Nigeria: 105 élèves manquantes après une attaque de Boko Haram, le président Buhari s’excuse

Cent cinq élèves d’un internat pour filles sont toujours portées disparues après une attaque de Boko Haram à Dapchi, dans le nord-est du Nigeria, d’après un resencement des parents d’élèves, auxquels le président Buhari a présenté ses excuses et dit « partager leur peine ».

Des centaines de jeunes filles de l’internat de Dapchi, dans l’Etat de Yobe, se sont enfuies lors de l’attaque de leur école lundi soir. Des membres présumés du groupe Boko Haram sont arrivés à la nuit tombée dans un convoi de véhicules dans le but précis d’enlever des élèves, selon les témoignages des résidents sur place.

Toutefois, plus de quatre jours après les faits, les autorités n’ont pas révélé de chiffres précis, et affirment que leur enlèvement n’est pas confirmé, sans nier qu’elles ont bel et bien disparues.

« Ayant été trompés (…) par les autorités qui ont d’abord nié l’enlèvement, avant de nous faire croire que nos filles avaient été retrouvées, nous avons décidé de travailler ensemble pour leur libération », a expliqué Bashir Manzo, président de l’association tout juste créée par les parents sans nouvelles de leurs enfants depuis lundi soir.

« Une liste complète de toutes les filles disparues » a été établie, et « nous avons compilé 105 noms », a-t-il ajouté.

« Le père de chacune des filles s’est présenté, et nous a donné son nom, le nom de sa fille, son âge, sa classe, sa ville natale et son numéro de téléphone », a précisé M. Manzo, dont la propre fille de 16 ans, Fatima, fait partie des élèves manquantes.

 

– convoi de véhicules –

 

« Le pays entier est aux côtés des familles », a déclaré vendredi le président Muhammadu Buhari dans un communiqué.

« C’est une catastrophe nationale. Nous sommes désolés que cela ait pu se produire et nous partageons votre peine », a ajouté le chef de l’Etat élu en 2015, sur la promesse de mettre fin au conflit qui ravage le nord-est du pays.

Cette attaque rappelle l’enlèvement de 276 lycéennes à Chibok en avril 2014 qui avait donné à Boko Haram, dont le nom signifie « l’éducation occidentale est un péché », une tragique notoriété sur la scène internationale, entraînant une vague d’émotion mondiale sur les réseaux sociaux sous le mouvement de « bring back our girls ».

Accusant la précédente administration de Goodluck Jonathan de n’avoir pas agi pour venir en aide aux familles des filles de Chibok, M. Buhari avait promis de les libérer durant son mandat. Près d’une centaine ont depuis été échangées contre des prisonniers et d’importantes sommes d’argent, pouvant attiser les convoitises de reproduire un tel enlèvement.

Ce qui semble être, quatre ans plus tard, la répétition de l’incident soulève de nombreuses interrogations sur les capacités de l’armée à sécuriser le nord-est du Nigeria, malgré les déclarations répétées du gouvernement se vantant d’avoir mis fin à l’insurrection.

 

– ‘armée écartelée’ –

 

Même si Boko Haram est désormais divisé, et ne contrôle plus de larges parties du territoire nigérian, comme ce fut le cas entre 2014 et 2015, les pourtours du lac Tchad restent totalement inaccessibles, et 1,6 millions de personnes ne peuvent toujours pas rentrer chez elles.

Plus grave encore, la situation sécuritaire dans le pays s’est généralement détériorée, dans un pays qui compte quelque 190 millions d’habitants.

Des habitants de Dapchi contactés par l’AFP ont dit se sentir « vulnérables » depuis le départ de troupes stationnées dans la ville, le mois dernier.

« Ils ont +enlevé+ tous les soldats et ils les ont transféré dans un autre endroit », raconte Amsani Alilawan, un professeur de l’école. « Ils nous ont laissé sans sécurité ».

Le porte-parole de l’armée, John Agim, a toutefois rejeté ces affirmations, et maintenu qu’un poste militaire se trouve « à une trentaine de km de l’école ». « Quand ils ont été alertés, ils se sont rendus sur les lieux », affirme-t-il. « Mais c’était déjà arrivé ».

« Il est impossible de déployer des hommes sur chaque école », a justifié M. Agim, dans une interview à l’AFP. « C’est le rôle des autres forces de sécurité ».

Pour Yan St Pierre, consultant en contre-terrorisme au Mosecon (Modern Security Consulting Group), « le problème n’est pas nécessairement le nombre de troupes déployées dans la région, mais plutôt leur capacité à réagir rapidement. »

« L’armée est complètement épuisée, écartelée entre le conflit avec les éleveurs (dans le centre du pays), la crise au Biafra (sud-est), le delta du Niger,… », a-t-il expliqué.

Boko Haram mène depuis 2009 une insurrection sanglante dans le nord-est du Nigeria. Ses attaques, et la répression par l’armée, ont fait plus de 20.000 morts et 2,6 millions de déplacés.

 

SOURCE : AFP