Première journée des audiences à Aného: 13 auditions sur des événements antérieurs à 2005, et aux violences politiques de 2005

Les audiences publiques, privées et à huis clos de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) ont démarré ce mardi à Aného (environ 45 km à l’est de Lomé) où 13 auditions ont été enregistrées sur des événements antérieurs à 2005, et aux violences politiques de 2005 pour cette seule journée, a constaté un envoyé spécial de l’Agence Savoir News.

Sur l’ensemble de ces audiences, la commission a écouté deux à huis clos, sur les violences exercées par les forces de l’ordre et de sécurité en diverses occasions, les expropriations des propriétaires terriens pour cause d’exploitation des phosphates et les violences électorales de 2005.

Sédjro Amouzou, a été le premier à témoigner devant la commission pour les exactions et violences suivies d’emprisonnement pour un coup d’Etat fictif.

Selon ses propos, c’était un vendredi 23 juin 1972 qu’il a été arrêté dans la nuit profonde par les gendarmes à Akoumapé et amené à la prison de Vogan, puis à Lomé pour tentative de coup d’Etat.

Selon lui, au total 25 personnes avaient été arrêtées dans cette affaire de coup d’Etat au feu général Eyadéma : « Nous avons été transférés à la prison de Lomé, deux semaines, après notre arrestation. Et c’est le Colonel Walla qui nous avait torturés au cours de l’interrogatoire ».

« Ils nous ont torturés pendant trois mois d’enquête, avant de nous déclarés innocents. Nous avons été libérés le 23 décembre 1972 », a-t-il souligné.

Abagninou Kokou Tontonvi, pêcheur et membre de l’organisation de la Jeunesse cantonale du RPT a déclaré avoir été menacé de mort peu avant les élection de 2005: « Les gens m’ont déjà averti que ma vie sera en danger, en cas de victoire du RPT. Après la proclamation des résultats, j’ai été arrêté par des jeunes de l’opposition. Ils ont brûlé ma voiture. Ils m’ont frappé et mon jeté dans le puits de la maison. Me croyant mort, ils sont partis et se sont mes femmes, malgré mes fractures qui ont réussi à me faire sortir du puits. J’ai immédiatement quitté la maison avec mes femmes pour nous cacher dans une maison en construction. C’est le ministre d’Alméida qui logeait à l’hôtel Safari qui m’a aidé en m’acceptant chez lui. De retour à Agbodrafo, je n’ai plus retrouvé ma pirogue et mes filets ».

Nicoué Dévi, commerçante n’a pas caché son amertume lorsqu’elle a évoqué les évènements politiques suivis de violence à Aného. Selon lui, les troubles ont commencé après la proclamation des résultats des élections de 2005.

« Juste après la proclamation des résultats, des jeunes ont commencé à manifester. Ils ont dressé des barricades dans la ville. Les gendarmes arrivés sur les lieux ont commencé à tirer à balles réelles. Etant sortie pour voir ce qui se passait, j’ai reçu trois balles et ma petite en a reçu plusieurs, elle est décédée. C’est à la clinique Biova à Lomé qu’on m’a extrait ces balles. J’ai actuellement ces balles avec moi. Je souhaiterais que de pareilles évènements n’arrivent plus et que les élections soient transparentes », a-t-elle révélé.

L’analyse des différents témoignages permet à la Commission de faire les observations suivantes:

A propos des malheureux événements antérieurs à 2005, il apparaît selon les personnes auditionnées, que les éléments des forces de l’ordre et de sécurité ont réprimé de façon parfois trop musclée d’innocentes victimes.

S’agissant de l’expropriation des terres en vue de l’exploitation des phosphates dans le

Vo, les Lacs et le Zio, la CVJR a mesuré toute la détresse des propriétaires terriens qui revendiquent de meilleures conditions d’indemnisation, de recasement et de jouissance de leurs droits légitimes.

Quant aux violences consécutives à la présidentielle de 2005, la Commission a déploré qu’au nom d’intérêts partisans divergents des Togolais se soient affrontés durement et que les forces de l’ordre et de sécurité aient déployé trop de rigueur dans la conduite des opérations de maintien de l’ordre public, ce qui a conduit à des pertes en vie humaines.

Fidèle à sa mission, la CVJR a appelé les victimes de ces différents événements, malgré les séquelles que certaines traînent encore, à ne pas cultiver l’idée de vengeance.

Elle a rappelé que c’est à la lumière des informations fournies par les différents intervenants au cours des audiences (publiques, in camera et privées) ainsi que des rapports de ses investigations, qu’elle fera ses recommandations finales à l’attention du peuple togolais dans le sens de l’apaisement.

Ces audiences vont se poursuivre mercredi à Aného et seront encore consacrées aux violences électorales de 2005.

Rappelons que les audiences de la CVJR sont consacrées à la recherche de la vérité sur les violences électorales et autres violations des droits de l’homme qui sont survenues dans notre pays entre 1958 et 2005 dans le cadre des séances publiques, à huis clos et privées qui donnent la parole aux victimes, témoins et aux auteurs présumés.

D’Aného, Nicolas KOFFIGAN

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