictions constitutionnelles de la sous-région. L’objectif est de montrer aux acteurs politiques, candidats aux différentes élections, les modalités de gestion du contentieux électoral avec un partage d’expériences avec les collègues juges constitutionnels des pays de la sous-région. Cet exercice sera fait, une nouvelle fois, à l’occasion de la présente élection présidentielle, du 29 au 31 janvier 2020.

La Rédaction

SOURCE : TOGO PRESSE