La Côte d’Ivoire plonge dans la crise préélectorale avec sept morts près d’Abidjan

La Côte d’Ivoire a plongé dans une violente crise préélectorale, avec au moins sept morts et une quarantaine de blessés dans des affrontements intercommunautaires qui durent depuis lundi à Dabou, à 50 kilomètres à l’ouest d’Abidjan, à dix jours de l’élection présidentielle.

Le président Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2010, se présente à un troisième mandat controversé, tandis que les candidatures de plusieurs figures de l’opposition ont été invalidées.

« Il y a quatre morts retrouvés dans une cour de Dabou aujourd’hui » mercredi, « et trois morts hier » mardi, a rapporté à l’AFP le préfet de Dabou, Remy Nzi Kanga, ajoutant qu’il y avait aussi « une quarantaine de blessés ».

Le bilan pourrait encore s’alourdir car le préfet, le maire de Dabou Jean-Claude Yede Niangne ainsi que des témoins ont mentionné des tirs de fusils d’assaut.

Le préfet a évoqué « une milice » armée de kalachnikov, soulignant que « les jeunes (de la région) n’ont pas ce type d’armes ».

Il a assuré que la situation était « en voie de normalisation » après l’envoi de renforts.

Selon des témoignages d’habitants, des premiers troubles ont commencé lundi et ont dégénéré en affrontements intercommunautaires mardi entre Adioukrous (ethnie locale, réputée favorable à l’opposition) et Dioulas (ethnie du Nord réputée pro-pouvoir).

Un jeune a été tué à coups de machettes à Kpass (en périphérie de Dabou) mardi.

– « Les habitants crient vengeance » –

« Nous avons été agressés hier (mardi) par des individus armés de couteaux, machettes et de gourdins. Nous déplorons la mort d’un élève de 20 ans, tué à l’arme blanche à son domicile par les agresseurs, » a affirmé à l’AFP Gbari Kock Yed, chef du village de Kpass, qui compte un millier d’habitants.

« L’attaque a été menée par des jeunes Malinkés ou Dioulas qui ont incendié une partie de l’école du village, pillé le domicile des enseignants et brutalisé plusieurs villageois », a-t-il détaillé.

Mercredi, après une accalmie dans la matinée, « il y a eu des tirs de kalachnikov. La situation s’est aggravée avec des feux au nord et au sud de la ville », a affirmé le maire de Dabou M. Yede Niangne.

« La situation est très volatile, les autres habitants des villages environnants crient vengeance et projettent une descente musclée sur la ville. Nous avons peur, nous sommes cloués à la maison », a rapporté à l’AFP un habitant.

Les craintes de nouvelles violences meurtrières sont grandes, dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011, née du refus du président Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite électorale face à Alassane Ouattara.

Survenant après une décennie de tensions qui avaient coupé le pays en deux, elle avait fait 3.000 morts.

Une vingtaine de personnes sont mortes depuis le mois d’aout dans des violences liées à la présidentielle du 31 octobre, à laquelle le président Alassane Ouattara se présente pour  un troisième mandat vivement contesté par ses opposants.

– « Coup d’Etat électoral » –

A Abidjan, l’opposition ivoirienne a estimé que la mission de médiation ouest-africaine venue à Abidjan avant la présidentielle a été un « échec » et a demandé à ses militants d’intensifier leurs actions de « désobéissance civile ».

La mission de la Communauté économique des Etats ouest-africains (Cédéao), dimanche et lundi à Abidjan, « a marqué une sorte d’impuissance face aux revendications de l’opposition et face au gouvernement (pour qu’il fasse) des concessions. La mission a été un échec », a déclaré le porte-parole de l’opposition Pascal Affi N’Guessan lors d’une conférence de presse.

« Nous réitérons notre disponibilité et notre ouverture à une négociation internationale », a poursuivi M. Affi N’Guessan, candidat à la présidentielle au nom du Front Populaire Ivoirien (FPI), évoquant une intervention de l’Union africaine et de l’ONU, et déniant au gouvernement la « légitimité » pour organiser des pourparlers.

La Cédéao avait appelé lundi le pouvoir et l’opposition à « des efforts considérables » pour apaiser la situation, invitant l’opposition à « reconsidérer sérieusement » sa « décision de boycotter l’élection », ainsi que son appel à la « désobéissance civile ».

« La désobéissance civile continue et doit s’intensifier de manière pacifique pour mettre fin au coup d’Etat électoral » du pouvoir, a répondu M. Affi N’Guessan.

Il a affirmé que lui-même et Henri Konan Bédié, le chef du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, principal mouvement d’opposition), maintenaient leurs candidatures à la présidentielle, tout en boycottant le processus électoral.

« Nous sommes jusqu’à preuve du contraire candidats pour qu’il y ait un processus électoral inclusif », a-t-il expliqué.

SOURCE : AFP