Réconciliation nationale: Encore des témoignages ce lundi sur la tragédie de Fréau Jardin et des violences liées à la présidentielle d’avril 2005

Les audiences publiques, privées et à huis clos de la Commission vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) se sont poursuivies ce lundi au siège de ladite Commission à Lomé, avec de nouveaux témoignages sur la tragédie de Fréau Jardin et des violences liées à la présidentielle d’avril 2005, a constaté un journaliste de l’Agence Savoir News.

Au total 15 victimes et témoins ont été auditionnés (dont deux à huis clos et trois en privé) par la CVJR.

L’ensemble des faits relatés, sont relatifs notamment à des cas d’arrestation et de détention, des événements tragiques de Fréau Jardin en janvier 1993 et les violences liées à la présidentielle d’avril 2005. Un cas d’atteinte aux droits économiques et un autre lié à une disparition d’un ancien officier de l’armée togolaise ont été également examinés.

En plus des événements tragiques de Fréau Jardin survenus en janvier 1993, des arrestations et détentions arbitraires, qui ont déjà fait objet d’audiences, la CVJR a noté la récurrence de certaines violations, notamment les agressions physiques et les atteintes à l’intégrité physique, les tentatives d’assassinat, les traitements dégradants et les destructions de biens meubles et immeubles.

Quant aux violences consécutives au décès du président Eyadema le 5 février 2005, la présidentielle du 24 avril 2005 reste un souvenir amer pour plusieurs victimes et témoins qui ont raconté les exactions subies ou vécues le jour du vote et après le vote. Il s’agit notamment des tentatives d’enlèvements d’urnes pour perturber le dépouillement; l’usage d’armes à feu pour intimider sur les lieux du vote et dans des maisons; la destruction de biens meubles et immeubles.

Pour plusieurs victimes et témoins, toutes ces exactions sont à imputer à des militants, à la fois proches du parti au pouvoir, de l’opposition et à des éléments des forces de l’ordre et de sécurité.

Issa Salamatou, revendeuse a affirmé devant la CVJR avoir reçu une balle au pied droit, lors des troubles politiques de 2005 : « Je vendais des bananes dans le quartier de Nyékonakpoè. Mon étalage était devant notre maison. Pendant les troubles, j’étais devant ma marchandise un jour, quand les bruits ont commencé. J’ai ramassé mes bananes, et au moment de rentrer chez moi, j’ai reçu une balle. J’ai été soignée au Ghana ».

Gumenu Kossi, sans emploi fixe, a déclaré avoir été bien battu par des militaires et jeté dans le feu, alors qu’il était chez lui avec ses enfants.

« Les faits se sont déroulés le 25 avril 2005 à Nyékonakpoè. J’étais chez moi quand des hommes en treillis ont escaladé notre mur et sont entrés dans la maison. Ils ont frappé tout le monde dans la maison, après avoir défoncé les portes. J’ai été bien tabassé de la chambre. Ensuite, ils m’ont traîné dans la cour et puis dans la rue où ils m’ont jeté dans des pneus brûlés. C’est à la clinique Fiadjo que j’ai été soigné », a-t-il raconté.

A l’analyse de tous ces témoignages, la CVJR a fait observer que tous les dérapages enregistrés sont dus au manque de culture démocratique des militants et à l’excès de zèle de certains éléments des forces de l’ordre et de sécurité. Elle a incité fortement les autorités politiques et administratives à prendre les mesures idoines afin de remédier à ces situations déplorables.

Par ailleurs, elle a pris note des conséquences de ces violences dont certaines victimes portent encore les séquelles physiques et psychologiques.

La Commission a présenté sa sincère compassion et ses condoléances à toutes les victimes des violations des droits de l’homme, notamment celles qui ont subi les violences électorales liées à la présidentielle d’avril 2005. La CVJR a déploré une fois encore toutes les formes violences exercées au nom de l’appartenance à un parti politique, la force et de l’autorité dont certains citoyens sont détenteurs et dont ils en abusent. Elle a encouragé les militants politiques de tous bords à la tolérance et a recommandé à tous les partis politiques de renforcer l’éducation de leurs militants en ce sens.

Comme à l’accoutumée, la CVJR a exhorté les auteurs présumés à faire acte de contrition et encourage les victimes à ne pas cultiver l’esprit de vengeance. Elle a rappelé que c’est à la lumière des informations fournies par les différents intervenants au cours des audiences (publiques, in camera et privées) ainsi que des rapports de ses investigations, qu’elle fera ses recommandations finales à l’attention du peuple togolais dans le sens de l’apaisement.

Les audiences publiques se poursuivent mardi et seront consacrées à la mort le 23 juillet 1992 de Tavio Amorin, Premier secrétaire du Parti socialiste panafricain (PSP) et Secrétaire général du Collectif de l’Opposition Démocratique (COD II) ; du Colonel Eugène Messan Tépé le 25 mars 1993, à la disparition le 6 septembre 1994 de David Bruce, Directeur de cabinet du Président du Haut Conseil de la République (HCR) et à divers autres cas d’atteinte à la vie de personnalité politiques.

Rappelons que les audiences de la CVJR sont consacrées à la recherche de la vérité sur les violences électorales et autres violations des droits de l’homme qui sont survenues dans notre pays entre 1958 et 2005 dans le cadre des séances publiques, à huis clos et privées qui donnent la parole aux victimes, témoins et aux auteurs présumés.

Nicolas KOFFIGAN

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