
Le Sénat de la République démocratique du Congo (RDC) a prononcé jeudi la levée de l’immunité parlementaire de Joseph Kabila, ouvrant la voie à des poursuites judiciaires contre l’ancien président et sénateur à vie, accusé d’être complice du groupe armé M23.
Joseph Kabila, 53 ans, a dirigé le vaste pays d’Afrique centrale pendant 18 ans entre 2001 et 2019. Il avait quitté le pouvoir avec le titre de sénateur à vie et une immunité parlementaire.
Son successeur et actuel président Félix Tshisekedi l’accuse d’être complice du groupe armé antigouvernemental M23, dans un contexte d’intensification du conflit dans l’est du pays.
L’Est congolais, région riche en ressources et frontalière du Rwanda, est déchirée par des conflits depuis trente ans. Les violences se sont intensifiées ces derniers mois avec la prise de contrôle par le M23, soutenu par le Rwanda et son armée, des grandes villes de Goma et Bukavu, capitales des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.
Les sénateurs se sont prononcés à bulletins secrets, par 88 voix pour et 5 voix contre, sur la levée de l’immunité de M. Kabila et l’autorisation de poursuites contre ce dernier devant la justice militaire.
Ils ont suivi les recommandations d’une commission spéciale dont la totalité des 40 membres sénateurs se sont prononcés en faveur de cette mesure.
« Par conséquent, le Sénat autorise les poursuites et la levée de l’immunité de Joseph Kabila, sénateur à vie », a déclaré le président du Sénat Jean-Michel Sama Lukonde à l’issue du vote lors d’une session plénière retransmise en direct à la télévision nationale.
En avril, le ministre de la Justice Constant Mutamba avait saisi la justice militaire afin d’engager des poursuites contre Joseph Kabila « pour sa participation directe » au M23. Le procureur général de l’armée congolaise avait déposé une requête auprès du Sénat réclamant la levée de l’immunité de M. Kabila.
L’auditeur général près la haute cour militaire accuse M. Kabila de participation à un mouvement insurrectionnel, trahison, participation à des crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
– « Théâtre » –
La décision du Sénat est tombée sans grande surprise, dans ce pays où l’indépendance du pouvoir judiciaire est régulièrement mise en doute, la coalition du président Tshisekedi détenant une large majorité au Parlement. Le PPRD, le parti de M. Kabila qui avait boycotté les dernières élections fin 2023, n’y est pas représenté.
Joseph Kabila, qui a quitté la RDC fin 2023 selon son entourage mais jouit encore d’un certain réseau d’influence dans le pays, avait été convoqué mardi à Kinshasa pour « une réunion de travail » de la commission ad hoc du Sénat. Il n’avait pas répondu à l’invitation.
Pour le secrétaire général adjoint du PPRD, Ferdinand Kambere, le « théâtre » organisé pour permettre d’engager des poursuites contre M. Kabila vise à détourner l’attention des difficultés du pouvoir à mettre fin au conflit dans l’est.
Selon plusieurs spécialistes en droit, une levée de l’immunité d’un ex-président aurait du exiger un vote au Parlement à la majorité des deux tiers. Mais le Sénat a suivi l’avis de la commission spéciale qui a estimé que les faits reprochés à M. Kabila ne relèvent pas de sa fonction d’ancien président mais de sénateur à vie.
Cette décision « est un acte politique » et « un moyen emprunté pour fragiliser un adversaire politique », estime Ithiel Batumike, chercheur à l’institut congolais Ebuteli.
La requête du gouvernement congolais à l’encontre de Joseph Kabila est intervenue peu après l’annonce de ce dernier d’un prochain retour au pays.
En avril, Joseph Kabila avait créé la surprise en annonçant dans la presse son prochain retour en RDC par « sa partie orientale ». Il n’avait pas précisé s’il reviendrait par une zone sous contrôle M23.
Depuis, aucune apparition publique ou déclaration n’a toutefois attesté qu’il avait bien remis un pied sur le sol congolais.
Dans la foulée de cette annonce, les autorités congolaises avaient mené des perquisitions dans plusieurs propriétés de l’ex-président et son parti a été suspendu.
Source : Afp