La RDC va expulser les militants sénégalais et burkinabè arrêtés

Face aux protestations internationales, le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) a annoncé mercredi que les militants pro-démocratie sénégalais et burkinabè arrêtés ce week-end allaient être « expulsés », une affaire qui illustre la crispation du climat politique dans le pays.

Ces militants arrêtés dimanche à Kinshasa « vont être expulsés du pays. Ils sont en train de recevoir une déclaration de +persona non grata+. C’est la meilleure solution que nous avons trouvée », a déclaré à l’AFP Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais.

Répondant à un « voeu » de son homologue sénégalais Macky Sall, le président congolais Joseph Kabila « vient de décider d’ordonner l’arrêt des poursuites contre les quatre sujets sénégalais et burkinabè », a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse.

Tout est parti d’une conférence organisée samedi dans la capitale sur la bonne gouvernance et la démocratie par des militants du mouvement congolais.

Lutte pour le changement (Lucha) et de célèbres organisations de la société civile venues du Sénégal et du Burkina Faso.

Selon l’ambassade des Etats-Unis, pays qui a parrainé en partie la rencontre, « certains » membres ou proches du pouvoir congolais étaient également « présents ».

Alors que le débat sur un éventuel troisième mandat du président Kabila agite la RDC, les militants étrangers arrêtés dimanche appartenaient à « Y’en a marre », acteur majeur du combat contre un troisième mandat du président sénégalais Abdoulaye Wade (2000-2012), et au « Balai citoyen », en pointe dans la « révolution » qui a chassé le président burkinabè Blaise Compaoré en octobre 2014.

Un journaliste arrêté aussi, Eric Izami, de la chaîne congolaise privée Antenne A, a été libéré mardi soir.

Mais les activistes congolais retenus également depuis dimanche « attendront une décision du procureur qui va tomber » au plus tard dans « 48 heures », a ajouté le porte-parole du gouvernement.

– ‘Actes de violence’ –

Le pouvoir congolais avait rapidement accusé les militants étrangers de préparer des « actes de violences » dans le pays.

M. Mende a affirmé que les enquêteurs ont trouvé des « tenues militaires » et une « documentation assez intéressante dans (les) valises » des militants arrêtés, comme un livre intitulé « Le retour des jihadistes ».

Il a aussi expliqué que « 100.000 dollars » avaient été trouvés « dans un établissement bancaire de Kinshasa pour payer les différents frais » liés à leurs activités, une « cagnotte » constituée selon lui grâce à « certains pays qui ont pignon sur rue ici ».

Qualifiant face à la presse les militants à d' »apprentis exportateurs de révolution », il a souligné que « les enquêtes continuent ».

« Il est considéré que aussi bien les journalistes, les diplomates, tous ceux qui étaient là doivent coopérer avec la justice pour qu’on comprenne exactement les tenants et les aboutissants de ce qui s’est passé, qu’est-ce que ces gens venaient chercher », a-t-il insisté.

Revenant sur l’appui des Etats-Unis à la rencontre, il a souligné que, pour la RDC, « c’est un acte totalement inacceptable et (…) que le gouvernement a des explications à recevoir ».

Le climat s’est fortement crispé en RDC depuis des manifestations du 19 au 22 janvier qui ont fait, essentiellement dans la capitale, entre 27 et 42 morts, selon les sources.

Les contestataires dénonçaient un projet de révision de la loi électorale qui aurait permis de prolonger le mandat du président Kabila après la fin 2016, date de la fin de son quinquennat, alors que la Constitution lui interdit de briguer un nouveau mandat.

Certains manifestants disaient vouloir s’inspirer de la « révolution » anti-Compaoré au Burkina.

Mardi matin, à Goma, dans l’est de la RDC, des jeunes de Lucha, mouvement qui revendique une meilleure gouvernance et le respect de la démocratie, avaient manifesté pour obtenir la libération des militants arrêtés dans la capitale.

Leur manifestation a été brutalement réprimée par la police, qui a arrêté une dizaine de militants, dont une femme. Tous ont été libérés mardi soir mais ils ont « subi la torture et du chantage par les agents de l’ANR », l’Agence nationale de renseignement, a accusé Lucha.

Avant la décision d’expulsion, la mobilisation internationale n’avait cessé de s’accentuer.

Le Burkina et le Sénégal sont montés au créneau, et la Mission de l’ONU en RDC (Monusco) a dit avoir contacté les « institutions compétentes pour que les interpellés puissent être libérés ».

La Belgique, ancienne puissance coloniale, s’est inquiétée d’un « resserrement de la liberté d’expression et de l’usage disproportionné de la force, ainsi que du risque de détentions arbitraires ».

L’arrestation des militants est le « tout dernier signe alarmant de la répression de manifestations pacifiques » et « le signe d’une répression inquiétante de la liberté d’expression et de réunion en RDC », a condamné l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch (HRW).

SOURCE : AFP