A Lomé, les taxis-motos ne roulent pas sur l’or (REPORTAGE)

A Lomé, on ne cherche pas les taxis-motos, ce sont eux qui vous trouvent. Largement présents sur les routes, ces milliers travailleurs sans horaires arpentent la capitale à la recherche du potentiel client.

Il suffit de marcher à proximité d’une chaussée pour en attirer une flopée comme par enchantement. Les klaxons des mobylettes fusent et il suffit d’un geste ou d’un regard pour que celui-ci vienne à notre rencontre. Un trop grand nombre de « salariés » qui en fait justement un métier mal payé.

Petite parenthèse d’histoire, au Togo, la première apparition des zémidjans remonte à novembre 1990, suite à une grève de 48 heures observées par des conducteurs de véhicules taxi-autos affectés au transport public de passagers pour protester contre l’obtention obligatoire du permis de conduire professionnel. Mécontents du comportement des grévistes, certains jeunes togolais ont pris le relais par le biais de leurs motos pour transporter des passagers, imitant ainsi les béninois qui ont adopté ces taxi-motos depuis 1980.

Après ces deux jours « d’essai » (les 28 et 29 novembre 1990), certains ont pris goût à la chose; et durant l’année 1990, quelque 121 jeunes se sont lancés dans cette aventure.

Au fil des années, le phénomène a pris corps en raison de la longue crise économique. Beaucoup de jeunes togolais ont alors adopté ces taxis-motos pour se faufiler dans la crise.

Selon les récentes statistiques du Collectif des Organisations Syndicales des Taxis Motos du Togo (COSTT), les zémidjans étaient estimés à 213.807 à fin décembre 2011 dont 57.215 à Lomé, 41.806 dans le Golfe et 26.674 dans la région Maritime.

Ce « métier », à juste titre, n’en ai pas vraiment un car il s’acquière sans diplôme et ne demande aucune licence. Juste une moto, de la bonne volonté, du temps et une sacrée patience. Car il faut en faire des kilomètres pour pouvoir obtenir une journée lucrative. C’est généralement un travail d’appoint que les Togolais exercent en plus de leur vrai métier.

« On n’a pas le choix, c’est pour gagner le pain de notre jour. Tout le monde peut le faire », commente Kongbani, 22 ans. Soudeur-ferrailleur de métier.

Ce jeune Zémidjan parcourt les chaussées loméennes au moins 8 heures par jour: « c’est notre vie mais c’est aussi notre pays »rajoute-il non sans fierté ».

Kongbani fait ce « job » depuis bientôt 5 ans et pour l’instant, il n’a pas l’intention de s’arrêter.

« Je compte ouvrir un atelier de soudeur-ferrailleur, mais en attendant je fais le taxi-moto parce qu’il n’y a pas de travail dans ma branche », déplore-t-il.

Taxi moto oui, mais pas pour toute la vie, il a des projets. Cela ne l’empêche pas d’aimer tout de même ce qu’il fait.

« Comme c’est son métier, alors il doit l’aimer », rajoute dans un sourire son collègue également taxi moto. Une bien belle philosophie.

Mais quant à la question de gagner sa vie, les sourires s’effacent et les visages se ferment: « Non, ça ne gagne pas ». Leur entourage n’en pense rien de péjoratif mais n’encense pas pour autant un travail dont les revenus sont trop aléatoires. Chaque Zémidjan sait ce qu’il va affronter chaque jour, ce n’est parce qu’il le veut mais parce qu’il le doit. Et si pour certain ce travail est un plus, pour d’autre c’est le seul revenu. Dans ce cas particulier, leur situation peut vraiment être précaire.

Aucune donnée en Francs CFA ne sera donnée, mais on est loin du compte. La concurrence est rude sur les routes et le client peut se montrer quelque fois hasardeux.

Il faut aussi compter l’essence qu’il faut perpétuellement acheter ou les éventuelles réparations. En faisant la soustraction, il ne reste pas grand-chose !

Sans oublier les risques auxquels ils sont continuellement confrontés. Véritables magiciens de l’équilibre, ils arrivent à transporter homme, femme, enfant mais aussi toute sorte de matériaux, de tout format, et cela, au péril de leur vie. Des slaloms entre les voitures qui ont fait plusieurs victimes.

En 2011, environ 313 accidents mortels de la circulation d’engins à deux roues sont enregistrés contre 249 en 2010. A Lomé, 202 accidents mortels ont été recensés en 2011 contre 148 en 2009, selon les estimations du COSTT. A peine 5% des zémidjans ont leur permis de conduire. Outre des accidents, les conducteurs sont également exposés à plusieurs dangers dont des braquages

« On n’a pas le choix. De toute façon, dans tous les métiers il y a des risques! », appuie presque héroïquement Anoussigan. C’est le courageux choix que fait chaque Zémidjan entre la bourse ou la vie. FIN

Johana Caruso (stagiaire)

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