USA : Face à une possible victoire de Trump, l’Afrique entre attentisme et inquiétude

Donald Trump

Une victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine de novembre pèserait-elle de manière significative sur les relations américano-africaines? En Afrique, beaucoup en doutent, mais certains s’en inquiètent.

Lors de son premier mandat (2017-2021), M. Trump n’a pas montré beaucoup d’intérêt pour l’Afrique, et s’est surtout fait remarquer pour avoir employé l’expression de « pays de merde » à propos de ses pays. Son successeur et rival à l’élection de cette année, Joe Biden, avait de son côté promis davantage d’attention à l’Afrique, mais n’a jusqu’ici pas tenu sa promesse de s’y rendre.

En cas de retour de Trump, la clé des relations américaine avec l’Afrique pourrait être liée à la Chine, selon Christian Moleka, coordinateur national de Dypol, un réseau de chercheurs en sciences politiques de République démocratique du Congo (RDC).

Lors de son premier mandat, l’administration Trump s’était en effet surtout concentrée, à l’international, sur la rivalité commerciale avec la Chine.

En Afrique centrale, y compris dans l’est de la RDC en proie aux conflits depuis plus de 30 ans, Occidentaux et Chinois rivalisent pour l’accès aux gisements de minéraux rares.

Une administration Trump centrée sur « L’Amérique d’abord » et la concurrence avec la Chine pourrait dans ce cadre être moins exigeante avec les gouvernements africains en matière de démocratie et respect des droits humains.

Pour le reste, « un retour de Trump signifierait une réduction de l’implication américaine dans tout ce qui est multilatéralisme, comme la question du climat, et possiblement une réduction de l’aide au développement », estime M. Moleka.

Entre hommes forts

L’approche de Trump, tout comme celle de la Chine, pourrait, selon lui, convenir à certains leaders africains lassés des critiques sur les reculs démocratiques ou la gestion de la question des droits LGBT. Il est très probable qu’un éventuel retour de Donald Trump au pouvoir « encourage les pouvoirs forts en Afrique », note M. Moleka.

Par ailleurs, encouragés par le retour de Trump et son possible désintérêt pour l’Afrique, hors intérêt économiques, « les régimes autoritaires africains pourront facilement renouer ouvertement les liens avec la Russie et la Chine », estime Kelma Manatouma, professeur de sciences politiques à l’université de N’Djamena au Tchad.

Le manque de respect de Trump pour les règles démocratiques dans son propre pays, notamment quand il a affirmé que l’élection de 2020 était truquée ou a défendu les assaillants du Capitole, a terni l’image des Etats-Unis aux yeux de certains Africains. Le parti au pouvoir en Afrique du sud, l’ANC s’est moqué des appels lancés par ses rivaux pour que des observateurs américains assistent aux élections générales de mai, mettant en avant le bilan de 30 ans de scrutins incontestés en Afrique du Sud.

Pretoria a également des relations épineuses avec l’administration Biden sur la guerre à Gaza, Washington ayant rejeté comme « sans fondement » l’accusation de génocide portée par l’Afrique du sud contre son proche allié israélien.

Donald Trump, qui n’a jamais caché sa sympathie envers le président russe Vladimir Poutine, est moins susceptible de se plaindre de la position de Pretoria, qui a refusé de condamner l’invasion russe, sur la guerre en Ukraine.

Dans la Corne de l’Afrique, certains s’inquiètent qu’un retour de Trump ne compromette l’aide militaire américaine contre le terrorisme. Dans les derniers jours de sa présidence, Donald Trump avait ordonné le retrait de 700 soldats américains de Somalie, où ils soutenaient les forces locales contre les rebelles islamistes shebab, une décision sur laquelle Biden est revenu.

« Liens ravivés »

Mais si Trump revenait et insistait sur ce retrait, « ce serait très problématique » car l’encadrement et la formation américains sont indispensables aux commandos de la Brigade Danab de Somalie, une force militaire d’élite, explique à l’AFP Samira Gaid, consultante chez Balqiis Insights, un cabinet de conseil et recherches basé à Mogadiscio.

« Nous pourrions être confrontés à des temps difficiles à l’avenir, pour la Somalie comme pour le paysage sécuritaire plus large de la région », estime-t-elle.

Les pays africains ont parfois été frustrés par l’administration Biden, souvent monopolisée par les crises en Afghanistan, Ukraine et au Proche-Orient. Mais la vice-présidente, Kamala Harris, et le secrétaire d’État, Anthony Blinken, ont effectué quelques visites très médiatisées sur le continent. Et les États-Unis ont investi 250 millions de dollars pour l’ouverture prochaine d’une ligne ferroviaire de 1.300 km reliant des mines de RDC et de Zambie aux ports atlantiques d’Angola.

Pour Julius Kattah, économiste à l’université du Ghana, l’Afrique pourrait au final regretter Biden s’il était battu.

« L’administration Biden a ravivé les relations américano-africaines », alors que son prédécesseur avait « pratiquement abandonné le continent », estime-t-il. « Trump ne se souciait tout simplement pas de l’Afrique, s’il revenait, sa politique envers l’Afrique ne changerait pas. »

SOURCE : AFP