Réconciliation nationale: 25 témoins et victimes devant la CVJR ce vendredi à Kara, ainsi qu’une délégation des Forces Armées Togolaises

Quelque 25 témoins et victimes des incidents de Bassar, de l’attaque armée du convoi de Gilchrist Olympio à Soudou et des conflits intercommunautaires survenus à Guérin-Kouka, ont défilé ce vendredi à Kara (environ 420 km au nord de Lomé) devant la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) pour ses audiences publiques et privées, a constaté un envoyé spécial de l’Agence Savoir News.

Les Forces Armées Togolaises (FAT) ont également adressé un droit de réponse à la Commission.

C’est Kolobh Binaba Sandrine qui a ouvert le bal de ces audiences avec les incidents de Bassar, affirmant que son père a été tué le 3 mai 1992, par balles dans sa propre maison.

« C’était le 3 mais 1992, (précisément un dimanche) où le parti RPT devait animer un meeting. Le même jour, l’Union des Forces de Changement (UFC de Gilchrist Olympio) aussi a organisé un meeting. C’est comme ça que cela a dégénéré. La maison de mon père Koulobh Kpapo a été envahie et les jeunes de l’opposition ont mis le feu à la maison et le vestibule. Un manifestant est rentré chez et a fait sortir notre père. Ensuite, ils ont tiré sur lui.Il est décédé le soir vers les 19 heures. On a voulu déposer le corps à la morgue à Sokodé, mais il n’y avait plus de place. On est revenu avec son corps à Bassar qui commençait à se décomposer. On l’a finalement enterré en présence de quelques membres de sa famille. Ensuite, nous autres ses enfants avions été délaissés. Même le parti RPT pour lequel il a été assassiné n’a manifesté aucun soutien à notre endroit », a-t-elle indiqué.

Pour la veuve Issa Lamotou, cette journée du 3 mai 1992 a été la plus longue pour les populations de Bassar, car ce jour il y avait des exactions et violences partout dans la localité.

« Nous étions à la maison au temps des troubles, lorsqu’on entendait les gens s’approcher de notre maison tout en furie. Les gens sont venus nous chasser de la maison et nous nous sommes cachés quelque part. Juste après le conseil, les gens sont rentrés dans la maison, armés et munis d’un bidon d’essence. Ils ont brûlé notre maison. Cela n’a pas été facile pour mon mari qui n’a pas pu supporter le choc et est mort par la suite », a-t-elle souligné.

Fare Sapakou a pour sa part, mis l’accent sur les comportement de certaines personnes à Bassar:  » il est important que les mentalités changent à Bassar, car lorsqu’on n’est pas membre du RPT, on est considéré comme un ennemi juré ».

« J’ai été bastonné plusieurs fois par des activistes du RPT. Il faut que les choses changent à Bassar », a-t-il précisé.

Concernant les malheureux évènements de Guérin-Kouka de novembre 1991 entre les ethnies Konkomba et Mossi, les incidents de Sotouboua en mai 1992 entre les ethnies Kabyè et Kotokoli et les affrontements de Bassar entre les partisans du Rassemblement du peuple togolais (RPT) et ceux de l’Union des forces de changement (UFC), une délégation des FAT, conduite par le colonel Lémou Tchalo, a indiqué n’avoir enregistré aucun dérapage des leurs.

« Mais compte tenu de la situation sociopolitique qui prévalait en ce moment, il n’est pas exclu que des éléments incontrôlés aient agi de leur propre gré, sans ordre de la haute hiérarchie militaire », a souligné le Colonel Lemou, relevant la pleine responsabilité des auteurs.

De l’analyse des différentes audiences faites ce vendredi, a précisé la CVJR, « il apparaît clairement que l’amorce du processus démocratique au Togo a été marquée par des actes de violences et de violations des droits de l’Homme perpétrées par des militants des partis politiques tous bords confondus, et vraisemblablement par certains éléments des FAT que la hiérarchie a qualifié d’incontrôlés qui ont agi de leur propre gré, ce qui engagerait leur responsabilité personnelle et non celle de l’armée toute entière ».

Les conséquences physiques et psychologiques desdits actes et des affrontements intercommunautaires continuent de semer détresse et désolation dans les familles des victimes, a indiqué la CVJR.

« La Commission, soucieuse de voir les traumatismes se résorber, ont tenu une fois encore à présenter leur sincère compassion aux victimes. Il faut noter qu’à cette étape de ces audiences, la Commission enregistre de plus en plus de victimes directes des conflits, dont l’état de santé nécessite une prise charge psychologique et psycho médicale. Ce à quoi la Commission s’atèle déjà », a ajouté la CVJR.

Les audiences se poursuivent samedi et porteront sur les évènements liés à l’attentat du gendarme Bokobosso en 1967 contre le président Gnassingbé Eyadéma et les conflits qui ont opposé les communautés de Bafilo dans le cadre de la gestion de la succession à l’imamat dans cette localité.

De Kara, Nicolas KOFFIGAN

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