Isaac Tchiakpè, 1er Porte-Parole de l’UFC : Interview exclusive

Isaac Tchiakpè, 1er Porte-Parole de l’UFC

Fortement minée par une crise, l’Union des Forces de Changement (UFC, principal parti de l’opposition togolaise avec 7 députés à l’Assemblée nationale) a finalement tenu son congrès samedi 12 août à Lomé, avec la reconduction de Gilchrist Olympio à la tête du parti.

Ce congrès intervient après celui organisé depuis 13 ans. Dans une interview exclusive, Isaac Tchiakpè, 1er Porte-Parole de l’UFC revient largement sur cette crise et le congrès du 12 août.

« Le Bureau directeur en majorité, conformément aux dispositions statutaires, a décidé de la tenue du Congrès. La majorité a tranché ; Voilà ! « , a martelé M.Tchiakpè.

Savoir News : M.Tchiakpè, la crise est totalement derrière vous ?

En effet, je considère que la tenue de l’assise du 12 août 2023, qui est un congrès statutaire, règle définitivement la crise dont il faut préciser les contours : nous avions un problème latent à l’UFC que je qualifierai, grosso modo, de crise institutionnelle. Cette crise se caractérisait d’abord par un blocage institutionnel, c’est-à-dire que depuis le Congrès extraordinaire du 12 août 2010, l’Union des Forces de Changement (UFC), n’avait pas organisé de Congrès, ni de Conseil national conformément à ses Statuts qui disposent que le « Congrès National se réunit en assemblée ordinaire tous les 3 ans » (article 16), et le Conseil National se réunit au moins une fois l’an (Article 18). 

En outre, le Bureau directeur, organe qui assure la direction nationale du parti est statutairement composé de 31 membres (Article 19), mais était réduit à 13 membres suite à des décès, des démissions et des exclusions. 

Sans compter que les mandats des membres d’un organe dirigeant qui doivent se renouveler tous les 3 ans n’ont plus de validité dès lors que ceux-ci n’ont pas été reconduits par l’Assemblée qui les a élus, à savoir le Congrès.

On constatait aussi des nominations et des décisions qui ne reposaient sur aucune disposition statutaire (nomination par exemple de secrétaire général par intérim …).

En conclusion partielle, on constatait un non -respect des dispositions statutaires, le non renouvellement des instances, l’absence de réunions telles que prévues par les Statuts (Congrès, Conseil national, Bureau Directeur dans leur composition régulière).

J’ajoute que cette crise était aggravée par l’interprétation faite par l’ancien deuxième vice-président de la question de l’absence ou empêchement du président national. Il estimait notamment sur la base de l’article 22 de nos statuts, qu’en l’absence du territoire national du président de notre Parti, il lui revenait d’assumer toutes les prérogatives liées à la fonction du président.

Il faut dire que l’absence ou l’empêchement tel qu’indiqué à l’article 22 des Statuts du parti ne peut être compris comme une absence du territoire national, mais constitue bel et bien un fait juridique défini dans l’article 20 du Code des personnes et de la famille du Togo (2021), notamment : « l’absent est la personne dont le manque de nouvelles rend l’existence incertaine ».

En conséquence, l’absence du président de l’UFC du territoire national ne signifie nullement une absence au sens de l’article 20 du Code des personnes et de la famille et tel que le disposent les articles 21 et 22 des Statuts de notre parti. Le président national, Gilchrist Olympio demeure le seul représentant légal de l’UFC et nul vice-président ne peut se prévaloir d’exercer tout ou partie de ses prérogatives.

En conclusion de cette interrogation, je dirai que l’UFC se porte désormais bien sur le plan institutionnel.

Le Congrès statutaire du 12 août 2023 a réuni la quasi-totalité des membres du parti ayant voix délibérative. Les congressistes ont travaillé, débattu et délibéré. Je rappelle que cette assise était une demande pressante des militants. Il était temps que nous nous réunissions pour faire un retour des expériences du parti depuis le dernier congrès extraordinaire du 12 août 2010. Je vous prie de m’excuser pour la prolixité, c’était utile pour faire œuvre pédagogique.

Mais vos collègues de l’autre camp conduit par M.Ohin, n’étaient pas présents au congrès. Comment expliquez-vous cela ?

Je n’ai pas connaissance des raisons pour lesquelles notre camarade n’a pas daigné venir au Congrès statutaire. Mais, il demeure un membre de l’UFC, voire éminent et, peut à ce titre conseiller et donner ses avis sur la bonne marche du parti dans le cadre institutionnel défini par le Congrès statutaire du 12 août 2023.

Au demeurant, j’estime qu’Il n’y a pas d’autre camp. Comme dans tout parti où se manifestent des jeux de pouvoir qui auraient pu se faire en interne, il y a eu des débats vifs, médiatisés malhabilement. Mais ce qu’on retient, c’est l’arbitrage du Président national qui a consisté à faire en sorte qu’il y ait un bon exercice du jeu démocratique. Conformément à nos statuts, l’élection est le mode de désignation des dirigeants de l’UFC.  De manière explicite, les Statuts disposent (article 17, alinéa 4) « qu’il est procédé à une élection pour la désignation des membres devant composer le Bureau directeur, le président et les membres du comité des Sages ».

En accord avec le Président national, et conformément à l’article 19 des statuts du parti qui dispose clairement en son dernier alinéa que « le Bureau Directeur convoque le Conseil national et le Congrès statutaire aux époques prévues », nous nous sommes réunis en congrès statutaire.

Le bureau du Congrès a constaté que le quorum était atteint, notamment les 2/3 des membres ayant voix délibérative étant présents. Dès lors, le Congrès statutaire est régulièrement constitué et a valablement délibéré.

J’ajoute que des membres du Bureau directeur résiduel, seul un camarade n’a pas approuvé l’organisation du Congrès. Nous avions entamé un long et laborieux processus de discussions pour aboutir à un consensus tel que le préconise, du reste, nos textes. En vain ! Le Bureau directeur en majorité, conformément aux dispositions statuaires, a décidé de la tenue du Congrès. La majorité a tranché ; Voilà !

Nous étions au congrès et nous avons suivi un peu le déroulement des activités. D’aucuns estiment que M. Olympio a sciemment laissé la crise perdurer, parce qu’il avait déjà choisi déjà son camp. Qu’en dites-vous ?

Non ! M.Olympio, en démocrate qu’il est, ne voulait pas paraître comme celui qui coopte un homme contre l’avis de la quasi-majorité des membres de l’UFC. Il a pris le temps de consulter, d’entendre toutes les sensibilités et, in fine, il a laissé le choix à tous ceux qui ont voix délibérative au sein du parti de décider du choix des cadres qui dirigeront le parti dans les années à venir, car les défis de la refondation et de la modernisation sont grands et les enjeux en valaient la peine. 

Dans vos interventions, vous avez mis l’accent sur « l’institutionnalisation du parti ». Que voulez-vous dire ?

L’institutionnalisation, de manière formelle, est un processus par lequel le pouvoir est dissocié des individus qui l’exercent et incorporé dans une institution.

Cette institutionnalisation consiste en un changement de nature de l’organisation du parti, qui passe d’un stade où les rapports personnels prévalent à un autre où les structures sont formalisées et où le fonctionnement du parti est régi par des procédures précises. L’institutionnalisation n’est que la consolidation de l’organisation partisane.

Plus l’institutionnalisation est faible, plus la personnalisation de la direction est forte. Lorsque le leader est charismatique, l’institutionnalisation est absente.

Quand ce n’est pas le cas, l’institutionnalisation est forte. Dans ce type d’organisation, l’importance des liens personnels jouaient un rôle prédominant. Mais, les partis, une fois institutionnalisés, sont en quelque sorte “en orbite” pour toujours.

En effet, comme les êtres humains ne sont pas éternels, les personnalités de haut relief ne peuvent avoir qu’un rôle temporaire sur les partis qu’ils créent.

Nous avons tiré leçons de nos difficultés et de ce qui s’est passé dans d’autres partis, pour ne pas citer le CAR.

L’UFC prendra part aux prochaines élections législatives et régionales. Aujourd’hui, l’ancienne force politique de l’opposition est affaiblie. Quelles stratégies adoptées pour redonner à cette formation politique son poids d’antan ?

Absolument, car nous avons des députés à l’Assemblée nationale qui vont défendre leur bilan et solliciter à nouveau la confiance des électeurs de leurs circonscriptions. En outre, l’UFC ambitionne d’être la première force politique au parlement. N’oubliez pas la légitimité historique qui est la nôtre ainsi que l’ancrage national de l’UFC. Du reste, nous avons un vrai bilan à défendre. Je l’affirme, nos revers ou la crise de maturité que nous avons traversé n’invalide pas notre projet politique, économique et social

Quel appel avez-vous à l’endroit de vos militants ?

Je voudrais partager avec eux et nos compatriotes la foi et l’optimisme qui m’animent en toutes circonstances et que je résume dans cette formule : « si l’espérance est forte, nous voilà capable d’appréhender les difficultés de la vie ».

Dans un contexte de polarisation et d’incertitude, l’UFC doit recréer l’espérance. D’abord dans nos rangs : tout militant doit être assuré que notre famille politique est la seule force politique alternative, car nous sommes les aînés de la scène politique togolaise, donc tenus à un devoir d’exemplarité, mais aussi parce que notre ligne politique nous incline à des compromis en étant exigeant sur l’intérêt général, mais bienveillant à l’égard de ceux qui ne partagent pas nos opinions et choix.

Recréer l’espérance, c’est aussi communiquer et exposer notre vision du Togo nouveau et le projet que nous portons, à savoir, l’attention aux sorts des défavorisés, agir pour plus de justice sociale et œuvrer pour une société démocratique et tolérante.

Je les encourage à faire le pari du meilleur et du bien pour notre pays en ne cédant pas à la sinistrose et au fiel des déclinologues. FIN

Propos recueillis par Junior AUREL