Poursuite des audiences à Atakpamé: La quasi-totalité des auditions de ce lundi consacrées aux violences électorales d’avril 2005, le Major Kouloun Bilizim rejette en bloc les accusations portées contre lui

Les audiences publiques et privées de la Commission Vérité , Justice et Réconciliation (CVJR) se sont poursuivies ce lundi au Centre St Bernard, à l’Evêché d’Atakpamé (environ 175 km au nord de Lomé), a constaté un envoyé spécial de l’Agence Savoir News.

La quasi-totalité des auditions de ce jour ont été consacrées aux violences électorales du scrutin présidentiel d’avril 2005. Une audience a porté sur l’élection présidentielle de 1998 et aux élections législatives partielles de 2002.

Au total 17 auditions ont été entendues par la CVJR dont 3 privées et 1 droit de réponse exercé par le Major Bilizim Kouloum, dont le nom a été souvent mentionné lors de plusieurs audiences. Ce dernier a rejeté en bloc, toutes les accusations d’exactions portées contre lui.

Adjafli Kossi, vivant à Kossi-Kiti, un des quartiers de la ville d’Atakpamé, garde toujours de tristes souvenirs lorsqu’il évoque des évènements de 2005, car selon lui, c’est en cette période que les milices du RPT ont tué son tuteur : « La séance s’est produite le 26 avril 2005, juste après la proclamation des résultats. Vers 17 H, on m’a informé que mon tuteur était mort. Arrivé sur les lieux, il gisait dans son sang, la tête fracassée. J’avais vu sur les lieux un groupe de jeunes du RPT, armés de fusils et de gourdins. Ils semaient la terreur dans le quartier. Non loin de notre maison, une autre personne avait été mise en pièces par ces jeunes et sa femme violée dans le corps. Mon frère a été également abattu, sa côte cassée et tailladé par des coups de machette ».

Kpékpédou Kossi et sa mère ont de leur côté, fait des déclarations qui ont ému le public. Kossi a affirmé que son papa, feu Kpékpédou Sessi a été à plusieurs reprises, persécuté, emprisonné et torturé par les gendarmes et militaires du régime en place.

« A chaque élection organisée dans ce pays, notre famille a toujours été victime d’exactions. En 1994, mon père a été arrêté à Notsè, tout simplement parce que dans son bagage, il y avait des journaux privés. Il a fait 6 mois de prison à Atakpamé. En 1998, après l’élection, les militaires sont venus pour l’arrêter. Il a dû fuir par la fenêtre, malgré des coups de fusils, pour le Ghana. En 2003, après les élections, la voiture de la gendarmerie est encore arrivée dans notre maison. Les gendarmes ont perquisitionné notre maison emportant nos biens. En 2005, dans le quartier Djamma, Kouloun est arrivé dans le bureau de vote. Il a ordonné aux jeunes de sortir. Il a dit que eux, ils détiennent des armes et qu’ils verront ceux qui resteront après les résultats », a-t-il raconté.

Gnagly Yao Dansomon, adjudant de la santé des FAT à la retraite n’a pu résister aux milices du RPT qui l’ont soupçonné d’appartenir à l’UFC. Selon lui, ils ont brûlé et pillé sa maison, même son stock de médicaments qu’il avait acheté avec un prêt à la banque, a été emporté.

« Le 30 avril, les jeunes milices du RPT ont franchi la porte de ma maison. Ils ont tout volé et brûlé certaines choses J’avais un stock de médicaments, ils l’ont aussi emporté. J’ai fui pour Ho (au Ghana), le préfet m’ayant conseillé de quitter, parce que j’étais recherché par des milices du RPT (…) Je ne pardonnerai jamais. Je dis jamais, Monseigneur », a-t-il insisté

Dans son droit de réponse, Major Kouloun Bilizim, cité par plusieurs personnes dans leurs témoignages, a rejeté en bloc, toutes les accusations portées contre lui.

Il a surtout mis l’accent sur des déclarations faites par un témoin qui l’avait accusé d’avoir torturé son père, Pasteur de l’Eglise pentecôtiste.

« Je tiens à dire qu’en 1978, je n’étais pas en poste à Amlamé et c’est en 1983 que j’ai pris fonction dans cette ville. Cependant, je me rappelle que j’étais en mission à Atakpamé lorsqu’on nous a fait savoir qu’il y avait certaines personnes qui pratiquaient des prières sectaires pour déranger les autres. Ainsi, 5 personnes tous des Kabyè ont été arrêtées. Et le pasteur n’étant pas présent, s’est ensuite présenté à la gendarmerie pour plaider la libération de ceux qui sont arrêtés. C’est ce que j’ai fait. Je ne sais pas là où j’ai torturé ce pasteur (…) », a-t-il déclaré.

Il a par ailleurs accusé des jeunes de l’opposition des exactions commises lors de la présidentielle d’avril 2005 à Atakpamé : «Ils ont pillé, brûlé des biens appartenant aux militants du RPT».

Selon lui, les jeunes de la coalition de l’opposition s’étaient organisés, « sous l’effet de la drogue »: « Ils ont tué certains membres du RPT et violé des femmes sympathisantes du RPT, originaires du nord ».

Major Kouloun Bilizim est même allé très loin, citant certains noms, qui selon lui, étaient des chefs de files des actes de violences et de pillages dans cette localité.

« Je ne connais rien des camions de la SOTOCO qui ont transporté des gens qui ont tué ou pillé. Je n’en sais rien (…) », a-t-il ajouté.

Mais la plupart de ceux que sont venus assister aux témoignages n’ont pas digéré les déclarations de Major Kouloun Bilizim.

Ce dernier a été à plusieurs reprises hué par le public venu nombreux vivre l’ambiance au Centre St Bernard, à l’Evêché.

Selon la CVJR , les relations des faits par les intervenants de ce lundi ont permis de confirmer que la présidentielle d’avril 2005 a été caractérisée par une exacerbation sans précédent des tensions entre les partis de tous bords.

« Malgré les mécanismes de concertation et de conciliation mis en place durant la période préélectorale, la proclamation des résultats a donné lieu à des mouvements de contestation qui se sont transformés en affrontements jamais observés jusqu’alors à Atakpamé. La liste de biens meubles et immeubles vandalisés, des nombreuses personnes blessées et mortes ou contraintes à s’exiler est bien connue. On ne peut que souhaiter, comme l’a répété, le président de la CVJR , que la ville d’Atakpamé retrouve la sérénité et l’apaisement des cœurs », souligne la CVJR.

A l’analyse des récits des faits survenus, il apparaît une fois encore, précise la Commission , que l’intolérance relative aux convictions politiques a nourri ici comme ailleurs, les affrontements entre partisans de bords politiques différents lors la présidentielle d’avril 2005. En outre, la Commission note que dans le déchaînement de violences qui a suivi la proclamation des résultats en avril 2005, les responsabilités semblent partagées entre les forces politiques en présence.

La CVJR « déplore vivement toutes ces formes de violences qui accompagnent chaque consultation électorale dans notre pays le Togo » et tient encore une fois à rappeler que « malgré nos différences, la finalité des audiences est d’aider à apaiser les cœurs et non de raviver les rancœurs ».

Les audiences prendront fin mardi à Atakpamé. Elles seront consacrées aux violences électorales de 2005 et à des dossiers sur requête.

D’Atakpamé, Nicolas KOFFIGAN

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