Interview exclusive de Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, candidate malheureuse de la CDPA (opposition) à la présidentielle de 2010

Membre très active de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA, l’un des principaux partis d’opposition togolais, dirigé par Léopold Gnininvi), Mme Adjamagbo-Johnson avait porté les couleurs de ce parti lors de la présidentielle de 2010. Première femme à se présenter à une élection présidentielle au Togo, Mme Adjamagbo-Johnson dans une interview exclusive à l’Agence Savoir News, dresse le bilan de l’année 2011, les actions menées par son parti et le travail en cours pour les prochaines échéances électorales. Selon elle, l’année 2011 « n’a pas apporté grand changement dans la vie des Togolais ».

« Le pouvoir en place n’a pas montré qu’il est à la hauteur des attentes des togolais (…) », a-t-elle souligné..

Savoir News: Quel petit bilan dressez-vous à la CDPA de l’année 2011?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson: L’année écoulée n’a pas apporté grand changement dans la vie des Togolais. Ca été de mon point de vue, une année d’espérance déçue, de dur labeur. Et à la CDPA, nous trouvons cela dommage. C’est vrai que sur le plan économique, le pouvoir se vante d’avoir commencé à refaire les routes. Mais, ce n’est pas quelque chose d’extraordinaire. Car vu l’importance de l’infrastructure routière dans le développement d’un pays, on se demande comment ce pouvoir qui est là depuis plusieurs décennies a pu laisser l’infrastructure routière dans l’état actuel, pour commencer à faire des travaux.

Au contraire ce que nous constatons, c’est que la gouvernance économique n’a pas réellement changé. On nous a parlé de réformes, de planification, mais ce qui est important, c’est que le pouvoir en place adopte une gestion économique rigoureuse, une gestion qui réponde aux soucis de faire en sorte que les togolais puissent accéder véritablement à la richesse produite au Togo. Nous avons constaté que la mal gouvernance continue, on continue d’assister au pillage des ressources du pays. A la CDPA, nous attendons que le pouvoir en place, donne un signal fort, qu’il montre qu’il est décidé à mettre fin à l’impunité économique.

Sur le plan politique, le bilan est aussi décevant. Il est décevant dans la mesure où les réformes que nous attendions et que tous les togolais attendent n’ont pas vu le jour. Il est décevant, parce que nous avons vu tout le long de l’année, un certain nombre d’actes qui ont été posés en matière de violation des droits de l’Homme, des actes qui ont été posés et qui nous emmènent à nous interroger sur l’indépendance réelle de notre justice. Nous avons vu finalement que le pouvoir n’a pas pris, non plus la mesure de la volonté de Togolais à être gouverner autrement. Il n’y a pas eu de signal fort. Ce que les togolais attendent sur le plan politique, c’est qu’il y ait alternance dans ce pays. Mais aucun acte n’a été posé qui puisse nous indiquer que le pouvoir s’inscrit dans cette logique. On peut se vanter d’avoir construit des routes, on peut se vanter sur le plan social d’avoir augmenté le SMIG.

D’ailleurs sur le plan social, les mouvements auxquels nous avons assistés, montrent qu’il y a un malaise profond. Le peuple a le sentiment que la prise en compte de ses intérêts ne constitue pas une préoccupation primordiale pour le pouvoir. Et c’est quelque chose que nous vivons. L’état de pauvreté croissante des populations est criard. Il ne se passe pas de jour où vous ne voyez pas des hommes et des femmes, pères de famille, mères de famille, mendier pour assurer la subsistance quotidienne de leurs familles. Et cela est véritablement inquiétant. Vous voyez des étudiants aujourd’hui, qui se retrouvent dans l’obligation de devoir aller chercher l’aumône pour s’inscrire.

Vous avez des jeunes filles qui se retrouvent de plus en plus dans l’obligation de se prostituer pour trouver le minimum qu’il leur faut pour continuer leur éducation. Dans quel pays ces genres de choses peuvent être acceptés? Ce n’est pas normal. Le pouvoir en place n’a pas montré qu’il est à la hauteur des attentes des togolais. Il est temps qu’il pense à passer à la main.

Savoir News: Quel est l’évènement majeur qui vous a le plus marqué à la CDPA en 2011?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson:

Il y a des évènements qui nous ont marqués à la CDPA et qui nous ont permis de tirer des leçons. D’abord sur le plan international, le bouleversement en Afrique du nord et la crise post-électorale en Côte d’Ivoire. Et la leçon que nous en tirons, c’est qu’il est temps que nous africains, nous fassions preuve de responsabilité, que nous comprenions qu’il est dans notre intérêt – lorsque nous sommes au pouvoir – d’écouter notre peuple. Il est temps que nous concevions les fonctions politiques, le niveau élevé auquel nous accédons, comme des missions à accomplir, comme des services à rendre à notre peuple, plutôt que comme des positions de privilège pour faire ce que nous voulons du pouvoir. A défaut de le faire, nous fragilisons nos peuples, mais nous nous fragilisons nous-mêmes. C’est ce qui s’est passé en Afrique du Nord et en Côte d’Ivoire. Il est temps que nous fassions preuve de responsabilité et de dignité pour ne pas donner l’occasion à des intervenants externes, de venir régler à notre place, des problèmes qui se posent. Sous prétexte de défendre notre peuple, ces intervenants en réalité, défendent des intérêts qui sont tout à fait ailleurs.

Au Togo, nous avons été impressionnés par la façon dont le personnel de la santé s’est organisée et a su exprimer avec force et de manière très structurée, les revendications de ce corps. Ils sont bien organisés, ils sont restés fermes et finalement, ils ont eu gain de cause. Mais nous avons été choqués par la façon dont la crise estudiantine a été gérée. Ce n’est pas un bon spectacle que de voir des étudiants dont la place devrait être dans des amphis, pourchasser dans la rue de la manière dont cela a été fait.

Savoir News: Quelles sont les actions ou activités menées par la CDPA en 2011?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson: Au cours de l’année 2011, la CDPA en tant que parti politique aspirant à gouverner, a suivi attentivement la façon dont le pays a été géré. La CDPA a su réagir et prendre position et faire en sorte que les solutions soient trouvées aux différents problèmes posés. Ce que la CDPA a essayé de faire passer tout au long de l’année de 2011, c’est ce qui est essentiel pour les togolais aujourd’hui, ce que les togolais attendent: l’alternance. Et la CDPA a pris sur elle, de le marteler à chaque occasion. Plus jamais dans ce pays, on ne devrait être au pouvoir pendant plus de 10 ans. Ce ne sont pas seulement les togolais qui expriment ce genre d’attente, mais c’est universel comme attente. Et ce qui s’est passé en Libye, nous l’a prouvé. Un peuple bien nourri, mais qui s’est soulevé pour avoir été privé pendant tout longtemps de liberté, qu’un seul régime a monopolisée. Nous avons pris sur nous, le soin de commencer à faire un travail. Nous avons véhiculé le message tout au long de l’année 2011 pour que notre pays ne se retrouve pas dans des situations du genre.

Nous avons également pris sur nous de commencer à nous préparer pour les échéances électorales qui nous attendent, à identifier dans nos fédérations, les hommes et les femmes qui vont porter les couleurs du partis.

Savoir News: Le message de vœux du nouvel du chef de l’Etat Faure Gnassingbé a suscité assez de commentaires au sein de la classe politique. A la CDPA, comment avez-vous perçu ce message?

Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson: Les Togolais attendaient beaucoup plus du président de la Président. Les togolais pensaient, qu’au lieu de ce qui a été fait, il fallait que le chef de l’Etat se présente devant l’Assemblée constituée de représentants du peuple, fasse un bilan objectif et dresse des perspectives qui rassurent.

Mais au lieu de cela, nous avons écouté le président de la République qui s’est délivré un satisfécit et qui a donné l’impression que le peuple ne donne pas suffisamment.

Cela nous a paru surréaliste dans ce contexte où il y a en cours des revendications provenant des couches importantes de la société. Que le chef de l’Etat les rassure et qu’il montre qu’il les a écoutés et qu’il est prêt à travailler à la mise en œuvre de leurs revendications.

Propos recueillis par Junior AUREL

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