TOGO / COP 21: Déforestation à haute dose de nos préfectures : Quand les tronçonneuses font du bruit, les autorités se taisent

L’enjeu de la lutte contre les changements climatiques au monde, les vraies solutions passent d’abord par les changements de comportement des Hommes, qu’ils soient gouvernants ou gouvernés. En effet, la volonté de beaucoup de pays au monde de combattre les fléaux liés aux changements climatiques, ne se limitent qu’à de beaux discours, décisions et arrêtés, bien archivés dans de jolies armoires se bureau.

Il ne se passe jamais un seul jour, sans que les dirigeants de la planète ne se lamentent des effets pervers des changements climatiques : déforestation, feux de brousse, production se gaz à effets de serre, destruction de la couche d’ozone, pollution d’eau etc. A l’appui, ils pondent et ratifient des textes, prennent des décisions dans le but de contrer ces fléaux.

Malheureusement, les actions concrètes sont presque inexistantes. Les rares initiatives susceptibles de véritablement freiner le phénomène, et qui le plus souvent sont à mettre à l’actif des ONG, connaissent une timidité d’adhésion des bénéficiaires que sont les communautés à la base ; les projets n’ayant pas été conçus et exécutés de manière participative. Et l’une des graves conséquences de ce constat de fait est l’assèchement des zones autrefois humides causant de sérieuses difficultés d’accès à l’eau.

Conscientes du rôle de la forêt dans la vie de l’homme, les autorités togolaises ont institué depuis 1977, une journée nationale dénommée «Journée de l’arbre». Célébrée chaque 1er juin, cette journée consiste pour chaque Togolaise et chaque Togolais de planter au moins un arbre et de l’entretenir jusqu’à sa maturité. Il est une évidence, sans arbre pas de forêt ; sans forêt pas de pluie et le climat aura toujours de problèmes, très difficile à supporter par lesHommes. C’est d’ailleurs ce lien intrinsèque qui justifie le thème cette année de la journée de l’arbre: «Arbre-Forêt-Climat».

Près de quatre décennies après cette noble initiative, qu’est-ce que les Togolaises et les Togolais ont réellement fait pour relever ce défi de l’arbre au TOGO ? Pas grand-chose, ou mieux rien. A chaque occasion de ce rendez-vous national de l’arbre, l’on n’assiste qu’à une simple formalité d’usage de nos autorités, de Lomé à Cinkansé : Ministres, Parlementaires, Préfets…, devant de gros cameras entrain de mettre en terre des plants qu’ils ne revoient plus après, du moins jusqu’à l’édition prochaine. Pour certaines associations et ONG intervenant dans l’environnement, elles produisent de jeunes plants à offrir gratuitement à quiconque en voudrait pour planter. Mais là aussi, ces organisations et leurs pépinières ne trouvent pas de preneurs.

Malgré tout, l’on note ici et là, des actions de terrain de plusieurs structures publiques, parapubliques ou privées à but non lucratif qui s’investissent dans la lutte pour la restauration, la régénération ou pour tout dire, la création de forêts.

Entre autres de ces bonnes volontés l’on retient : l’ODEF, le FEM, l’ADETOP, le CAPLAD, l’ANGE, la JVE, l’ONG-CADO…La liste est longue et les actions encourageantes conjuguées de ces structures permettent au Togo de se vanter de disposer de quelques forêts communautaires. C’est le cas par exemple des forêts communautaires d’Andokopé dans l’Avé, d’Amavenou à Agou ou encore de la forêt classée de Missahoe dans le Kloto.

Pour cette dernière, affirme Monsieur SATRO François, Directeur Exécutif de l’ONG Association Découverte Togo Profond (ADETOP), la forêt de Missahoe à son classement en 1958 occupait une superficie de 1452 ha.

Mais en 2010 los de son plan d’aménagement participatif, les nouvelles données indiquent une superficie de 190ha. Une dégradation due à des effets anthropiques des communautés des 11 villages riverains.

Bref, dans presque toutes les préfectures du Togo, l’on retrouve des efforts associatifs en matière de protection de l’environnement et de lutte contre les changements climatiques, en témoigne le rapport issu de la dernière tournée nationale de l’ODEF.

Mais au lieu que tout le monde reste dans cette dynamique d’action, l’on assiste à un incivisme béant, caractérisé par l’abattage systématique des arbres, la destruction donc des forêts.Approché, le Directeur Préfectoral de l’environnement et des ressources forestière de KLOTO, reconnaît la situation malgré, a-t-il précisé les actions que les agents forestiers continuent de mener sur le terrain à travers la sensibilisation et la répression.

Pour le Lieutenant TCHAGAFO Essowazina, au-delà de tout, leurs actions se heurtent à plusieurs facteurs limitants: le manque d’effectif, l’éternel problème du foncier au TOGO qui n’appartient pas à l’Etat mais plutôt aux collectivités.

Un état de fait qui fait dire à ces collectivités qu’ils sont dans leurs propres champs et vendent les arbres aux scieurs qui les abattent frauduleusement.

Autre justificatif avancé par le Chef Antenne environnement de KLOTO est le développement aujourd’hui des moyens de communication qui permettent de renseigner les ennemis de la forêt lors de leurs déplacements d’enquête. Tous les jours donc, ce sont des tronçonneuses qui crient à tue-tête, à longueur de journée dans les forêts, au nez et à la barbe des agents forestiers. Tous les jours c’est des chargements de bois de chauffe, de charbon de bois, de planches ou de grumes qui traversent les postes de contrôle forestiers du pays.

Les tronçonneuses dans toutes les préfectures crient, mais curieusement, les autorités se taisent. Les agents de forêt, les préfets ne lèvent pas le petit doigt sous prétexte des arguments ci-dessus. Or pour beaucoup d’observateurs avisés, les raisons de cette complicité sont multiples et ailleurs: ceux qui abattent ces arbres le font pour le compte des grands barons du circuit gouvernemental, le phénomène constitue un fond de commerce pour ces autorités préfectorales.

Sinon comment comprendre qu’un préfet, plutôt que de chercher à faire réprimer de tels actes proscrits par les textes, préfère renforcer la collecte des taxes aux postes de contrôle forestiers par ses agents de préfecture qui ne sont pas des forestiers. Par des pots de vin ou des trafics d’influence téléphoniques, les titans et containers remplis d’essences forestières traversent aisément les barrières. C’est seulement de rares malheureux qui n’ont pas de «bras longs» qui voient leur butin arrêté et mis en vente aux enchères. Tous les jours donc, ce sont des d’énormes superficies de forêts qui sont massacrées.

Cela va sans dire que, l’Etat au plus haut sommet doit remettre de l’ordre dans la gestion des ressources forestières, la maitrise de la destruction des forêts au Togo. C’est une interpellation qui pose avec amertume, la problématique de l’existence du Ministère de l’Environnement et des Ressources Forestières ; un portefeuille qui se doit de revoir sa copie en s’acharnant plus sur la préservation des ressources forestières plutôt que d’exceller dans les collectes des taxes.

Le gouvernement se doit d’insuffler surtout une grande discipline de gouvernance des préfectures à leurs représentants préfectoraux vis-à-vis de l’abattage anarchique des arbres, seul gage de freiner les plaintes de beaucoup de communautés par rapport à l’accès à l’eau, la première source de vie sur terre.

Par la destruction des forêts, la pluviométrie baisse, les sources d’eau tarissent. La preuve selon le Directeur Exécutif d’ADETOP, est que cette pluviométrie est d’environ 1750 mm de pluie par an, au Sud-Togo ou il y a plus de forêts et de montagnes, tandis que dans la zone septentrionale dominée par la forêt, elle est très loin de ce chiffre.

Ce sont là, des impacts qui ne peuvent qu’ouvrir grandement la porte à la famine. FIN

Yawo Kéwédéa KAMAKE

Editorialiste/ Journaliste à Radio Lomé