Développement à la base: Les jeunes d’Asséré « retenus in extremis », grâce au Projet de Développement Communautaire (REPORTAGE)

Lorsque la saison des pluies fera bientôt place à la saison sèche dans le nord du Togo, les jeunes d’Asséré, ne seront plus près de vider leur village au profit du phénomène « Zémidjan » en ville, notamment à Pagouda ou encore à Kara, 50 km plus loin. Ce qui les retient chez eux depuis bientôt deux ans, c’est bien leur retenue d’eau qu’ils ont réussi à réhabiliter eux-mêmes, à la faveur du Projet de Développement Communautaire, un coup de pouce pour leurs cultures de contre saisons.

Logé dans la préfecture de la Binah, Asséré est un village situé à environ 50 km au nord- est de la ville de Kara. Ce village de paysans se vide souvent de ses bras valides à l’approche de la saison sèche. Destination, Pagouda, à une dizaine de kilomètres au Sud ou encore Kara où la plupart deviennent des conducteurs de taxi-motos Zémidjan ; histoire de gagner de l’argent +cash+, pour subvenir à leurs besoins quotidiens, en attendant la prochaine saison des pluies. La plupart n’y retourneront pas cultiver la terre…

« Beaucoup de jeunes étaient partis comme çà du village et ne sont plus revenus (…) », fait remarquer, triste, Kpatcha Simfétchéou, un ancien du milieu, soulignant que deux de ses fils ont dû le quitter ainsi pour la ville.

Comme nombre de ses camarades jeunes agriculteurs d’Asséré, Komi Patassé, 36 ans, avoue qu’il était également sur le point de grossir le lot des déserteurs de la campagne.

Mais aujourd’hui « soulagé », la saison sèche n’est plus un alibi pour l’exode rural, selon lui.

« La pénurie d’eau était la raison principale du départ massif de nos frères vers la ville, mais désormais, nous avons ce qu’il faut pour rester chez nous. Avec notre retenue d’eau, nous n’avons plus aucune envie de quitter notre village », affirme Komi qui a participé, il y a quelques mois, à la réhabilitation d’une retenue, grande de la taille d’un terrain de handball, avec certains de ses camarades jeunes du milieu, ceci à la faveur du Projet de Développement Communautaire, PDC, dont l’un des volets consiste à aménager des retenues, de sorte que les communautés puissent disposer d’eau pour leurs besoins de cultures de contre-saisons, d’utilisation domestique, d’abreuvage des animaux, voire y pratiquer la pêche.

Financé à hauteur de 32,9 millions de dollars US (soit plus de 15 milliards de F CFA) par la Banque Mondiale, le PDC est mis en œuvre par le Secrétariat Technique du PDC et les Agences d’Appui aux Initiatives de Base, placés sous la tutelle du Ministère du Développement à la Base, de l’Artisanat, de la Jeunesse et de l’Emploi des Jeunes.

Ce programme quinquennal 2008-2013 s’inscrit dans la stratégie de réduction de la pauvreté initiée par le gouvernement togolais en faveur des communautés vulnérables, avec pour objectif de leur fournir un accès amélioré aux infrastructures communautaires et contribuer à l’amélioration de leurs revenus et conditions de vie.

Au total, 31 microprojets sur 39, dont des retenues d’eau et des pistes rurales, ont été réalisés dans le cadre du volet non-forestier de novembre 2010 à octobre 2011 dans plusieurs villages à travers le Togo, pour un montant total de 150 millions de F CFA.

La réalisation de retenues d’eau et la réhabilitation ou la construction de pistes rurales sont inscrites dans le PDC comme des travaux à Haute Intensité de Main-d’œuvre, HIMO, destinés à assurer une protection sociale aux jeunes des villages pauvres.

« On recrute, de façon temporaire, des hommes et des femmes très pauvres pour leur donner un travail d’intérêt communautaire pour qu’ils gagnent de l’argent et régler leurs problèmes immédiats », explique Piabalo Kamang, point focal HIMO à Kara.

Les travaux HIMO s’adressent à tout jeune âgé de 18 à 35 ans, diplômé ou non, pourvu qu’il soit disponible, mais il peut y avoir des jeunes plus âgés, «pourvu qu’ils soient valides ».

« Dans la pratique sur le terrain, on a eu à travailler avec des gens plus âgés », reconnait-il, soulignant que « les travailleurs sont recrutés pour 6 heures quotidiennement et doivent habiter dans le rayon le plus proche pour éviter qu’ils parcourent de longues distances ».

Chaque travailleur gagne 1.350 F CFA par jour et doit systématiquement faire le travail pendant 40 jours ; ce qui lui rapporte à terme 54.000 F CFA. Komi Patassé et ses camarades ont ainsi pu gagner chacun les 54.000 F avec la réhabilitation de leur retenue, une aubaine pour lui qui n’a que le niveau CM2. Des semaines de durs labeurs qui lui valent bien cette rémunération au-dessus de la moyenne.

« 54.000 F, cela représente beaucoup d’argent pour moi. Ici au village, c’est très rare de gagner cette somme au bout de 40 jours », avoue-t-il, affirmant : « J’ai pu m’acheter de l’engrais et des herbicides pour entretenir mon champ et j’ai même pu acheter les fournitures scolaires de mes deux enfants avant la rentrée ».

Comme Komi, Koumbérabalo, 25ans, un autre jeune d’Asséré, a pu se constituer un fonds de roulement pour faire face aux coûts de production, notamment le labour des champs et l’achat des intrants. Il compte par ailleurs intensifier le maraîchage durant la période sèche, notamment la culture du piment, de la tomate, du gombo, des épinards et d’autres légumes.

Quant à N’na Wallah, 27 ans, sa participation à la réhabilitation de la retenue s’est révélée très bénéfique pour sa famille. Mère de deux enfants, N’na a travaillé aux côtés des hommes lors de la construction de la digue en curant la boue et en la transportant dans des cuvettes hors de l’emprise.

« C’était un travail un peu difficile mais en fin de compte, j’ai pu me faire un peu de sous qui m’ont permis d’acheter les fournitures scolaires de mes enfants et de les soigner à deux ou trois occasions quand ils sont tombés malades », affirme la jeune dame.

« J’ai pu acheter aussi de l’engrais pour mon propre champ de même qu’un stock de maïs pour soutenir mon mari et contribuer aux charges alimentaires de la famille, en période de soudure », ajoute-t-elle.

Mais N’na est également revendeuse de repas au sein de sa communauté et elle peut désormais se frotter les mains.

« Les gens venaient manger un peu de tout chez moi : du macaroni, du riz avec poulet, du gari, du haricot. Mais ils ne payaient pas et ont accumulé des dettes au fil du temps. Mais Dieu merci, certains de mes débiteurs qui ont participé à la réalisation du projet, ont pu rembourser leurs dettes », se réjouit la jeune dame. Si la réhabilitation de la retenue d’eau offre des avantages considérables aux jeunes d’Asséré, elle ne l’est pas moins pour les femmes du village.

Ces dernières s’en servent pour la lessive. Les bœufs y viennent s’abreuver et les artisans du milieu ont désormais de l’eau pour mouler des briques devant servir à la construction des maisons. FIN

Erick KAGLAN

Savoir News, La Maison de L’INFO

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