Greffiers/Grève : Interview exclusive de Me Akebim Hèzouwè Moïse (Sg du SNGT)

Les greffiers du Togo ont déclenché lundi, une nouvelle grève de 72 heures pour exiger un +statut spécial+ qui sera appliqué à leurs corps et sa mise en application immédiate. Dans une interview exclusive accordée à l’Agence Savoir News, Me Akebim Hèzouwè Moïse, secrétaire général du Syndicat National des Greffiers du Togo (SNGT), revient largement sur ces mouvements de débrayage.

Savoir News : D’abord, qu’est-ce qu’un greffier ? Et quelle est sa principale tâche ?

Me Akebim Hèzouwè Moïse : Le Greffier est un auxiliaire de justice chargé principalement d’assister les juges lors des procès en prenant note de tous les débats, en mettant en forme les décisions rendues, en conservant les minutes et en délivrant des grosses et expéditions

Que réclamez-vous au juste ? Et pourquoi ?

Notre plate forme revendicative comporte trois points:

1- Le vote du statut spécial des greffiers du Togo, et la prise de son décret d’application. Le corps des Greffiers du Togo est aujourd’hui régi par le décret du 2 août 1962, lequel est aujourd’hui, à bien des égards, désuet. D’où la nécessité d’un nouveau texte, conformément aux prescriptions de la constitution togolaise en son article 84 et à celles du statut général de la fonction publique togolaise en ses article 4 et 5 notamment.

2- Nous réclamons l’amélioration de nos conditions de vie et de travail. En clair, il nous faut plus de matériel de travail et un cadre de travail plus adapté du point de vue des locaux et du mobilier entre autre.

3- Nous réclamons enfin des primes et indemnités prenant en comptes les contraintes spécifiques à notre profession

Dans une interview accordée à un autre média, vous affirmez : « Le métier de greffier comporte beaucoup de risques ». Mais comment, dans la mesure où vous êtes toujours dans les bureaux ?

Le métier de greffier comporte d’énormes risques. En effet, le justiciable ne distingue bien souvent pas les acteurs du monde judiciaire ainsi que le rôle spécifique dévolu à chacun deux. « Tous sont des juges! ». Ceci expose le greffier au risque d’agression de la part des justiciables qui les tiennent pour responsable de leurs ennuis.

Dans les greffes d’instruction, c’est au greffier qu’incombe la tâche d’aller signifier les actes aux détenus en milieu carcéral.

Bien souvent, il se retrouve seul avec le détenu pour lui annoncer que sa demande de mise en liberté a été rejetée par exemple. Les réactions violentes de ces détenus par exemple, représentent une menace considérable à l’intégrité physique du greffier.

De plus, la constante exposition du greffier aux affaires de meurtre, de viol, de pédophilie, vol à mains armés, trafic de drogue, violences volontaires, mais aussi aux affaires matrimoniales, le soumet à rude épreuve sur le plan psychologique, ce qui, à moyen ou long terme, est un risque pour lui.

*Risques psychosociaux* : Plus de 40H/semaines. Le greffier est plus exposé à une durée longue du travail (travail administratif et les audiences). Il travaille les weekends et les jours fériés et travaille à la maison selon les juridictions.

Exigences du travail du greffe : débordement permanent, complexité des tâches, conciliation travail-vie privé (emporter du travail chez soi régulièrement, audiences tardives fréquentes).

Charge émotionnelle forte : relation avec public difficile, confrontation avec la détresse des publics pris en charge, dissimulation des émotions.

*Trouble de l’acuité visuelle consécutif au travail prolongé sur écran d’ordinateur* : Cela est dû à la sollicitation visuelle importante. Les muscles oculaires sont surmenés. Il faut en outre ajouter les troubles musculo-squelettiques (TMS). Ces troubles résultent de toutes les expositions à des pénibilités physiques (position assise tout au long d’une audience)

*Risques biologiques* : Devant l’acuité des problèmes de détention préventive prolongée, de surpopulation carcérale, sources de promiscuité grandissante, elle-même vecteur de maladies de toutes sortes, que nous attrapons ou pouvons attraper en raison du contact permanent des greffiers d’instruction avec ceux (notification des actes de procédures par exemple).

Les maladies les plus courantes dans les prisons sont les infections de la peau et des voies respiratoires. Il s’agit de maladies graves (rougeole, bronchite et pneumonie aiguë, entre autres).

Notons également la manipulation des archives, des scellés, des dossiers comportant des drogues et d’autres produits prohibés, poussières et déjections d’acariens, de souris et rats sur les dossiers sont des possibilités de contamination par des agents biologiques, par inhalation, par contact ou par ingestion. Ex : Les dossiers sont conservés dans la cave au tribunal de Lomé où règne l’humidité.

Par ailleurs, le greffier ne bénéficie d’aucune protection légale en cas d’agression sur sa personne dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Ainsi, pour illustration, les injures et violences verbales à leur encontre, quelque fois en pleine audience publique ou en cabinet, sont des non événements.

Une autre illustration est celle d’un collègue greffier qui, courant année 2016, a été sauvagement battu, humilié et presque lynché dans une juridiction du septentrion du pays. A ce jour, absolument rien n’a été fait de la part de l’autorité pour rechercher et punir ses agresseurs, lui venir en aide dans ses soins ou pour obtenir réparation du préjudice par lui subi.

Ces quelques exemples ne sont que la face visible de l’Iceberg, les souffrances et humiliations que subissent les greffiers et administrateurs de greffe dans l’exercice ou à l’occasion de leur fonction étant plus énormes que ce qui est vu ou imaginé.

Les activités seront encore perturbées pendant trois jours. Quels sont les secteurs touchés par votre mouvement ? En d’autres termes, comment le simple usager peut-il ressentir votre mouvement ?

Plusieurs secteurs seront touchés par notre mouvement ces trois jours, car le greffier constitue la cheville ouvrière du tribunal. Il est la porte d’entrée et de sortie du tribunal.

Par exemple en l’absence du greffier, le justiciable ne peut pas saisir la justice car c’est le greffier qui est chargé de recevoir les actes introductifs d’instance, formalité qu’on appelle dans notre jargon +l’enrôlement+.

L’absence du greffier prive le justiciable de l’orientation dans le choix de procédure. Durant les trois jours, aucune audience ne peut être tenue car toute audience, qu’elle soit publique ou en cabinet tenue en l’absence du greffier, est nulle. Et du coup, c’est le justiciable qui en pâti, surtout les détenus en matière pénale qui verront leurs peines allongées en raison du défaut de procès à temps.

Par ailleurs, aucune expédition ou grosse de jugement ou d’arrêt ne pourra être délivrée, pas plus que les casiers judiciaires

Avez-vous un appel à l’endroit des autorités, notamment du ministre de la justice ?

Notre appel va au-delà du ministre de la justice que nous remercions pour ses efforts.
Nous demandons non seulement le soutien de tous les acteurs de la justice, mais aussi l’intervention du gouvernement et surtout du Président de la République pour trouver solution à nos revendications. FIN

Propos recueillis par Junior AUREL

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