
« L’Afrique a besoin d’une nouvelle doctrine sur la dette », a martelé ce lundi 12 mai 2025 à Lomé Faure Gnassingbé, président du Conseil du Togo, à l’ouverture de la première Conférence de l’Union africaine sur la dette.
Le président ghanéen John Dramani Mahama, plusieurs experts de l’UA et des responsables d’Institutions financières étaient également présents.
Cette rencontre de trois jours, est axée sur le thème : « L’Agenda africain de gestion de la dette publique : restaurer et préserver la viabilité de la dette ».

Cette conférence cruciale des leaders du continent, permettra de poser les bases d’une gouvernance responsable et souveraine de la dette en Afrique.
Au cours des dix dernières années, la dette publique a connu une forte croissance dans toutes les régions et plus particulièrement en Afrique subsaharienne. 22 pays africains sur les 54, présentent à ce jour, un risque élevé de surendettement, selon les chiffres publiés par la Banque mondiale en 2023.
En 2022, la dette publique en Afrique a atteint 1.800 milliards de dollars. Entre 2010 et 2020, la dette extérieure du continent a été multipliée par plus de 5, soit environ 65% du PIB en 2023, avec une projection à 60% en 2025.
« On constate aujourd’hui l’assèchement progressif de l’aide extérieure, la hausse des taux d’intérêt, les incertitudes géopolitiques mondiales, et la réduction des financements climatiques. On ne peut plus continuer à appliquer une telle grille conservatrice quand nos pays sont, en réalité, confrontés à des obligations de transformation urgente. Il faut donc discuter avec les institutions financières internationales des critères qu’elles utilisent », a souligné Faure Gnassingbé.

Pour cela, a-t-il poursuivi, « l’Afrique a besoin d’une nouvelle doctrine sur la dette. Une doctrine où l’endettement n’est pas considéré comme un mal en soi, mais comme un outil de transformation, à condition d’être bien utilisé et bien encadré. Nous ne pouvons plus accepter que nos États soient évalués uniquement à travers la taille de leur déficit, et sans tenir compte des efforts réalisés pour préparer l’avenir ».
‘Refuser l’hypocrisie sécuritaire’
« Repenser la gestion de la dette c’est aussi refuser l’hypocrisie sécuritaire : on ne peut pas exiger la paix sans autoriser de la financer. Le lien entre dette et sécurité est trop souvent ignoré. Or il est fondamental. Une dette est-elle soutenable si elle empêche un État d’investir dans la sécurité de ses citoyens ? Une dette est-elle soutenable si elle interdit à une Nation d’adapter son agriculture au changement climatique ? Une dette est-elle soutenable si elle prive sa jeunesse d’avenir ? « , s’est interrogé le président du Conseil du Togo.
Selon lui, « on ne peut pas demander aux pays africains de jouer un rôle actif dans la stabilisation du Sahel, dans la lutte contre le terrorisme, ou dans la prévention des migrations, sans leur donner les moyens nécessaires ».
« En d’autres termes, il faut avoir le courage de financer la paix. Nombre de pays africains, et le Togo en particulier, sont engagés en première ligne dans la lutte contre le terrorisme, l’extrémisme violent, le trafic transfrontalier. En conséquence, nous consacrons une part croissante de nos ressources à la sécurité. Cette situation est légitime : sans paix, aucun développement n’est possible », a-t-il relevé.
Faure Gnassingbé a précisé que « financer l’Afrique, c’est investir dans la stabilité globale ».
« Il est dans l’intérêt de l’Europe et du monde entier d’aider l’Afrique à se financer. Il ne s’agit pas de charité, mais de responsabilité partagée. Financer aujourd’hui l’adaptation en Afrique, c’est éviter demain l’explosion des migrations, des crises alimentaires et des conflits climatiques. Bien sûr, le monde entier sait que l’Afrique est la victime des dérèglements provoqués ailleurs. C’est donc un devoir de solidarité, mais c’est surtout un impératif de lucidité », a-t-il précisé.
Le président du Conseil n’a pas passé sous silence la récente décision de l’administration Trump de « supprimer la contribution américaine au Fonds africain de développement illustre bien ce désengagement ».
« Les Européens, eux-mêmes en difficulté budgétaire, ne pourront pas tout compenser. Pourtant, s’ils ne bougent pas, ils devront affronter dans les années qui viennent une pression migratoire et géopolitique venue du sud qui sera sans précédent : non pas par hostilité, mais par nécessité ».

« Il est temps de dire à nos partenaires que leur propre avenir dépend de notre stabilité. Et que cette stabilité exige des ressources, pas des injonctions. Il ne s’agit pas d’aide humanitaire, mais d’investissement stratégique. Nous ne demandons pas un droit à l’irresponsabilité, mais le droit à un développement responsable », a lancé Faure Gnassingbé.
D’autres intervenants, notamment le directeur par intérim du développement économique, de l’intégration et du commerce, Dr Patrick Ndzana Olomo, représentant du président de la Commission de l’Union africaine, ont également félicité le président du Conseil et salué son engagement en faveur du développement économique de l’Afrique.
Les travaux seront meublés de sessions sur diverses thématiques et offriront aux représentants des pays africains une plateforme de partage des expériences nationales en vue de l’adoption d’une position africaine commune à travers la « Déclaration de Lomé ». FIN
Junior AUREL