Les fakes news : L’autre « pandémie » dans le Covid-19 (REPORTAGE)

« Les médecins cubains arrivés à Lomé sont là pour nous vacciner », jette dans un groupe What’sApp, un individu mal intentionné, avec un ton sérieux.

« Les fausses informations nous submergent et sèment la confusion dans les esprits », lance un autre, très irrité.

L’avènement du Covid19 rime avec une circulation accrue de fakes news, des informations toutes faites qui partagent les mêmes plateformes que les publications utiles et journalistiquement traitées.

Alors que certains fabriquent délibérément du contenu complètement faux, à des fins manipulationnistes, beaucoup d’autres, imprudents, relaient sans état d’âme, ces affirmations entièrement fausses sans le savoir, un comportement puni par la loi au Togo.

« Aujourd’hui nous vivons une certaine guerre de l’information. Le réflexe, c’est de partager. Une vraie toile d’araignée accompagne ces informations-là qui, pour la plupart sont fausses. Parfois certains essaient de traduire les informations selon leur compréhension, et cela se retrouve dans les partages », relève Noël Tadégnon (Journaliste, enseignant de fact-checking).

« Il y a aujourd’hui de faux contextes, et on lie cela au Covid19. Nous devons faire extrêmement attention. Car le fait de partager une fausse information (même si on n’est pas l’auteur) nous engage devant la justice. A travers des moteurs de recherche comme Google, on peut voir si des médias sérieux ont publié ladite information. Il faut s’intéresser à la fiabilité de la source de l’information (qui donne l’information ?), essayer de voir le contexte (les dates) et analyser tous ces éléments avant de prendre la décision de partager », conseille-t-il.

 

Toile d’araignée

Ces informations (images, textes, vidéos) fallacieuses sont diffusées, telle une toile d’araignée, sans retenue. Une même information est parfois adaptée à un contexte similaire ou presque, ce qui amène à une confusion.

Certaines publications sont partagées des milliers de fois en moins de 24 heures, un caractère viral dont on ne maitrise pas l’impact, car elles suscitent souvent plusieurs commentaires et dans tous les sens.

Emile Kouton, correspondant de l’AFP au Togo

Depuis le début de cette épidémie, le service de factchecking de l’Agence France Presse (AFP Factuel) a publié pas moins de 140 articles en anglais vérifiant de fausses affirmations les plus virales, 52 en espagnol et 53 en français.

« Les auteurs des fakes news sont très intelligents. La plupart des informations fabriquées sont toujours concoctées à partir d’un fait (réel) antérieur. Mais, on le sort de son vrai contexte pour le lier à l’actualité brulante, parfois avec tous les soins possibles », explique Emile Kouton (Correspondant de l’AFP au Togo).

« Nous devons faire preuve d’une grande prudence pendant cette période, pour ne pas chuter gratuitement derrière les barreaux », ajoute-t-il.

Togocheck — plateforme togolaise de vérification des informations — reçoit ces dernières semaines, une trentaine de requêtes par jour, sans compter les fausses informations détectées par la structure elle-même.

Une équipe de Togocheck en pleine séance de travail

« Nous publions en moyenne trois produits finis par jour, car le travail prend assez de temps. Il faut traiter efficacement chaque sujet », confie Sylvio Combey, l’un des chercheurs de la plateforme Togocheck (initiative du Centre d’observation et d’analyse du Web COAWEB).

Plus de 100 vidéos (fausses informations) et plusieurs dizaines de maquettes ont déjà été détectés et publiés par cette structure, depuis sa création en mars 2019.

 

La police aussi dans la bataille

La nuit du 2 avril (début du couvre-feu au Togo), plusieurs fausses images et vidéos ont été diffusées, semant une grande confusion au sein de la population. Certaines vidéos en provenance d’autres pays, ont envahi les groupes What’sApp, avant même 20H (début du couvre-feu). Dans ces vidéos, en provenance notamment de la Côte d’Ivoire, on voyait des jeunes tabassés par des forces de l’ordre la nuit.

« Les forces de police et de la gendarmerie font aussi leur travail pour le mieux, pour mettre la main sur ceux qui publient ces dernières semaines, de fausses informations sur les réseaux sociaux », dévoile le général Damahame Yark (ministre de la sécurité), avant de marteler : « Il faut que ceux-là arrêtent ».

Le général Yark Damehame, ministre togolais de la sécurité

Un texte diffusé sur les réseaux sociaux fin mars, donnait l’alerte sur la menace du coronavirus dans le golfe de Guinée par le biais d’un navire en direction de Lomé : information fabriquée, avait alerté Togocheck, après vérification.

Cette même plateforme avait décelé début avril, une fausse information qui circulait sur les réseaux sociaux, faisant croire que l’eau de robinet que distribue la Togolaise des Eaux (TdE) est contaminée par le coronavirus. Ces mayonnaises de mauvais goût, induisent parfois les médias dans les erreurs.

« Il faut être très vigilant pendant cette période sensible et de crise: bien vérifier l’information avant de la publier », précise Olivier Adja (Directeur de publication du journal Hara Kiri et responsable de l’Agence Afreepress).

« Surtout pour les informations publiées sur les réseaux sociaux, nous faisons le recoupement nécessaire sur internet, grâce à Google. Nous évitons surtout les scoops, car la recherche du scoop conduit souvent aux erreurs. Nous nous référons également à certains outils comme Togocheck qui nous permettent de vérifier certaines informations. Les sources les plus sûres sont les sources gouvernementales, les directions de communication, les attachés de presse, etc. », ajoute-t-il. 

Ces informations truquées nous obligent à nous référer à la mission traditionnelle du journaliste : apporter la lumière aux populations à travers des informations fiables. C’est ce qui a amené la journaliste marocaine Bouchra Chakir à lancer depuis quelques jours, une vaste campagne médiatique contre les fakes news et les rumeurs qui circulent durant cette période de crise sanitaire due à la pandémie du Covid19.

Plusieurs journalistes de diverses nationalités participent à cette campagne intitulée « Covid19 & Fake news: Both are pandemics ». FIN

 

Akossiwa YIBOKOU-MENSAH

www.savoirnews.net, l’info en continu 24H/24