Mohamed Karim Shérif : « L’Egypte était et restera le pays de la civilisation, de la paix, de l’histoire, de la tolérance, de l’amour »

M.Mohamed Karim Shérif, l'Ambassadeur d’Égypte au Togo.

Le peuple égyptien a célébré, le 23 juillet dernier, le 66ème anniversaire de sa libération nationale du joug colonial anglais. A l’occasion de cette fête, symbole d’une fierté nationale, l’ambassadeur d’Egypte au Togo, M. Mohamed Karim Shérif, rappelle, par le biais d’une interview accordée récemment au Grand Quotidien National Togo Presse, les valeurs que cet anniversaire véhicule à travers le temps, dans la conscience collective et dans l’histoire des indépendances africaines. L’ambassadeur Shérif, qui estime que le 23 juillet 1952 est le repère de la naissance de l’Egypte, avec une armée républicaine, parle aussi des 58 ans des « relations solides » de coopération entre  l’Egypte, « pays des civilisations » et le Togo. Relations « gagnant-gagnant » qui se sont matérialisées par des actions dans divers domaines et, pour lesquelles son pays travaille, afin  qu’elles se renforcent davantage au niveau parlementaire.

Togo-Presse : Monsieur l’ambassadeur, le 23 juillet dernier, votre pays a célébré sa fête nationale.  Que représente, à votre avis, cette date dans l’histoire de l’Egypte ?

 Mohamed Karim Shérif : C’est la date de notre fierté, la libération et l’indépendance conquises par le président Gamal Abdel Nasser aux mains de l’occupation étrangère. C’est la date qui marque le retour de l’Egypte dans les mains des Egyptiens. Cette révolution est considérée par beaucoup d’historiens comme l’une des plus grandes révolutions de l’histoire.  Elle a abouti à la naissance de l’Egypte, en tant que nation, et les résultats ont changé l’aspect de la vie en Egypte, spécialement avec la formation d’une armée nationale forte et républicaine.  Je vous rappelle que cette même armée qui a joué un rôle très important pour garder la stabilité de l’Egypte durant la période turbulente entre 2011 et 2013, et spécialement contre les forces du brouillard, de l’extrémisme, du terrorisme, du fascisme religieux.

La révolution du 23 juillet est encore présente dans la conscience des peuples arabes et africains, en plus du peuple égyptien, pour plusieurs raisons, notamment le fait qu’elle représente un exemple vivant de la libération nationale et de l’égalité que l’Egypte a conquises dans les années 50 et 60. Elle représente aussi un pont vers les mouvements d’indépendance dans le monde car, la révolution du 23 juillet était un véritable moteur de la lutte pour la libération dans les pays du tiers-monde et fut aussi un grand mouvement de libération nationale qui changera le cours du monde arabe, africain et asiatique, avec une influence sur l’Amérique latine.

Depuis la révolution de 1952, qu’est-ce qui a changé, selon vous, dans la marche de l’Egypte vers son développement ?

L’Egypte était et restera le pays de la civilisation, de la paix, de l’histoire, de la tolérance, de l’amour. Maintenant, la nouvelle Egypte est tournée vers la démocratie, l’égalité, le développement, la jeunesse, l’efficacité et la coopération avec l’Afrique, dans la dynamique d’une coopération Sud-Sud, gagnant-gagnant, d’égal à égal.

La vision du Président Al Sisi, qui est partagée avec le Président Faure Essozimna Gnassingbé, est de faire développer l’Afrique. Ils sont convaincus que la coopération Sud-Sud demeure la meilleure alternative pour l’émergence des pays africains. Les pays africains possèdent chacun, en ce qui le concerne, une partie du puzzle pouvant nous conduire au développement. Si nous mettons en commun ces potentialités, l’Afrique y gagnera beaucoup.  Notre ambition est donc de susciter un élan panafricaniste, pour développer le continent par une convergence des forces endogènes. C’est pourquoi la Nouvelle Egypte est très intéressée de bénéficier des marchés africains.

A cet effet, notre politique déclarée est le respect et la compréhension mutuels. Nous n’intervenons pas dans les affaires des autres pays, une question qui est inscrite dans notre politique étrangère, fondée depuis 2014 sur la diversification de nos relations, la recherche de solutions pacifiques à tous conflits et problèmes. De la même façon, nous ne supportons pas qu’on intervienne dans nos affaires et nous défendons nos intérêts et ceux de notre cher continent africain. Une chose que nous avons essayé de mettre en œuvre, lors de notre admission au Conseil de Sécurité de l’ONU (2016-2018), ainsi que, tout au long de notre mandat au Conseil de paix et de sécurité de l’UA. Nous tenterons d’élaborer, durant notre prochaine présidence de l’UA en 2019, un ambitieux programme de renforcement de la coopération et du développement Afrique / Afrique.

Pensez-vous, Monsieur l’ambassadeur, qu’il y a un changement fondamental entre l’Egypte d’aujourd’hui et l’Egypte d’hier ?

Pour répondre à cette question, il faut citer le Président Al Sisi, au cours de l’inauguration de trois grandes centrales électriques la semaine dernière, qui déclarait: « Ce que nous avons accompli est une merveille ».  Cette fierté est donc exprimée par le Chef de l’Etat, en voyant le secteur de l’électricité se doter de nouvelles capacités importantes, lui permettant de tenir bon dans les conditions climatiques chaudes de l’Egypte. C’est dire donc que depuis la révolution populaire du 23 Juillet 1952, l’Egypte a connu d’autres révolutions contre le fascisme et l’extrémisme religieux, dont la dernière est celle du 30 Juin 2013, contre les Frères Musulmans. L’Egypte a traversé des périodes turbulentes et a réussi à surmonter les troubles ou à lutter contre le terrorisme. Aujourd’hui, les choses ont évolué et l’histoire en jugera. L’Egypte continue sa marche vers de nouveaux défis tels que, la création d’emplois pour les jeunes, la justice sociale et des mégaprojets ambitieux pour construire notre démocratie sur un modèle égyptien.  Dans la même voie, la nouvelle Egypte a initié d’autres mégaprojets comme la construction du nouveau Canal de suez, la nouvelle capitale administrative, et plusieurs autoroutes, ponts et tunnels, pour interconnecter le Caire et les autres gouvernorats.

L’Etat égyptien avance dans la mise en œuvre d’une vision stratégique globale, pour construire une nation puissante et développée, dans tous les domaines. Avec un programme de réformes économiques et sociales, qui prend en compte les classes sociales défavorisées. Aussi, les mesures d’austérité adoptées prennent en considération les catégories sociales les plus nécessiteuses, tout en créant un climat propice à davantage d’arrivée d’investissements locaux et étrangers, mais avec un accent particulier sur les jeunes et la jeunesse. Dans ce sens, l’Égypte a adopté de nouvelles lois sur l’investissement, qui profitent énormément aux investisseurs et les attirent. Nous allons de l’avant, mais les gens doivent travailler, en comptant sur eux-mêmes, et être plus productifs.

Vous êtes au Togo il y a quelques années, comment appréciez-vous les relations entre votre pays et le Togo ?

Les relations entre l’Egypte et le Togo sont des relations très solides et vieilles, qui datent de 1960, année de l’accession du Togo à sa souveraineté, et qui a vu l’ouverture de l’Ambassade d’Egypte à Lomé. C’était sous l’impulsion panafricaniste à l’époque de Gamal Abdel Nasser, puis Anouar El Sadate et aujourd’hui, Abdel Fattah Al Sisi. L’Egypte a connu des hauts et des bas, des périodes tumultueuses durant son histoire, mais le Togo est toujours demeuré à nos côtés jusqu’à ce jour. Notre message aujourd’hui est que l’Egypte sera toujours également aux côtés du Togo. C’est peu dire d’affirmer que les relations entre nos deux pays sont au beau fixe.  En trois ans, nos deux Chefs d’Etats se sont rencontrés plus de quatre fois, avec trois visites effectuées par le Président de la République togolaise en Egypte, la première fois lors de l’inauguration du Canal de Suez en août 2015, la seconde fois, au cours de la visite d’Etat en avril 2016 (une première depuis 56 ans) et la troisième fois, en Février 2017. Mais, on peut ajouter aussi des appels téléphoniques entre les deux chefs d’Etat.

Le Premier Ministre du Togo a fait le déplacement de Sharm Al Sheikh en février 2016, pour prendre part au Forum sur les Investissements en Afrique, tandis que l’ancien Premier Ministre égyptien Ibrahim Mahlab, Conseiller du Président Sisi pour les mégas projets, faisait quelques jours plus tard, une visite de travail à Lomé. Ces différentes rencontres au sommet des deux Etats ont permis la signature de nombreux et importants accords de coopération, dans plusieurs domaines, dont je citerai : la santé, l’agriculture, les médias, la communication, le sport, le transport maritime, l’habitat et les cours constitutionnelles.

L’Egypte est consciente que les efforts consentis jusque-là pour la coopération économique entre les deux pays demeurent insuffisants, mais nous continuons d’explorer les voies et moyens pour aboutir à un partenariat stratégique et un niveau de volume d’échanges satisfaisant dans un proche avenir.

Notre objectif est clair : développer une coopération gagnant-gagnant avec les pays amis africains, particulièrement le Togo, qui est un fervent ami. La Nouvelle Egypte fera un retour fracassant dans le continent mère : « Egypt is back ».

Selon vous, quels sont les principaux domaines dans lesquels l’Egypte devrait renforcer sa coopération avec le Togo ?

Nous œuvrons intensément pour voir notre coopération se renforcer au niveau parlementaire. Déjà, il y a eu une visite reportée du Président de l’Assemblée nationale togolais en Egypte. Mais nous osons croire que cela se fera dans un proche avenir.

Nous visons également le transport aérien.  Nous avons déjà amorcé le dialogue dans ce domaine avec les arrivées de plusieurs délégations ici à Lomé, l’année dernière, et je crois que les discussions continuent. Au plan sanitaire, plusieurs missions médicales ont sillonné le Togo, au service des plus nécessiteux ; la plus récente était en juin passé. Récemment un accord de coopération a été signé avec le ministère de la Santé. Nous croyons que c’est un prélude à des actions plus poussées dans le futur.  La lutte contre le terrorisme est devenue l’une des principales bases de la coopération entre l’Egypte et le Togo.

Avez-vous Monsieur l’ambassadeur, un message particulier à l’endroit des Togolais ?

Pour nous, la pensée nationaliste reste la plus appropriée permettant de résister à l’idéologie terroriste extrémiste, parce qu’elle unit la nation sans distinction, derrière la production et l’industrialisation. Donc, le temps presse et l’échec n’est pas une option. Gardez votre patrie, protégez votre pays, votre drapeau et votre patrimoine. Restez solides et solidaires, afin de bloquer toutes les occasions visant à perturber votre unité particulière dans la diversité.

 

Propos recueillis par Bernardin ADJOSSE