Après la crise engendrée par la Covid-19, c’est l’explosion des prix ces dernières semaines du fait de nombreux autres facteurs expliqués hier, par le ministre d’Etat Romuald Wadagni, sur la télévision nationale.
La cherté de la vie n’est pas surprenante. À ceux qui pensent qu’elle serait le fruit d’une augmentation des taxes, l’argentier national révèle que c’est une réalité mondiale.
Selon le ministre d’Etat chargé de l’Économie et des Finances, le décalage entre l’offre et la demande lié à la reprise de l’économie mondiale, le poids important des hydrocarbures dans l’économie sont, par exemple, à prendre en compte.
«Avec la reprise, la demande est très forte et l’offre insuffisante par rapport aux productions. Quand on a ce décalage, les prix montent. Dans le même temps, puisque les usines reprennent et qu’elles ont besoin d’hydrocarbures, la demande également de pétrole augmente, et le prix avec. Et quand le prix du pétrole monte, le prix du transport monte aussi. Le coût de revient grimpe et on est rentré dans un engrenage», a-t-il fait remarquer.
Ainsi, l’inflation qui est d’ailleurs mondiale n’est pas surprenante, surtout que la crise ukrainienne est venue s’y greffer depuis quelques semaines pour surchauffer les marchés.
«Il y a donc un nouveau décalage entre l’offre et la demande d’hydrocarbures sur le marché. Les prix montent. Il y avait des phénomènes qui montraient qu’on allait arriver là», a-t-il martelé.
On comprend aisément pourquoi le gouvernement a décidé, dès juin, de subventionner à hauteur de cinq milliards F Cfa par mois, le coût d’accès au gasoil et à l’essence à la pompe.
Pressions sur le marché local
Il n’y a pas que les produits importés qui ont vu leurs prix grimper. Le ministre d’Etat a été clair.
«Le marché local est pris d’assaut par les voisins, réduisant l’offre pour les consommateurs béninois. Quand vous produisez 1,6 million de tonnes et qu’une bonne partie de cette production part, celui qui va au marché de Ségbana souffre du fait que malgré la production de maïs dans cette région, il ne peut l’acheter, parce que l’essentiel est allé au Nigeria», a-t-il déploré.
A l’en croire, au 31 décembre 2021, le prix du maïs sur le marché nigérian a augmenté de 15 %. Au Bénin, sur la même période, c’est 5,9 %.
Ainsi, le commerçant du Nigeria, quand il arrive sur le marché béninois, il peut surpayer le kilo du maïs parce qu’en se retournant au Nigeria, il peut gagner encore bien plus.
«Il vient donc et ramasse notre maïs pour le vendre dans ce marché où l’inflation est plus forte. Le Niger, ça fait cinq années que du fait du changement climatique la production locale a chuté. Vous prenez les céréales pour 2021-2022, la production est 40 % en deçà de la demande nationale. Donc le Niger vient puiser au Bénin», a précisé l’argentier national.
Dans ces conditions, ce sont les unités locales et les consommateurs qui en payent le prix, malgré les mesures prises aux frontières.
«Le maïs est déstocké, de manière arbitraire par nos voisins. Parce que chez eux, il y a toujours un déficit permanent. Les mesures prises par l’Etat nous ont permis de contenir les prix, parce qu’au départ, on était à 250 F, voire 260 F, mais nous sommes passés à 230 F, voire 225 F. Mais la période de soudure, c’est mars et avril. Il y a une taxe de 10 F au kilo à la sortie du maïs. Pourtant, ils continuent de venir. Il faut faire en sorte qu’avant la fin de la période de soudure, qu’on n’ait pas une inflation plus forte. Elle a été contenue pour le moment à cause de cette mesure», a plaidé Mathias Adimou, président du Groupement des industries (Cci-Bénin).
Vigilance pour éviter la famine
La crise ne fait que commencer. Avec la flambée des prix des intrants agricoles, des craintes subsistent. De son côté, le gouvernement rassure que d’autres mesures sont en train d’être prises.
«Pour la campagne 2022-2023, les dispositions sont prises. Dans les prochains jours, vous allez voir l’ampleur des subventions que nous allons mettre en place pour s’assurer que nous aurons de la production agricole. Nous avons pris les dispositions pour que ce qui s’annonce comme menace réelle n’arrive pas ici», a laissé entendre Romuald Wadagni.
De leur côté, les consommateurs, par le biais d’Ernest Gbaguidi, appellent l’Etat à redoubler de vigilance pour que les productions puissent profiter aux Béninois.
«J’ai eu vent de ce que même les voisins viennent acheter les produits sur pied. Parce que le producteur pense qu’en vendant ainsi, ça lui permettrait d’avoir plus d’argent. Mais, lorsque les prix des produits importés ont augmenté il lui est difficile d’y faire face avec son revenu. Il est important d’aller sensibiliser les producteurs. S’ils laissent les produits sortir de cette façon, les subventions vont servir à entretenir l’économie d’autres pays», a déclaré le président de Bénin Santé et survie du consommateur.
Cette veille est importante quand on sait que le gouvernement prend les mesures pour rendre accessible le coût des intrants agricoles aux producteurs, pour éviter la pénurie et donc la famine.
Le ministre Wadagni appelle alors au sens du civisme des uns et des autres : « Modulons notre capacité à contrôler la sortie des intrants et des productions agricoles. Modulons le civisme des uns et des autres».
Ça vaut plus qu’un simple appel.
Source : La Nation