Burkina Faso/Présidentielle : Dernière ligne droite avant le scrutin, la sécurité première des préoccupations

Le chef de file de l'opposition Zéphirin Diabré

« On veut le changement! », lance Marcelin Sandwidi en fanfaronnant devant ses amis sous le soleil avant un meeting de l’opposition à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso en pleine campagne pour la présidentielle et les législatives du 22 novembre.

Dans les imprimeries, les rotatives tournent à plein régime à six jours du scrutin et les murs de la capitale et des principales villes burkinabè sont désormais recouverts d’affiches électorales. L’orange, la couleur du parti du président-candidat Roch Marc Christian Kaboré domine sur celle de ses challengers.

Ils sont treize au total à vouloir s’installer au palais présidentiel de Kosyam. Face au chef d’Etat sortant, qui fait figure de grand favori, deux candidats de l’opposition émergent et peuvent espérer l’emporter: le chef de file de l’opposition Zéphirin Diabré, deuxième en 2015, et le candidat du parti de l’ancien président Blaise Compaoré, Eddie Komboïgo.

Marcelin, 30 ans, est militant de « Zeph » Diabré, dont les couleurs jaunes et vertes colorent sa casquette vissée sur la tête. « La priorité, c’est la paix, c’est le premier souci dont doit s’occuper le prochain président », dit-il.

La dégradation sécuritaire dans le pays se poursuit depuis les premières attaques jihadistes en 2015.

Les groupes armés jihadistes –affiliés à Al-Qaïda et à l’organisation Etat islamique– n’ont cessé depuis d’étendre leur champ d’action dans ce pays d’Afrique de l’ouest de 20 millions d’habitants.

Les exactions jihadistes, toujours plus nombreuses et souvent entremêlées à des conflits intercommunautaires, ont fait plus de 1.200 morts (majoritairement des civils) et un million de déplacés depuis 2015.

Mercredi, 14 soldats ont encore été tués dans une embuscade à Tin Akoff, proche de la frontière nigérienne, dans l’une des plus importantes mais désormais régulières attaques contre l’armée burkinabè. La majorité des candidats ont annoncé la suspension de leur campagne électorale pour 48 heures.

– « déni » –

« Seul Roch peut répondre et gagner la guerre », disait la veille de l’attaque, en marge d’un meeting du président, Barry Amadou, militant au costume orange siglé « MPP » au niveau du cœur (Mouvement du peuple pour le progrès, le parti de Kaboré).

Si « Roch » est largement critiqué par ses détracteurs sur sa réaction jugée molle face au jihadisme, ses partisans martèlent qu’il est l’homme de la situation et que sa méthode est la bonne.

Son programme de 2020 n’a d’ailleurs pas « radicalement changé par rapport à celui de 2015 », note une source diplomatique occidentale.

Il y a un « déni de voir les réalités du problème » de la part des autorités, estime Mahamoudou Savadogo, chercheur sur les questions de jihadisme, qui considère que « le diagnostic n’a pas été fait à temps et que la réponse n’a été ni « adéquate, ni adaptée ».

L’approche militaire est l’option privilégiée face aux attaques. Fin 2019, le pouvoir a annoncé la décision d’armer et recruter des civils (les Volontaires pour la défense de la patrie, VDP), pour aider les forces de sécurité dans la lutte antijihadiste.

Leur implication ou non dans le processus de sécurisation des bureaux de vote fait débat, autant que le risque de « milicianisation » d’une société « où tout le monde pourra avoir une arme et se faire justice », selon un membre d’une ONG.

Si l’armée, désorganisée et mal équipée, se félicite régulièrement de succès, elle paie cependant un lourd tribut dans son combat contre les groupes jihadistes et semble incapable d’enrayer l’extension de leurs zones d’influence.

– Les « oubliés » du scrutin –

La présence des forces françaises de Barkhane qui soutiennent les opérations burkinabè souvent à bout de bras est critiquée par de nombreux Burkinabè, rendant la position de l’exécutif très inconfortable.

En raison de l’insécurité liée aux groupes jihadistes, près de 1.500 villages (sur plus de 8.000) ne voteront pas dimanche, soit 17,7% du territoire national, a constaté le Conseil constitutionnel.

Aussi, plus d’un million de personnes, 5% de la population, ont dû fuir leur domicile et vivotent dans et autour des grosses villes. Aucun dispositif particulier n’a été prévu pour ceux-là.

Politiquement, le scrutin de dimanche apparaît néanmoins comme le plus ouvert depuis la chute du président Blaise Compaoré, chassé par une insurrection populaire en 2014, après 27 ans de règne.

Si le camp présidentiel mise sur une victoire au premier tour, l’opposition aux visages multiples espère un second tour qui, selon certains observateurs, ouvrirait  la voie vers une union contre Kaboré.

SOURCE : AFP