Maxime Domégni: « Tout ce qui préoccupe la HAAC, c’est comment restreindre les libertés. Et c’est très dangereux »

L’Assemblée nationale a voté mardi dernier, de nouvelles dispositions de la loi organique de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), des modifications qui étendent le pouvoir de sanction de l’autorité de régulation des médias. Selon Kokou Tozoun, le président de la HAAC, cette nouvelle loi n’a fait que « rétablir » l’Institution qu’il dirige « dans ses prérogatives disciplinaires ». Arguments que le Secrétaire général du Syndicat national des Journalistes indépendants du Togo (SYNJIT) Maxime Domégni rejette, car selon lui, « les pouvoirs que la HAAC avait, lui suffisait pour jouer pleinement son rôle ».

Savoir News: Le Parlement n’a fait que restituer à la HAAC, ses « prérogatives disciplinaires », selon M.Tozoun. Etes-vous du même avis que lui?

Maxime Domégni:

Pas du tout. Nous pensons que les pouvoirs que la HAAC avait, lui suffisait pour jouer pleinement son rôle : assurer le libre exercice du métier de journalisme au Togo. Il ne s’agit pas de restreindre les libertés. Naturellement, l’exercice de cette liberté, se fait dans les règles de l’art, c’est-à-dire que c’est encadrer par l’éthique et la déontologie. Mais, nous avons constaté que tout ce qui préoccupe la HAAC, c’est comment restreindre les libertés. Et c’est très dangereux. Depuis que l’actuelle HAAC a été installée, on ne voit pas des initiatives qui vont dans le sens de la protection de la presse, des initiatives qui vont dans le sens de la promotion de la liberté de la presse. Même lorsque des journalistes sont agressés, la HAAC ne daigne même pas sortir le moindre communiqué pour déplorer la situation. Et pourtant, c’est bien ça leur rôle. Nous avons plusieurs fois saisi la HAAC sur les préoccupations qui vont dans le sens de la promotion de la liberté de la presse.

La constitution dit que seule la justice a la prérogative de suspendre un organe de presse. Maintenant, la HAAC s’est arrogée le droit, avec la complicité du gouvernement, de suspendre les organes de presse. C’est très grave. Le président de la HAAC seul peut décider de la suspension d’un organe de presse en évoquant des mesures conservatoires. Et quand on parle de mesure conservatoire, nous savons bien de quoi il s’agit.

Il y a également un élément très important dans ce nouveau texte qui nous choque. C’est le fait qu’on rende publiques, les audiences et les convocations à la HAAC. Jusqu’à ce jour, les audiences sont secrètes. C’est humiliant. Quel corps de métier a jamais fait cela dans ce pays ? Tout cela est dégradant vis-à-vis de la presse. Tous ces éléments ne contribuent pas à la promotion de la presse.

Savoir News: Et que pensez-vous faire maintenant ?

Maxime Domégni: Nous avons une série d’actions. Nous avons déjà adressé un courrier au président de la république pour lui demander d’user de ses prérogatives constitutionnelles pour une relecture de cette loi. Nous osons croire qu’il ne va pas promulguer cette loi qui comporte autant de dérives. Nous allons également informer la Cour constitutionnelle de nos craintes. Nous allons aussi mobiliser nos partenaires sur le plan international. Nous allons également mobiliser les confrères sur le plan interne pour qu’ensemble, nous puissions définir des stratégies pouvant les contraindre à revenir sur cette loi.

Savoir News: Mais toutes les organisations de presse ne sont pas dans la lutte. L’OTM, CONAPP et UJIT ne se retrouvent pas dans ce mouvement. Ne pensez-vous que la lutte est déjà affaiblie?

Maxime Domégni: C’est vraiment regrettable, le fait que tout le monde ne participe pas à cette lutte. Mais, vous devez savoir qu’on n’a pas forcément besoin de tout le monde pour faire aboutir une lutte. J’ai été vraiment impressionné par le nombre de journalistes à l’Assemblée générale de samedi dernier. Je suis sûr que les journalistes sont conscients de de la situation. Nous allons voir dans quelle mesure, nous pouvons convaincre ces organisations pour qu’elles puissent entendre raison, puisque pour nous, la situation est dangereuse. Et laisser une telle situation, c’est se rendre complice d’une dérive, d’actes liberticides. Alors, nous devons faire tout ce qui est de notre possible pour arrêter le gouvernement dans ces dérives, surtout que nous sommes à la veille des élections législatives.

Savoir News: Avez-vous un appel à l’endroit des journalistes?

Maxime Domégni: Nous souhaiterions que les confrères se mobilisent autour de toutes les actions que nous mèneront les jours à venir. Avec un certain nombre de personnes, nous allons réfléchir à d’autres initiatives. Nous sommes déterminés à initier d’autres actions, afin d’obtenir la relecture de cette loi. Les confrères sont mobilisés et nous avons aussi nos partenaires au niveau international qui sont de notre côté. FIN

Propos recueillis par Junior AUREL

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