Les engrais innovants relancent l’espoir d’une révolution bio

Simnai and Phillip Tshuma, des fermiers de Hwange, au Zimbabwe, dans leur champ de sorgho.

Phillip Tshuma est un agriculteur heureux. Malgré l’une des pires sécheresses que son pays, le Zimbabwe, ait jamais connue, sa récolte de maïs et de petites semences a progressé cette année de 50 % par rapport à  2015, grâce au micro dosage, une technique qui consiste à appliquer des petites quantités d’engrais de manière ciblée.

Grâce au micro dosage, les agriculteurs utilisent 8 à 10 kg d’engrais azoté par hectare, soit un cinquième des taux habituellement recommandés.

Au cours de la dernière saison, la récolte de Phillip Tshuma lui a permis de faire près de 350 dollars de bénéfices, un chiffre non négligeable dans un pays où la plupart des gens survivent avec moins de 1,25 dollar par jour.

Il y a dix ans, les dirigeants africains ont adopté, lors d’un sommet spécial à Abuja au Nigéria, une résolution en douze points sur l’utilisation des engrais, afin d’amorcer une « révolution verte » en Afrique. Conscients que les engrais inorganiques ne peuvent à eux seuls augmenter la production agricole, ils ont demandé aux pays concernés de s’engager à augmenter leur utilisation d’engrais, en passant d’une moyenne de 8 kg par hectare en 2005 à 50 kg par hectare en 2015.

Les engrais organiques et inorganiques procurent aux plantes les nutriments dont elles ont besoin pour être robustes et résistantes. Les engrais organiques (fumier, feuilles et compost) ne contiennent que de la matière issue d’autres plantes ou d’animaux. Ce sont soit des produits dérivés, soit des produits finis issus de processus naturels. L’engrais inorganique, qu’on appelle aussi engrais synthétique, est produit artificiellement et contient des produits chimiques synthétiques.

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Les engrais organiques ne libèrent leurs nutriments que lorsque les sols sont chauds et humides, tandis que les apports nutritifs des engrais inorganiques aux plantes sont immédiats.

En entamant sa propre révolution verte, l’Afrique allait suivre  l’exemple de l’Asie et de l’Amérique latine, où des politiques efficaces associées à de nouvelles techniques agricoles, mais aussi à l’amélioration des intrants et à des variétés de semences à haut rendement ont amélioré les récoltes et réduit la pauvreté.

Même si aucun pays n’a atteint les objectifs fixés pour 2015, Rhoda Peace Tumusiime, Commissaire  à l’économie rurale et à l’agriculture de l’Union africaine, estime qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter et que les pays doivent continuer à investir pour améliorer l’accès des petites exploitations à ces engrais.

Une demande en hausse

Richard Mkandawire est vice-président du Partenariat africain pour l’engrais et  l’agro-industrie  (AFAP, African Fertilizer and Agribusiness Partnership), une organisation chargée de promouvoir l’investissement dans les engrais commerciaux en Afrique. Selon lui, bien que certains pays n’aient pas atteint leurs objectifs, ils ont fait d’importants progrès en matière d’utilisation des engrais.

Un rapport de la Banque mondiale note ainsi qu’entre 2005 et 2015, l’Éthiopie a enregistré sa plus forte hausse d’utilisation d’engrais par hectare, en passant de 11 à 24 kg. Au cours de la même période, l’utilisation d’engrais au Ghana est passée de 20 à 35 kg par hectare et celle du Kenya de 33 à 44 kg. L’augmentation de l’usage des engrais sur 10 ans a entraîné  une croissance du  rendement des exploitations et du secteur agricole en général. 

En mars 2016, lors d’une conférence régionale de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en Côte d’Ivoire, Amit Roy, ancien président du Centre international de développement des engrais, a déclaré que si l’Afrique n’avait pas atteint les objectifs fixés dans la déclaration d’Abuja, elle était toutefois en passe d’atteindre une moyenne de 17 kg d’engrais par hectare d’ici à 2018. Même si cette avancée reste modeste, elle représentera un doublement des quantités utilisées au moment où la déclaration a été signée.

Selon l’Association internationale de l’industrie des engrais, une organisation commerciale qui représente plus de 500 producteurs et distributeurs d’engrais, aujourd’hui encore l’utilisation des engrais dans un grand nombre de pays africains ne dépasse pas les 12 kg par hectare, contre 1 570 kg par hectare en Malaisie, 1 297 kg à Hong Kong ou 278 kg au Bangladesh.

Néanmoins la demande d’engrais ne cesse d’augmenter en Afrique depuis 2008, en particulier en Afrique subsaharienne, où son utilisation a augmenté de 130 % selon le Centre international de développement des engrais, un groupement qui cherche à améliorer la productivité agricole en développant la nutrition des cultures et les compétences en industries agro-alimentaires.

Pour Amit Roy, la demande d’engrais devrait atteindre les 7 millions de tonnes en 2018, même si ce chiffre ne représente que 2 % de la consommation mondiale, dominée par le Brésil, la Chine, l’Inde et les États-Unis, qui  à eux seuls sont à l’origine de 55 % de la demande mondiale.

L’exemple de Phillip Tshuma, qui fait partie des 170 000 foyers du Zimbabwe à utiliser le micro dosage, prouve que cette méthode pourrait bien être décisive pour ce qui est d’augmenter l’utilisation des engrais en Afrique. La production céréalière de M. Tchuma a doublé, améliorant ainsi considérablement la sécurité alimentaire de sa famille. La promotion du micro dosage au Zimbabwe a déjà permis à ce pays d’économiser 7 millions de dollars annuels en importations de produits alimentaires, selon l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT).

Le micro dosage est une technique peu coûteuse qui, quand elle est adoptée par les petits exploitants agricoles, permet d’augmenter l’utilisation d’engrais selon l’ICRISAT, qui ajoute que les retours sur investissement sont encore plus importants qu’avant.

M. Tshuma assure que les faibles doses d’engrais qu’il utilise en micro dosage augmentent ses rendements sans qu’il ait besoin d’investir d’importantes sommes d’argent. S’il appliquait les quantités recommandées par les dirigeants africains (50 kg par hectare), il devrait dépenser plus de 300 dollars à chaque saison, rien que pour les engrais.

Au Zimbabwe, l’ICRISAT utilise des modèles de cultures pour étudier le coût du micro dosage et son fonctionnement. L’étude menée par cette agence indique que contre toute attente, des petites quantités d’engrais peuvent aussi augmenter les rendements de manière significative. Les agriculteurs utilisent 8 à 10 kg par hectare d’engrais azoté en micro dosage, soit un cinquième environ des taux d’application recommandés.

Infertilité des sols

La baisse de fertilité des sols causée par des facteurs tels que la monoculture, la dégradation des sols ou autres, est souvent jugée responsable de la faiblesse des récoltes en Afrique. Elle devrait plutôt encourager les petits exploitants à utiliser les engrais.

Les engrais améliorent la qualité des sols et permettent aussi de freiner leur érosion ainsi que  les pertes en nutriments. Dans son Rapport sur l’état des ressources en sols dans le monde publié en 2015, la FAO exhorte les pays à encourager leurs agriculteurs à réincorporer les résidus des cultures et autres matières organiques dans les sols qu’ils exploitent, à faire usage de la rotation des cultures en y associant des plantes qui fixent l’azote et à utiliser de manière raisonnée les engrais organiques et minéraux.

«Les engrais sont essentiels pour assurer  la sécurité alimentaire africaine et nous devons continuer à encourager le secteur privé à investir dans le renforcement de leur utilisation», explique Mme Tumusiime.

Comment financer les engrais

Pour promouvoir l’utilisation des engrais sur le continent, l’Afrique doit aussi développer les pratiques de gestion durable des sols et tirer le meilleur parti du Mécanisme africain de financement  des engrais mis en place par l’Union africaine lors du Sommet de l’Afrique sur les engrais en 2006, poursuit M. Roy.  

En juillet dernier, une réunion a été organisée par l’AFAP et l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, un centre pour la recherche agricole mondiale, pour faire le point sur les progrès en matière d’utilisation des engrais en Afrique. La conclusion ? Malgré la mise en place de marchés régionaux pour les engrais dans plusieurs communautés économiques régionales, ces marchés sont confrontés au manque d’infrastructures et de réseaux de distribution, ainsi qu’à des problèmes de stockage et des difficultés avec les installations locales de mélange des engrais.

Les petites exploitations agricoles augmenteront leur utilisation d’engrais si l’accessibilité à ces engrais est améliorée, insiste M. Mkandawire.

Les petits exploitants agricoles sont pris au piège de la pauvreté et doivent faire face à la faible fertilité des sols qui les empêche d’acheter les intrants qui leur permettraient d’augmenter leur productivité et de combattre la faim, conclut M. Mkandawire.

Les experts s’accordent tous pour dire que le micro dosage, l’augmentation de l’usage des engrais, l’investissement privé, l’amélioration de l’accès au crédit, la réduction des coûts des importations, l’adoption de programmes de subvention intelligents et la multiplication de pratiques durables d’exploitation des sols aideront l’Afrique à réaliser son rêve de révolution verte. Le défi pour les pays concernés est désormais de poursuivre dans la voie engagée en collaboration avec ces experts.

Busani Bafana / www.un.org/