Violences en RDC : Kabila passe en force, son rival l’accuse de « coup d’Etat »

Des violences ont éclaté mardi à Kinshasa et dans plusieurs villes de la République démocratique du Congo, où l’opposant historique Étienne Tshisekedi a appelé à ne plus « reconnaître » le président Joseph Kabila, qu’il accuse de « coup d’État ».

Le nouveau Premier ministre, Samy Badibanga, qui a pris ses fonctions dans l’après-midi, a lancé à l’adresse de la population « un appel au calme » et exhorté les forces de l’ordre à la « retenue ».

La date du 20 décembre 2016 hante la vie politique congolaise depuis des mois.Elle marque la fin du mandat de M. Kabila, à qui la Constitution interdit de se représenter.

Mais la présidentielle devant désigner son successeur n’a pas été organisée et M. Kabila, 45 ans et au pouvoir depuis 2001, compte se maintenir en poste jusqu’à une passation de pouvoir avec un président élu.

Comme lundi, la plupart des 10 millions d’habitants de Kinshasa sont restés chez eux.Des groupes de jeunes ont brûlé des pneus ou monté des barricades dans plusieurs quartiers de la capitale, où policiers et militaires sont déployés en très grand nombre, comme dans toutes les grandes villes du pays.

Peu après minuit, des coups de feu avaient été entendus dans plusieurs quartiers de Kinshasa pour faire taire des concerts populaires de sifflets et casseroles en signe de protestation contre le pouvoir.

La Mission de l’ONU au Congo (Monusco) a indiqué à l’AFP enquêter sur des informations crédibles faisant état d’une vingtaine de tués dans la capitale.

Plusieurs habitants ont fait état de morts en divers endroits du pays, ce qui n’a pu être vérifié.

La Monusco s’est également inquiétée d’une « vague d’arrestations » ayant touché 113 personnes depuis le 16 décembre.
La France a appelé les autorités congolaises « à agir dans le respect des droits de l’Homme ».

– ’Quel avenir ?’ –

Dans la matinée, des affrontements, notamment des tirs, ont été rapportés dans plusieurs quartiers, mais un retour au calme se dessinait en fin d’après-midi.

La quasi-totalité des quelque 70 millions d’habitants de la RDC (dont deux tiers de moins de 25 ans) se débat dans la misère. Les jeunes « souffrent beaucoup trop.Quel avenir va-t-on leur donner ? » s’est demandé Thérèse, une grand-mère de Kinshasa compatissant au désespoir de cette génération.

A Lubumbashi (sud-est), deuxième ville du pays, des affrontements ont éclaté dans la matinée entre policiers armés et manifestants dans un quartier sud.

Lubumbashi est le fief de l’opposant en exil Moïse Katumbi, candidat déclaré à la présidence.

A Manono (480 km au nord de Lubumbashi), six personnes ont été tuées et 125 blessées dans un affrontement entre Pygmées et Bantous, récurrents dans cette zone, selon des sources concordantes.

Kananga, où des combats entre l’armée et une milice ont fait une centaine de morts en septembre, a été marquée par des scènes de panique en raison d’affrontements entre des protagonistes non identifiés.

A Kisangani, grande ville du nord-est, la situation a été calme et la vie a suivi un cours à peu près normal, comme à Bukavu (est), selon les correspondants locaux de l’AFP.

Ravagée par deux guerres entre 1996 et 2003, la RDC – dont la partie est reste déchirée par la violence de nombreux conflits armés- est minée par une crise politique depuis la réélection contestée de M. Kabila en 2011.

– Négociations incertaines –

Dans une vidéo sur YouTube – invisible en RDC où le contenu des réseaux sociaux est filtré depuis dimanche soir – la figure historique de l’opposition Etienne Tshisekedi a appelé à « ne plus reconnaître l’autorité » de M. Kabila.

Affaibli, l’opposant de 84 ans, a exhorté les Congolais à « résister pacifiquement au coup d’État » accompli selon lui « avec la bénédiction de la Cour constitutionnelle », qui a rendu en mai un arrêt autorisant M. Kabila à rester en fonctions au-delà du terme de son mandat.

André-Alain Atundu, porte-parole de la Majorité présidentielle a dénoncé « une déclaration d’une confusion totale », et appelé au respect de la décision de la Cour.

Figure tutélaire de la coalition du « Rassemblement » contre M. Kabila, M. Tshisekedi a approuvé la poursuite des négociations politiques de sortie de crise organisées par les évêques catholiques (Cenco).Suspendus samedi, ces pourparlers étaient censés reprendre mercredi.

Leur avenir apparaît cependant incertain après l’annonce lundi soir du gouvernement de M. Badibanga, transfuge du parti de M. Tshisekedi.

Le nouveau cabinet découle d’un accord conclu en octobre entre la majorité et une frange minoritaire de l’opposition et renvoyant la présidentielle au plus tôt en avril 2018.

Le Rassemblement demande l’instauration d’une transition politique, et exige la tenue de la présidentielle en 2017 et la garantie que M. Kabila ne cherchera pas à se représenter.

Porte-parole des évêques, l’abbé Donatien Nshole a déclaré qu’il est « urgent de conclure l’accord dans le cadre des négociations en cours ».

SOURCE : AFP