Troisième jour des audiences à Lomé: Les violences sociopolitiques liées à la présidentielle d’avril 2005 au menu des auditions ce vendredi, 15 témoins et victimes devant la CVJR

Les audiences publiques, privées et à huis clos de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) se sont poursuivies ce vendredi à Lomé et ont été notamment consacrées aux violences sociopolitiques liées à la présidentielle d’avril 2005, a constaté un journaliste de l’Agence Savoir News.

La CVJR a écouté au total 15 témoins et victimes dont deux à huis clos. Parmi le groupe figue un témoignage sur les violations des droits de l’Homme: tentative d’enlèvement, arrestation et détention arbitraire, sévices corporels et traitements dégradants subis en 2002 à Sotouboua en raison des choix partisans.

Au sujet des violences sociopolitiques corrélatives à l’élection présidentielle du 24 avril 2005, l’audition des témoins et victimes a permis de savoir que la tension déjà perceptible avant le vote a été exacerbée par la proclamation des résultats. Pour réprimer les mouvements de contestation populaire, empreints de vandalisme, les Forces armées togolaises et des groupes de militants favorables au parti au pouvoir, souvent munis d’armes à feu, ont déclenché des représailles, notamment dans les quartiers de Lomé et les localités environnantes réputés favorables à l’opposition.

Au bilan, les militants de l’opposition et d’autres citoyens pris pour cible à tort ou diverses raisons liées notamment à leur aspect physique, paieront un lourd tribut ; on dénombre plusieurs morts, y compris des mineurs et des atteintes à l’intégrité physique dues aux séquelles consécutives au tir d’explosifs divers. Nombre de citoyens ont dû se résoudre à changer de lieu de résidence ou à prendre la route de l’exil.

Jackson Adjo, commerçante ne digère pas toujours la mort tragique de son mari en avril 2005, alors qu’il se rendait chez sa sœur.

« Après le vote, mon mari est allé le 27 avril 2005, chez sa grande sœur. De retour, à hauteur du marché d’Akouélévisimé, vers Gbényédji, cinq personnes l’ont interpellé et l’ont frappé, avant de tirer sur lui à bout portant. Les enfants sont restés jusqu’à ce jour à ma charge », a-t-elle raconté les larmes aux yeux.

Fanou Patrice, soudeur de fonction à Tokoin Trésor, a expliqué les circonstances dans lesquelles son fils a été tué par les militaires, venus frappés les habitants de maison en maison.

« Après le vote, j’étais couché au milieu de la cours de la maison. Mon fils qui a 6 ans m’a rejoint sur la natte. Les enfants de notre propriétaire étaient assis à la grande porte de la maison. Soudain, les enfants ont couru pour rentrer dans la maison. Précipitamment, je me suis levé et j’ai dit à ma femme et à mes enfants de rentrer dans la chambre. C’est lorsque je voulais fermer notre fenêtre que quelqu’un, m’a bloqué et nous a intimé l’ordre de sortir. Du coup, j’ai entendu un coup de feu et la balle est passée devant moi. C’est mon fils qui a reçu cette balle à la tête et il est décédé sur le champ. Malgré mes lamentations devant le cadavre de mon fils, ils continuaient à briser des portes et fenêtres et à frapper certaines personnes », a-t-il révélé.

Alabi Safiou ingénieur bâtiment n’a pas manqué, de son côté, de relater toutes les violences et tortures qu’il a subies pour son appartenance à l’opposition à Adjengré dans la préfecture de Sotouboua.

« Le 18 septembre 2002, après une réunion au siège du parti politique CAR, j’ai voyagé pour Adjengré, mon village natal. Le lendemain, je me rendais dans un autre village, pour faire des achats de bois de chauffage. Au cours de mon trajet, j’ai vu quatre militaires devant moi. Ils étaient conduits par le brigadier Assobio. Aussitôt ils m’ont menotté. Ils m’ont par la suite conduit chez moi où ils ont tout fouillé. Ils m’ont ensuite incarcéré à la brigade territoriale de Sotouboua », a-t-il indiqué.

« J’ai été torturé par le commandant Amana. Il m’a dit qu’Agboyibo m’a remis des tracts à distribuer. J’ai juré que je n’avais pas de tracts. J’ai été torturé pendant trois jours avant d’être conduit chez le préfet de Sotouboua. Ce dernier m’a également correctement frappé. J’ai été ensuite incarcéré à la prison civile de Sokodé. On m’a libéré le 13 mars 2003 », a-t-il indiqué.

A l’analyse des témoignages, la CVJR a fait les constats ci-après:

 Le décès du Général Gnassingbé Eyadéma survenu le 5 février 2005, a occasionnée une vacance de la Présidence de la République et a plongé le Togo dans une grave crise sociopolitique caractérisée par une grande tension sociopolitique.

 La proclamation des résultats, a exacerbé la tension déjà grande et fonctionné comme un détonateur qui a déclenché un cycle de violences sociopolitique,

 A l’action de contestation des militants de l’opposition, l’armée et les groupes proches du parti au pouvoir ont opposé une réaction disproportionnée.

 Une fois encore, l’intolérance politique a constitué le ferment qui a renforcé les dissensions politiques et nourri les haines socio ethniques sur r fond de chasse à l’homme dans les rues de Lomé avec pour bilan, de nombreux blessés et des pertes en vies humaines, des destructions de biens meubles et immeubles et des déplacements de personnes.

La CVJR a présenté sa compassion et ses condoléances aux victimes dont nombreuses portent encore les séquelles physiques et psychologiques des événements regrettables consécutifs à la présidentielle d’avril 2005. Elle a déploré les violences qui caractérisent les périodes électorales et incitent les militants politiques de tous bords à la tolérance : le choix de militer pour un parti est, et demeure, un droit et nul ne doit être inquiété pour ses choix partisans.

Une fois encore, la Commission a exhorté les auteurs présumés à contribuer à la manifestation de la a vérité et à faire acte de contrition. Elle a encouragé toujours les victimes à ne pas cultiver l’esprit de v vengeance et à privilégier L’esprit du pardon.

La Commission rappelle que c’est à la lumière des informations fournies par les différents intervenants au cours des audiences (publiques, in camera et privées) ainsi que des rapports de ses investigations, qu’elle fera ses recommandations finales à l’attention du peuple e togolais dans le sens de l’apaisement.

Les audiences se poursuivent samedi et seront une fois encore consacrées aux violences sociopolitiques liées à l’élection présidentielle de 2005.

Nicolas KOFFIGAN

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