La France a depuis quelques jours, un nouvel ambassadeur au Togo, Monsieur Nicolas Warnery. Ce dernier a présenté vendredi dernier, ses lettres de créances au chef de l’Etat togolais Faure Gnassingbé.
Dans un entretien exclusif à l’Agence Savoir News, le diplomate français aborde plusieurs sujets, notamment la relation bilatérale France-Togo, les principaux axes de la coopération française au Togo et les actions du Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade (SCAC).
Né en mai 1962, M .Warnery (En Photo) est diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris.
Savoir News: Monsieur l’Ambassadeur, vous venez de présenter, il y a quelques jours seulement, vos lettres de créance au Chef de l’Etat. En tout début de mission, comment définiriez-vous la relation bilatérale France-Togo ?
Nicolas Warnery: Avant toute chose, permettez-moi d’indiquer qu’il m’est particulièrement agréable de constater que la gentillesse et l’hospitalité de la population togolaise ne sont pas seulement légendaires, mais bien une réalité perceptible au quotidien.
Je reviens à votre question. Rappelons-nous qu’à l’époque, désormais révolue, où la communauté internationale prenait ses distances avec le Togo pour cause de «déficit démocratique» et tarissait les flux d’aide publique au développement, la France a fait le choix de maintenir sa coopération. La relation peut aujourd’hui être qualifiée d’harmonieuse. L’an passé, le Président Faure Gnassingbé a participé au Sommet Afrique-France de Nice ainsi qu’au défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées, aux côtés du Président Nicolas Sarkozy, célébrant le cinquantenaire des Indépendances africaines. Plus généralement, je résumerais en disant que le dialogue entre les deux Chefs d’Etat est naturel, franc et chaleureux. Et la France, premier bailleur bilatéral, demeure à tous égards un fidèle partenaire du Togo.
Savoir News: Quels sont les principaux axes de la coopération française au Togo ?
Nicolas Warnery: En réalité, la coopération française au Togo est multiforme. Parmi ses diverses composantes, et sans les hiérarchiser, j’évoquerais d’abord la coopération en matière de défense. Un nouvel accord instituant, en toute transparence, un partenariat de défense a en effet été négocié en 2009. Ratifié par nos Parlements respectifs en début d’année 2011, il est entré en vigueur le 1er septembre dernier. La mission de coopération de défense de l’Ambassade se consacre désormais à deux axes majeurs que sont la formation et l’appui aux structures de commandement.
Dans le cadre de la formation, un premier volet concrétise l’effort de la France porté sur la formation initiale des jeunes cadres notamment à l’école des officiers de Pya et surtout au sein de la seule école militaire africaine dédiée à la formation des médecins, l’ESSAL ou Ecole des Services de Santé des Armées de Lomé. Cette école nationale à vocation régionale forme actuellement 181 futurs médecins de 14 pays africains. Un second volet est axé sur la formation des contingents dans le cadre des opérations de maintien de la paix conduites par les Nations Unies, au sein du CEOMP de Lomé et en liaison étroite avec nos amis américains.
En ce qui concerne les appuis aux structures de commandement, la France porte son effort sur un sujet d’actualité : l’action de l’Etat en mer afin d’assurer la sécurité maritime par l’apport d’une expertise auprès des autorités navales. Des experts juridiques, financiers, logistiques et en ressources humaines permettent en outre aux Forces Armées Togolaises de se moderniser et d’acquérir des structures modernes et efficaces. Pour clore ce chapitre des questions de défense, je mentionnerais enfin les escales, régulières, de bâtiments de la Marine nationale française qui donnent lieu à des actions au profit des populations.
En matière de sécurité et de protection civile, la France, au travers de l’action de ses deux experts techniques police et ses deux coopérants gendarmerie, assure des formations dans tous les domaines liés au développement des capacités techniques des forces de sécurité du Togo (police, gendarmerie et sapeurs pompiers). Cela vise à la fois la police judiciaire sous toutes ses formes (délinquance générale, protection des mineurs ou lutte contre les trafics internationaux de stupéfiants), l’ordre public dans le respect du cadre démocratique (avec notamment la participation à la mise en place de la FOSEP 2010 et l’organisation d’un séminaire régional sur la sécurité des processus électoraux), la sûreté aéroportuaire et, pour ce qui est de la protection civile, les secours aux blessés dans le cadre des accidents de la circulation.
Ce sont, ainsi pas moins de 33 actions qui ont été menées depuis le début de cette année. Le service de sécurité intérieure de l’Ambassade cherche ainsi constamment à répondre aux sollicitations de notre partenaire togolais dans le but d’améliorer ses capacités locales et de le mettre en mesure d’être proactif et de répondre avec efficience aux problématiques de sécurité qui lui sont posées.
S’agissant de la coopération technique, je dirais la coopération plus « classique », le document cadre de partenariat (DCP) pour le Togo, renouvelé en septembre 2008 à l’occasion de la visite à Lomé de M. Alain Joyandet, alors Ministre de la coopération, organise la stratégie de concentration de notre coopération jusqu’à la fin de l’année 2012. Doté d’un montant total prévisionnel de 140,9 M €, son objectif est de lutter contre la pauvreté en soutenant les secteurs sociaux, en renforçant les mécanismes de gouvernance et les capacités institutionnelles du pays, en mettant l’accent sur les dispositifs de formation et en assurant la promotion de la diversité culturelle et de la francophonie.
Pour ce faire, avec deux opérateurs bien distincts, ont été retenus :
3 secteurs de concentration, relevant des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD); les actions de coopération conduites dans ces domaines sont mises en œuvre par l’Agence Française de Développement (AFD) et concernent l’éducation (appui à la scolarisation), les infrastructures urbaines (dragage de la lagune, collecte des déchets, finances municipales, modernisation des services) et la santé (centre national de transfusion sanguine, etc.).
4 objectifs transversaux prioritaires, mis en œuvre par le service de coopération et d’action culturelle (SCAC) de l’Ambassade: l’appui à la gouvernance (décentralisation, gouvernance financière, formation continue des fonctionnaires); la promotion d’un enseignement supérieur de qualité et accessible à tous; l’appui à la société civile et la coopération de proximité; la promotion de la diversité culturelle et de la francophonie.
Savoir News: Vous venez de mentionner l’Agence Française de Développement. Pourriez-vous préciser davantage quelques volets de ses interventions au Togo ?
Nicolas Warnery:
Naturellement. Une subvention de 6 millions d’Euros a été octroyée pour soutenir la formation professionnelle. Ce projet vise à adapter l’offre de formation professionnelle dans le cadre d’un partenariat public privé, associant l’Etat et les organisations professionnelles. Il soutiendra notamment la création, à Lomé, d’un Centre de Formation aux Métiers de l’Industrie (CFMI), dédié aux entreprises de la zone industrielle portuaire. Le Centre offrira des formations qualifiantes, initiales et continues, sur les métiers tels que mécaniciens, électromécaniciens, soudeurs et chaudronniers, frigoristes. Une convention d’aide budgétaire de 2 millions d’euros sera également signée avec les autorités togolaises d’ici à la fin de l’année 2011, dans le cadre des appuis budgétaires réguliers apportés par la France. Enfin je ne saurais oublier l’important programme « Education pour tous » dans la région des Savanes qui assure la formation de 5.000 enseignants et la construction de nombreuses écoles.Savoir News: Revenons, si vous le voulez bien, sur les actions du Service de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade. Pourriez-vous nous préciser les orientations générales de sa programmation?
Nicolas Warnery: Bien volontiers. Je retiendrais quatre secteurs principaux, tous d’égale importance :
1 – La gouvernance: au ministère de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, la France appuie la relance du processus de décentralisation à travers un projet multifacettes de 1,2 M € signé en septembre 2008, mis en œuvre par un expert technique international. La France participe en outre au renforcement de la direction générale du Trésor, dans le secteur-clé des finances publiques, à travers la mise à disposition d’un expert français. Un autre expert technique international travaille à l’ENA pour développer des actions de formation de haut niveau pour les fonctionnaires togolais.
2 – L’enseignement supérieur, qui reçoit l’appui d’un expert technique international et d’un volontaire de solidarité internationale, bénéficie d’une enveloppe d’environ 700.000 euros par an, dont la moitié est consacrée à des bourses pour les niveaux Master et Doctorat (thèses en cotutelle). Cet investissement humain et financier très important permet de travailler la main dans la main avec les Universités de Lomé et de Kara, où sont formés aujourd’hui environ 60.000 étudiants.
3 – La coopération de proximité : le Fonds social de développement (F.S.D) finance en moyenne une douzaine de projets de proximité par an (pour un montant cumulé de 650.000 euros). La lutte contre la traite des enfants fait l’objet d’un effort tout particulier (un volontaire international est affecté auprès d’un réseau de lutte contre la traite). Par ailleurs, le SCAC effectue un suivi très proche des nombreux projets de coopération entre les collectivités locales françaises et togolaises, grâce à un volontaire international placé auprès de l’Union des Communes du Togo).
4 – Culture et Francophonie. L’Institut Français du Togo (ex-Centre culturel français de Lomé, bien connu de tous) est le « navire amiral » de la présence culturelle française au Togo depuis les années 1960. Présentant une programmation de qualité, disposant d’une médiathèque très riche, en contact permanent avec la scène artistique locale, l’IFT suit au plus près l’évolution rapide de la société togolaise, et sa jeunesse tout particulièrement. Devant faire peau neuve en 2012 et 2013 à l’occasion de son déménagement sur l’ancien site de l’ORSTOM, il approfondira son identité de pont entre les artistes et les grandes institutions culturelles togolaises, françaises et internationales. La Francophonie fait aussi l’objet d’une politique très active (aide à la diffusion de TV5Monde; renforcement de la maîtrise du français à l’université, formation des journalistes).
Cette coopération est appelée à évoluer dans le temps en fonction de nouvelles priorités togolaises qui seront définies dans un dialogue permanent avec le gouvernement et la société civile du Togo.
Savoir News: Vous n’avez pas évoqué le Lycée français de Lomé.
Nicolas Warnery: J’allais le mentionner. Le Lycée français de Lomé symbolise une coopération de fait pour les nombreux élèves togolais qui y sont inscrits. Inauguré en 1974, cet établissement accueille désormais plus de 900 élèves, dont la moitié d’origine togolaise ou franco-togolaise. L’excellence des résultats aux diplômes du baccalauréat et du brevet des collèges, avec un taux de réussite de 95 % en juin dernier, témoigne de la qualité des enseignements délivrés et met l’élève dans les meilleures conditions pour la poursuite d’études universitaires.
Monsieur l’Ambassadeur, nous vous remercions pour cet état des lieux exhaustif et nous vous adressons nos vœux de succès et de réussite dans votre mission au Togo.
Junior AUREL
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