Putsch manqué: Le Burkina s’en remet à la Côte d’Ivoire pour poursuivre Guillaume Soro

La justice du Burkina Faso a renoncé lundi à son mandat d’arrêt contre le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, pour son implication présumée dans le coup d’Etat manqué de septembre 2015, s’en remettant à Abidjan pour le poursuivre.

Il s’agit d’un nouvel épisode dans ce dossier qui empoisonne les relations déjà tendues entre les diplomaties ivoirienne et burkinabè depuis des mois, Ouagadougou reprochant notamment à Abidjan d’avoir accueilli l’ex-président burkinabè Blaise Compaoré, chassé par la rue en 2014 après 27 ans au pouvoir, et de lui avoir accordé la nationalité ivoirienne.

Blaise Compaoré était un des plus fidèles soutiens d’Alassane Ouattara, l’actuel président ivoirien, lorsqu’il était chef de file de l’opposition lors de la longue crise ivoirienne (2002-2010), pendant laquelle Guillaume Soro était chef de la rébellion.

La justice militaire burkinabè avait émis le 8 janvier un mandat d’arrêt contre Guillaume Soro pour son implication présumée dans le coup d’Etat manqué contre le gouvernement de transition burkinabè en septembre 2015.

La justice enquêtait sur l’enregistrement d’une conversation téléphonique supposée entre Djibrill Bassolé, ex-ministre des Affaires étrangères du Burkina, et Guillaume Soro, dans laquelle les deux interlocuteurs parlaient du putsch en cours.

Djibrill Bassolé, homme clé du régime Compaoré, et Guillaume Soro ont tous les deux nié avoir eu cette conversation, dénonçant une « manipulation ».

Fin avril, la Cour de cassation avait annulé tous les mandats internationaux émis par les juges militaires dans le cadre de l’instruction sur ce putsch manqué, y compris celui contre Soro, pour « vice de forme ».

Le parquet militaire avait immédiatement annoncé qu’il allait « purger » les vices du dossier et relancer les mandats. Bien que « neuf mandats d’arrêt » aient été « purgés » et « transmis au ministère des Affaires étrangères », le parquet a finalement opté pour une autre procédure, dite de « dénonciation » des faits auprès de la justice ivoirienne, a expliqué le commissaire du gouvernement (procureur militaire), le commandant Alioune Zanré, lors d’une conférence de presse lundi.

Selon lui, le Burkina Faso rencontrait des difficultés pour faire appliquer le mandat d’arrêt contre l’ex-chef de la rébellion ivoirienne à cause du « principe selon lequel aucun Etat n’extrade son national (son ressortissant, ndlr) ».

– ‘Changer notre fusil d’épaule’ –

En outre, selon les « conventions multilatérales et bilatérales qui lient le Burkina aux autres organisations et pays (…) l’extradition n’est pas possible en matière d’infraction politique » et « en matière d’infractions militaires », a indiqué M. Zanré.

Par ailleurs, Interpol a fait savoir « qu’il n’exécute pas les mandats concernant les infractions politiques ou de juridictions d’exception comme un tribunal militaire », a-t-il précisé.

« Face à ces obstacles, que pouvons-nous faire, si ce n’est changer notre fusil d’épaule? », a-t-il lâché.

Aucune réaction officielle n’était disponible dans l’immédiat.

De source proche de Guillaume Soro, on indiquait « étudier » la procédure.
Au total, 75 personnes ont été inculpées pour leur implication présumée dans le putsch pour les faits d' »attentat, de meurtre, de complicité de meurtre, d’association de malfaiteurs, de trahison, de révolte, d’enlèvement et séquestration, de crime contre l’humanité » ou de complicité de ces infractions. Cinquante ont été écrouées.

Refusant d’évoquer une date de procès, M. Zanré a affirmé que tous les prévenus ont été entendus à l’exception de neuf personnes recherchées et qu’il reste des confrontations à faire et des précisions à demander.

Le 16 septembre 2015, des militaires de l’ex-régiment de sécurité présidentielle, l’ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré, avaient fait irruption au conseil des ministres, prenant en otage le président Michel Kafando et tous les membres du gouvernement, avant de proclamer le lendemain un coup d’Etat. Le putsch avait échoué à la suite d’une mobilisation populaire soutenue par une partie de l’armée fidèle aux institutions républicaines.

Le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré avait promis de régler le dossier Soro par la « voie diplomatique ».

Depuis, trois magistrats, deux juges d’instructions et l’ex-commissaire du gouvernement ont été mutés, provoquant la colère de tous les syndicats du ministère de la justice.

SOURCE : AFP