Henriette Goussikindey, sœur de St Augustin (Bénin): « La femme est la racine qui fait pousser l’arbre »

A l’occasion de la Journée internationale de la femme célébrée le 8 mars de chaque année, Henriette Goussikindey, sœur de Saint Augustin à Saint Michel de Cotonou et artiste, plasticienne, approchée lors de la rencontre « femmes de feu » organisée par l’agence Publicist développe dans cette interview, les notions de « femme et pouvoir ». Elle explique comment la femme peut s’organiser dans la société pour réussir et s’émanciper.

Pourquoi faut-il célébrer la femme ?

Le 8 mars est une journée qui a pleinement son sens et mérite d’être fêtée parce que la femme a le pouvoir, elle a la vie. Que peut faire une maison, un foyer, une société, un pays sans la femme ? Lorsqu’elle est absente quelque part, le vide se ressent. C’est pour cette raison que j’ai peint plusieurs tableaux pour montrer qu’elle est irremplaçable. Un tableau sur un mur est plus expressif que le langage parlé’’.

A la fois mère et épouse qui veille à l’équilibre de son mari, de ses enfants et de son foyer, la femme demeure le moteur qui fait fonctionner la vie de l’être.

Doit-on comprendre que la religion catholique épouse la célébration de la Journée internationale de la femme ?

Absolument ! La religion catholique épouse la célébration du 8 mars. On dit généralement que « ce que femme veut Dieu veut ». Quand on se réfère à l’histoire biblique, on se rend compte que ce qui est important et qui a de la valeur, se met devant.

La Vierge Marie est l’exemple de cette femme dans l’Eglise. Elle est le moteur. Que peut-on obtenir de Dieu sans passer par sa mère ? Elle nous tient la main pour aller à Jésus. Cette expérience prouve combien de fois, la femme est l’amazone de l’ombre. L’Eglise reconnaît que sans la femme, le monde ne peut pas tenir.

La façon de la célébrer ne galvaude-t-elle pas la journée ?

Il est vrai que de plus en plus, l’ambiance qui encadre cet évènement est festive. On observe des regroupements dans le cadre de cette célébration, au cours desquels la femme dit son cri de cœur. Au lieu d’organiser des réjouissances à chaque occasion du 8 mars, nous devons plutôt réfléchir à la manière de la célébrer, afin de l’améliorer. Car le tout ne suffit pas pour les femmes de se réunir pour proclamer l’égalité par rapport aux hommes.

L’essentiel à faire, c’est de réfléchir sérieusement et positivement à ce que nous pouvons faire pour que le monde évolue. Pour les femmes, la célébration doit être une occasion de remise en cause, de prise de conscience.

Il faut se demander en tant que femme son apport pour un monde meilleur et surtout ce qui reste à faire, pour évoluer toujours dans la bonne direction. C’est de cette façon, qu’on agira pour que la célébration du 8 mars cesse d’être une journée de défilé de mode.

Que vous inspire le thème «femme et pouvoir», thème de la conférence-débats des trophées femmes de feu ?

La femme a le pouvoir mais le problème réside dans sa manière de s’en servir. Elle a son rôle à jouer, son mot à dire, sa participation à apporter dans le cadre de la gestion des affaires de la cité. Elle est la racine qui fait pousser l’arbre. Sans la racine, l’arbre ne peut survivre. Aujourd’hui, nous parlons de pouvoir de la vie.

Combien de fois ne nous laissons-nous pas manipuler en acceptant des traitements dégradants, en soutenant que c’est pour notre évolution ? Et les grossesses qui ne parviennent pas à terme et que nous détruisons alors que d’autres femmes dépensent des millions pour avoir ne fut-ce qu’un enfant ? Combien de fois, ne retrouve-t-on pas des bébés dans des fosses, sur des tas d’ordures? Ce n’est pas l’homme qui enfante. C’est le pouvoir que Dieu nous a donné. Mais comment nous nous en servons? Ce pouvoir, nous devons l’utiliser et l’entretenir.

Aujourd’hui, nous observons que l’éducation des enfants est de plus en plus ratée et confiée aux domestiques. C’est pourquoi les femmes doivent travailler à corriger cette situation.

Le tout ne suffit pas d’être une femme émancipée. Nous devons être l’exemple pour nos enfants et incarner un modèle. Rater l’éducation de ses enfants, c’est manquer à sa responsabilité d’épouse et de mère, c’est quelque part démissionner.

Femme, spiritualité, leadership et pouvoir, comment concilier tous ces facteurs?

La conciliation de tous ces paramètres passe par une planification personnelle de la femme elle-même. Tout part de la manière dont elle s’organise. Moi je suis religieuse, j’ai des heures de prière. Déjà à 5 heures, je dois être en éveil pour faire des méditations et assister à la messe. Je dois aller donner des cours et gérer aussi ma galerie. J’ai des apprentis à ma charge que je dois encadrer, tout en organisant mes ateliers de peinture. Sans compter que les sœurs en communauté, ont également besoin de moi.

Cela ne voudrait pas dire que tout est parfait dans ma vie, parce qu’il arrive des jours où je suis tellement occupée au point où j’arrive en retard à la prière. Si j’échoue quelque part, ce n’est pas la fin du monde.

Comment concilier tous ces paramètres, gérer et aborder sa vie dans la maturité en pensant au bien-être des autres et à son propre bien ? Les femmes détiennent des astuces pouvant leur permettre de gravir des échelons dans la vie, de s’épanouir et de contribuer à l’épanouissement de leurs congénères?

Propos recueillis par Maryse ASSOGBADJO

(LA NATION)