Journée des Droits de la Femme : Reconnaître la contribution de la gente féminine en faveur de la construction d’un avenir plus durable pour tous

Mmes Victoire Tomégah-Dogbé et Yawa Djigbodi Tsègan

La journée internationale des droits des femmes a lieu tous les 8mars. Chaque année, elle donne l’occasion de remettre sous les projecteurs les nombreuses inégalités dont sont encore victimes les femmes par rapport aux hommes.

Les militantes des droits des femmes en profitent pour dénoncer les violences faites aux femmes, sur fond de sexisme et de patriarcat.

Cette journée suscite chez les femmes un engouement à être des actrices à fort potentiel dans la dynamique décisionnelle nécessaire à la bonne gouvernance. Retour sur l’histoire de cette journée, son origine, la raison du choix de la date du 8mars, mais aussi sur la situation des femmes au Togo et l’esprit qui sous-tend le thème de cette année: «L’égalité aujourd’hui pour un avenir durable».

Si les Nations Unies ont officialisé cette célébration (et sa date) en 1977, l’origine de la Journée de la femme, devenue «Journée des droits des femmes», est à chercher plus loin dans le temps : à l’époque de la lutte des ouvrières pour de meilleures conditions de travail, et de celle des suffragettes pour le droit de vote, soit dans la première partie du XXe siècle.

En effet, en 1957, le journal l’Humanité saluait le centenaire du 8mars 1857, ce jour où «les ouvrières de l’habillement de la ville de New-York s’en allèrent défiler dans les rues, comme des hommes, portant pancartes et banderoles» pour de meilleures conditions de travail et le respect de leur dignité.

En 1908, le 21 juin, cette fois-ci, c’était au tour de 250000 suffragettes de réclamer le droit de vote des femmes à Londres.

Une fin de 19e – début de 20e siècle au goût d’émancipation qui allait favoriser l’émergence de la Journée internationale du droit des femmes, des décennies plus tard. La première Journée internationale de la femme a eu lieu le 19 mars 1911 (en Europe et aux Etats-Unis) et plaidait déjà pour plus de droits.

Après la signature de la charte des Nations Unies à San Francisco en 1945 pour proclamer l’égalité des sexes comme droit fondamental, les manifestations se multiplient, une fois par an, dans le monde entier pour l’égalité hommes-femmes.

Ces journées sont aussi l’occasion de bilans, notamment en chiffres, sur la situation du moment. Des associations de militantes en profitent également pour célébrer les récents acquis comme pour faire entendre les revendications qui restent à l’ordre du jour.

La date du 8 mars

Le choix du 8mars comme date dédiée aux droits des femmes vient, quant à lui, de la Russie communiste. En 1921, Lénine initiait déjà le 8 mars comme celle de la «Journée internationale des femmes», en mémoire de la première manifestation à avoir lancé la révolution russe, en 1917.

Cette année- là, les ouvrières russes avaient décidé de se mettre en grève le dernier dimanche du mois de février, afin de revendiquer «du pain et la paix». C’était le 23 février, mais dans le calendrier julien… La date deviendra le 8 mars dans le calendrier grégorien. Il faudra attendre 1977, en pleine séquence de détente entre les blocs de l’Est et de l’Ouest pendant la guerre froide, pour que les Nations Unies adoptent ce jour après avoir hésité entre plusieurs dates, comme celle du 19 mars, souvenir des premiers défilés aux Etats-Unis en 1911.

Quel est le thème de la Journée des droits des femmes ?

Une thématique différente est désignée par l’ONU à chacune des éditions de la «Journée des femmes» («Womens Day» en anglais). Pour 2022, il s’agit de «L’égalité aujourd’hui pour un avenir durable».

Un thème, précise l’Organisation des Nations Unies, «en reconnaissance de la contribution des femmes et des filles du monde entier qui mènent l’offensive quant à l’adaptation et la réponse aux changements climatiques et à leur atténuation, en faveur de la construction d’un avenir plus durable pour toutes les personnes».

Faire progresser l’égalité des sexes dans le contexte de la crise climatique et de la réduction des risques de catastrophe est l’un des plus grands défis mondiaux du XXIe siècle. Les problèmes liés aux changements climatiques et à la durabilité ont eu et continueront d’avoir des répercussions graves et durables sur l’environnement et sur le développement économique et social. Celles qui sont parmi les plus vulnérables et marginalisées en subissent les retombées les plus graves.

En effet, les femmes sont de plus en plus reconnues comme étant plus vulnérables aux impacts du changement climatique que les hommes, car elles constituent la majorité des personnes pauvres de la planète et sont davantage dépendantes des ressources naturelles qui sont les plus menacées par le changement climatique.

En même temps, les femmes et les filles sont des leaders et responsables du changement œuvrant efficacement et puissamment en faveur de l’adaptation aux changements climatiques et de leur atténuation.

Elles participent à des initiatives de développement durable dans le monde entier, et leur participation et leadership se traduisent par une action climatique plus efficace.

Il est essentiel de continuer à explorer les opportunités à exploiter, ainsi que les contraintes à surmonter, dans les moyens d’action mis à la disposition des femmes et des filles pour qu’elles fassent entendre leur voix et jouent un rôle égal dans la prise de décisions liées au changement climatique et à la durabilité, en vue d’atteindre un développement durable et une plus grande égalité des sexes. Sans l’égalité des sexes aujourd’hui, un avenir durable et un avenir égal restent hors de portée.

La situation des droits de la femme au Togo

Le Togo a modernisé, ces dernières années, plusieurs de ses textes de lois et pris plusieurs initiatives pour la promotion de l’égalité genre dans le pays. Ces avancées vont de l’adoption d’un nouveau code pénal plus égalitaire, d’un nouveau code des personnes et de la famille, d’un code foncier balayant l’ambivalence des textes coutumiers et modernes qui pénalisaient les femmes, d’une stratégie nationale d’intégration du genre dans les politiques et programmes de développement à la révision de la stratégie de lutte contre les Violences Basées sur le Genre (VBG).

Ce nouvel arsenal juridique, avec l’appui des associations et les partenaires au développement, a permis de faire reculer certaines des plus graves violences faites aux femmes telles que l’excision. Des avancées sont également obtenues dans les domaines de l’éducation des filles où le Togo est dans le peloton de tête des pays ayant favorisé
l’accès des filles à l’école. Des progrès ont été notés aussi au niveau de l’accès des femmes à l’emploi, en politique où, depuis 2018, une grande place est faite à la femme togolaise.

En effet, sous la magistrature du chef de l’Etat, Faure Essozimna Gnassingbé, la représentation des femmes dans les instances décisionnelles a évolué, passant de 23% en 2019, à 35% en 2021. Surtout des institutions de premier plan comme la Primature, le Parlement, la Médiature de la République sont dirigées par des femmes, de même que le tiers des portefeuilles gouvernementaux.

Ce qui lui a valu le titre de «Champion», distinction «HeForShe, LuiPourElle» d’ONU Femmes reçue, en octobre 2021, pour sa politique
de promotion du leadership féminin au Togo. Pour le président Faure Gnassingbé, « cette reconnaissance qui honore le Togo pour ses efforts dans la promotion du genre, l’autonomisation de la femme, et les droits de la petite fille, est une incitation à faire davantage pour une société plus équitable », a-t-il écrit sur son compte Twitter.

Cependant, au-delà de la représentation dans le monde politique, les cas de discriminations basées sur le sexe existent toujours. Plus préoccupante est la tolérance persistante des violences basées sur le genre, surtout chez les hommes, mais aussi chez les femmes elles-mêmes, avec pour conséquence, la réalité qu’un nombre important de femmes continuent à subir aussi bien des violences physiques que sexuelles.

Selon Afrobaromètre qui a publié en 2019 un rapport sur la question, le Togo doit poursuivre ses efforts pour renforcer les acquis en matière de l’équité d’accès des filles à l’école et des femmes dans le monde du travail.

Les autorités politiques, ainsi que la société civile, les médias, et même les leaders religieux doivent intensifier les efforts à garantir aux femmes un meilleur accès aux postes politiques et électifs, un meilleur accès au foncier, et un avenir sans violences basées sur le genre.

Sur le terrain de l’inclusion financière

D’un rapport à un autre, l’édition 2020 du rapport «les femmes, l’entreprise et le droit» de la Banque mondiale indique que le Togo fait partie des pays ayant le plus avancé sur la question de l’inclusion économique des femmes.

Cette étude mesure la manière dont les lois affectent les femmes aux différentes étapes de leur vie professionnelle et couvre les réformes entreprises de juin à septembre2019 dans huit domaines associés à l’émancipation économique des femmes. En résumé, les femmes togolaises se voient accorder 84% des droits reconnus aux hommes, au-dessus de la moyenne en Afrique subsaharienne. Dans cette région du globe où le train des réformes s’est accéléré depuis quelques années, les femmes pâtissent toujours du manque de volonté politique.

Au Togo, sur les questions de liberté de circulation, d’accès à l’emploi, de rémunération au travail et des prestations de retraites (pensions), les réglementations sont les mêmes que pour les hommes. En matière de propriété et de succession, les femmes ne détiennent que 80% des droits dont disposent les hommes.

Par contre, l’écart se creuse sur les terrains du mariage, de la maternité et de l’entreprenariat. Les contraintes juridiques liées au mariage demeurent encore plus importantes pour les femmes togolaises, montre l’indice.

En ce qui concerne la maternité, l’institution de Bretton Woods constate que plusieurs lois continuent d’influencer négativement la vie professionnelle des femmes après qu’elles ont eu un enfant. Sur le volet entreprenariat, certaines entraves à la création et à la gestion d’entreprise pour les femmes persistent. Selon de récentes statistiques du Centre de Formalités d’Affaires (CFE), elles ne détenaient qu’environ 27% des nouvelles entités en 2019. Une amélioration faible, malgré la révision à la hausse de la promesse des 25% de marchés publics réservés aux jeunes et aux femmes. Selon ce rapport de la Banque Mondiale, en Afrique, le Togo se place derrière l’Ile Maurice, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, le Cap Vert, Sao Tomé-et-Principe et la Tanzanie.

Des classements intéressants qui devraient inciter le gouvernement, les acteurs de la société civile, les partenaires au développement et les femmes elles-mêmes à redoubler d’efforts pour un Togo plus juste et équitable, gage de paix et de prospérité.

Blandine TAGBA-ABAKI (Togo Presse)