Awuku Nador: « Le CAR officiel est là, nous nous organisons et le peuple togolais le constatera »

Awuku Nador

Le Comité d’Action pour le Renouveau (CAR), l’une des vieilles formations politiques de l’opposition togolaise traverse encore une période difficile. Ce parti est fortement secoué par une crise: deux camps s’affrontent pour la succession de Me Yawovi Agboyibo, décédé le 30 mai 2020 à Paris (France).

Tout a éclaté lors d’un congrès tenu les 29 et 30 avril dernier, rencontre ayant accouché par césarienne d’un bureau transitoire présidé par Awuku Nador, dans une ambiance de scène qui a surpris l’opinion nationale. Mais dans la foulée, ce bureau a volé en éclats, donnant naissance à deux camps. Et c’est l’un des protagonistes qui a tenu un congrès le 27 mai, avec l’élection d’un nouveau président dudit parti.

Un « congrès illégitime et illégal », a martelé Awuku Nador (chef de file du deuxième camp) dans une interview accordée à l’Agence Savoir News. Selon ce dernier, « le CAR officiel est là ».

Savoir News : Le CAR) a, depuis le 27 mai, un nouveau président, à l’issue d’un congrès tenu à Lomé: Monsieur Yao Daté. Un grand événement, car le successeur de Me Yawovi Agboyibo est finalement connu ?

Awuku Nador : Le congrès du samedi 27 mai 2023 est un congrès illégitime et illégal sur deux aspects. D’abord le vrai congrès tenu les 29 et 30 avril 2023 à Nyékonakpoè dans l’enceinte de l’église Évangélique, a conduit (au-delà de nos mésententes), à un bureau transitoire dont la mission est de colmater les brèches et de faire en sorte qu’on retourne très rapidement à un congrès extraordinaire conformément à nos textes, pour régler les différends et mettre en place un bureau qui va prendre en charge le fonctionnement du parti.

Ensuite dès qu’on aura franchi cette étape, on devrait penser aux élections notamment, les régionales et les législatives. Nous nous organisons pour y prendre part et mesurer le poids de notre formation politique sur la scène politique nationale après le décès du président fondateur.

En un mot, je dirai que ce Congrès est une forfaiture. Les gens sont pressés et on ne sait pas pourquoi. Nous sommes un certain nombre de responsables du parti, qui pensons que la décision sage que la commission spéciale a proposée au congrès et qui a été validée de mettre en place une transition de deux ans, demeure la meilleure solution pour aller de l’avant.

Sur ce point, il n’est pas dit qu’il faut aller jusqu’à deux ans, car si on s’entend rapidement en une ou deux semaines, on pouvait retourner à un congrès extraordinaire et mettre en place un bureau consensuel. Maintenant si des gens ne veulent pas s’inscrire dans cette dynamique pour préserver le parti, c’est leur affaire. Ils ont forcé les choses pour faire un congrès et mettre en place un bureau. Nous avons animé une conférence de presse et publié des documents pour dénoncer cet acte et surtout rappeler que leurs actions n’engagent en aucune façon, le CAR officiel.

Ne pensez-vous pas que les dés sont désormais jetés? Si non, qu’allez-vous faire ?

Les dés ne sont pas du tout jetés. Il n’y a que les imposteurs qui croient que ce qu’ils ont fait va les porter. Nous sommes à l’écoute de la base et il y a beaucoup de présidents fédéraux qui sont arrivés, parce qu’ils n’avaient pas vite compris la mascarade. Mais ils ont compris qu’ils ont été bernés, quand on leur a tout expliqué.

En réalité, ce problème a été réglé par le président de la transition, désigné par le Congrès (des 29 et avril) et c’est Monsieur Konlani lui-même qui a signé les documents déposés devant les autorités compétentes. Cette information n’a pas été communiquée à temps aux militants qui s’inquiétaient, ce qui n’a pas été fait par le président de la transition. Nous savons que ceux qui voulaient foncer dans le mur manipulaient et c’était leur argument fort (la forclusion). Je peux dire que le président Konlani a mal communiqué malgré mes conseils. J’aurai pu le faire à sa place, mais par respect pour lui, je ne l’ai pas fait. Les dés ne sont pas pipés, le CAR officiel est là, nous nous organisons et le peuple togolais le constatera.

Effectivement, la veille de ce congrès, sept membres (sur 11) du bureau transitoire dont vous-mêmes, étaient montés au créneau, pour mettre en garde les initiateurs du congrès. Que disent réellement les textes du parti du CAR, en ce qui concerne l’organisation d’un congrès ?

Ce que les textes disent réellement sur ce sujet-là est que, dans une telle situation, un certain nombre de fédérations notamment les 2/3 peuvent demander à comprendre. Quand on a le quorum des 2/3, il faut une demande adressée au bureau national qui vérifie si cette demande est régulière, et fait un rapport au comité directeur.

C’est le comité directeur, après avoir statué sur le rapport du Bureau national, qui prend la décision pour demander au Bureau de convoquer le congrès extraordinaire que demande le quorum recommandé suivant les statuts.

Dans le cas d’espèce, même si les gens disent qu’ils ont le quorum, il n’est pas régulier, car il comporte de fausses signatures. Qui va vérifier l’exactitude de ces signatures ? C’est le bureau national, et quel est ce bureau national ? C’est le bureau national mis en place par le congrès qui doit gérer la transition.

Maintenant si un seul individu se lève, se substitue au bureau national et convoque un Congres auquel il n’associe pas les autres membres du bureau, qui doivent faire un travail de vérification, produire un rapport au comité directeur pour que le comité directeur puisse l’instruire de convoquer le congrès, c’est malheureux. Voilà la difficulté que nous avons rencontrée, raison pour laquelle nous disons que ce qu’ils ont fait le samedi 27 mai, est une forfaiture. De toute façon, les gens parlent beaucoup de mains noires derrière cet acte. Je n’en sais rien, mais je suis au regret de dire que s’ils ne reviennent pas à la maison, les soupçons que les gens portent sur eux – comme on le dit au Togo – les rumeurs vont devenir des clameurs.

Pour bon nombre d’observateurs de la scène politique togolaise, le CAR – l’une des vieilles formations politiques de l’opposition togolaise – est encore plongé dans une nouvelle crise. Qu’en dites-vous ?

Oui, nous n’allons pas nous voiler la face, le CAR est aujourd’hui dans une crise profonde mais cette crise est voulue par une minorité. C’est cette minorité qui s’est retrouvée au MUGET le samedi 27 mai pour le congrès. 

Nous autres de la majorité, nous n’avons de cesse de les interpeler et de leur dire : ne le faites pas, ne le faites pas, cet acte va diviser le parti. Pourquoi ? Parce que, du vivant du président fondateur, les dernières élections auxquelles nous avons participé, nous n’avons pas eu de scores honorables, mais on y était allé ensemble. Maintenant si on va aux élections notamment celles en vue, en rang dispersés ou en étant divisés, est ce qu’on peut faire un score mieux que celui qu’on a fait de son vivant ?  C’est pour cela que nous n’avons de cesse d’interpeller nos amis, en leur disant de revenir sur terre et asseyons-nous : la transition est un cadre qui peut nous permettre de discuter et de mettre à contribution toutes les ressources humaines que nous avons au sein de notre structure pour trouver une solution consensuelle.

Face à la situation que traverse aujourd’hui le parti, certains analystes politiques accusent Me Agboyibo, de n’avoir pas préparé la relève, en s’accrochant au fauteuil, jusqu’à son décès. Quel commentaire faites-vous ?

Ceux qui le disent ont probablement raison, mais chacun fonctionne selon les éléments qui composent sa famille. Et donc Me Agboyibo n’a pas voulu exposer quelqu’un aux autres loups qui vont le dévorer, raison pour laquelle il a été prudent.

Mais dans l’absolu, nous savons tous qu’en allant au congrès des 29 et 30 avril, celui qui était en mesure de diriger ce parti et le hisser plus haut, comme Agboyibo l’a fait de son vivant.

Il y a eu des slogans : « Yoto ou rien », ce qui ne veut rien dire. On ajoute même que Me Agboyibo, en voulant réaliser l’alternance, à passer le témoin à Me Apévon (Ouatchi comme lui, mais de Vo), l’a trahi. Maintenant Jean Kissi (de Vo) ambitionne aussi de prendre la tête du parti, et on estime que Yoto n’entend pas que le parti retourne dans le Vo.

Moi je suis du Grand Lomé, Togbui Dagban aussi. Et nous deux avons été candidats. Pourquoi ne pas voter pour Togbui Dagban ou Nador, si les gens veulent la paix ? C’est ce que nous reprochons au parti au pouvoir, en le considérant comme le parti des Kabyès, que nous voulons reproduire nous-mêmes dans l’opposition.

En tout état de cause, moi je suis partisan de la transition et j’ai déjà commencé par prendre des contacts pour voir dans quelle mesure on peut arrondir les angles et trouver une porte de sortie consensuelle, afin de sauver le parti, participer aux élections et voir ce que nous pouvons gagner. Pour moi, ce qui s’est passé le 27 mai est un non évènement. FIN

Propos recueillis par Junior AUREL