Hôtellerie : 2022 sera-t-elle (vraiment) l’année du redécollage en Afrique ?

En pleine ébullition il y a quelques années et faisant l’unanimité en termes de potentiel de croissance, l’hôtellerie africaine –tout comme à l’échelle mondiale- reste en proie au diktat du variant Covid. Après 22 mois d’incertitude, à quoi s’attendre en 2022 ?

« Le continent africain -je le dis et je le répète- est le continent qui présente de très loin les plus nombreuses opportunités de croissance sur les 20 prochaines années », déclare à La Tribune Afrique Sébastien Bazin, Président-directeur général d’AccorHotels, lors d’une rencontre à Port Elizabeth en Afrique du Sud le 9 avril 2018.

A cette époque, l’hôtellerie africaine est en pleine ébullition. Une sorte d’âge d’or ! Les géants mondiaux retracent leurs stratégies africaines, multiplient les projets sur le continent, prennent des positions fortes sur de nouveaux marchés… D’ailleurs, le groupe français était au pays de Nelson Mandela pour sceller un big deal dont le montant est resté confidentiel pour le rachat de 50% de Mantis Group, un « family business » spécialiste de l’hôtellerie de luxe présent dans cinq continents et fondé par l’homme d’affaires Adrian Gardiner.

Traditionnellement porté vers l’Afrique anglophone qui a absorbé l’écrasante majorité des 28,2 milliards de dollars investis en 2017, le gotha mondial de l’investissement hôtelier regarde de plus en plus l’Afrique francophone, avec notamment l’émergence de la Côte d’Ivoire comme hub. Les groupes hôteliers africains font leur entrée dans le palmarès des grands acteurs du secteur. C’est le cas particulièrement d’Azalai, du tycoon malien Mossadeck Bally.
Une croissance plus rapide attendue dans les marchés émergents

Aujourd’hui, presque quatre ans plus tard, l’hôtellerie africaine retient son souffle, prise dans les filets d’une crise sanitaire qui semble s’éterniser et qui a ravi au secteur plusieurs années de belles étoiles. Alors que le monde entame la nouvelle année, le dernier rapport sur le marché mondial de l’hospitalité fraichement publié par The Business Research Company prévoit un taux de croissance annuel composé de 15,1 % à 4 548,42 milliards de dollars en 2022. « Les marchés émergents [notamment ceux d’Afrique, NDLR] devraient continuer à croître légèrement plus rapidement que les marchés développés au cours de cette année », soulignent les experts invoquant les nouvelles stratégies opérationnelles des entreprises du secteur sur fond de reprise économique.

Ici, un certain optimisme se dégage donc des acteurs, tout comme pendant le feu de la crise en 2020. « Il ne fait aucun doute que le secteur de l’hôtellerie en Afrique se relèvera, mais il ressortira de cette crise très différent de ce qu’il était en mars 2020 », déclarait Olivier Granet, CEO de Kasada Capital Management, dans un entretien avec LTA quatre mois après l’apparition de la maladie à Coronavirus sur le continent.
Un secteur en proie au diktat du variant Covid

Suspension de voyages, entreprises sinistrées, licenciements sur fond d’arrêt total des activités sur plusieurs mois, suspension de nombreux chantiers, attentisme des investisseurs, … ouverture puis restrictions des voyages au gré de l’apparition de nouveaux variants… tout y est passé et y passe encore. Or, développement du voyage/tourisme et développement de l’hôtellerie vont de pair, car les voyageurs internationaux restent encore les plus grands occupants des hôtels. Après une progression générale quasi-constante depuis 2010, le secteur voyage et tourisme représentait 10,4% du PIB du continent, employant 24 millions d’Africains en 2019, il est tombé à 5,5% du PIB en 2020.

Si certains groupes ont poursuivi, dans une moindre mesure, leurs plans de développement, -comme Accor qui s’est implanté à Djibouti pour la première fois, la majorité des acteurs ont ajourné leurs projets d’expansion.
Optimisme oui, mais prudence aussi

Certes l’industrie hôtelière a tenté tant bien que mal de se réinventer en 2021, devant composer avec la réalité sanitaire et son lot de déconvenues, mais l’Organisation mondiale du Tourisme (OMT), dans sa rétrospective annuelle, prône pour sa part « un optimisme prudent ».

Sur le terrain, le bilan est mitigé. Certains marchés ont pu profiter des fêtes de fin d’année, comme en Afrique du Sud où le tourisme intérieur a boosté les établissements hôteliers de Durban avec un taux d’occupation de 80%. Ailleurs, au Maroc notamment, les restrictions et le couvre-feu décrété pendant le réveillon et le jour de l’an ont renforcé l’inquiétude au sein d’un secteur où 75% des hôtels auraient cessé leurs activités pendant la crise.

« Des millions et des millions d’emplois et d’entreprises restent menacés, leur sort suspendu à l’évolution de la crise et aux interventions des pouvoirs publics », affirme Zurab Pololikashvili, Secrétaire général de l’OMT dans une déclaration de fin d’années adressée le 27 décembre au tourisme mondial. Il est désormais question de « bâtir un meilleur tourisme ces prochaines années, avec un secteur prêt à redémarrer quand les conditions seront réunies », a-t-il conclu, démontrant une fois de plus l’ « optimisme prudent » qui anime l’institution onusienne.

Ristel Tchounand