Présidentielle au Gabon: Suspense et inquiétude

Le Gabon s’est réveillé mercredi sans connaître le nom de son président après une vaine nuit de réunion à la commission électorale qui n’a pas départagé le chef de l’Etat sortant, Ali Bongo Ondimba, et son rival, Jean Ping.

« Pourquoi s’amuse-t-on à se faire peur ? Il faut qu’on en finisse avec le suspense », enjoint mercredi le journal national l’Union, proche du pouvoir. Le quotidien reproduit en une l’appel à la retenue lancé la veille par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, à MM. Bongo et Ping, qui revendiquent tous deux la victoire.

Redoutant des troubles, les Gabonais vivent au ralenti dans l’attente de la proclamation du résultat final par le ministre de l’Intérieur, prévue à l’issue d’une réunion plénière de la commission électorale nationale (Cénap) en présence des délégués de MM. Ping et Bongo.

Dans le centre de Libreville, le dispositif policier et militaire reste important, malgré une levée des barrages autour du siège de la présidence sur le front de mer, a constaté une journaliste de l’AFP.

Les habitants sortent timidement, à pied le plus souvent, faute de taxis habituellement très nombreux. Les commerces ouvrent leur rideau sans exclure de finir la journée plus tôt que prévu, comme la veille.

Habitués à la paix civile, les Gabonais se souviennent des troubles post-électoraux de 2009 dans la capitale économique Port-Gentil (morts, pillages, consulat de France incendié…).

Les délégués de MM. Bongo et Ping ont veillé toute la nuit au siège de la commission électorale, qui centralise les procès-verbaux d’une élection à un tour avec un peu plus de 628.000 inscrits.

Mais l’assemblée plénière de tous les dangers a-t-elle vraiment commencé ? La télévision publique proche du pouvoir l’a annoncé au milieu de la nuit, une information démentie par l’opposition jusqu’au matin.

– La province en question –

De source concordante, les débats butent sur les résultats dans la province du Haut-Ogooué, le fief d’Ali Bongo et de son père et prédécesseur Omar Bongo, au pouvoir pendant 41 ans jusqu’à sa mort en 2009.

L’opposition soupçonne le pouvoir de vouloir gonfler les chiffres de la participation électorale en faveur d’Ali Bongo dans cette province qui compte 71.123 électeurs inscrits.

« Pour gagner, Ali Bongo devrait obtenir plus de 60.000 voix dans le Haut-Ogooué, avec un taux de participation dépassant les 90% », a avancé dès mardi soir le directeur de campagne de M. Ping, Jean-Gaspard Ntoutoume Ayi.

Deux observateurs de l’Union européenne étaient présents mercredi matin à la commission électorale.

Mardi, M. Ping, 73 ans, a répété qu’il se considérait vainqueur de cette élection. L’entourage du président Bongo évoque également depuis samedi une « avance » qui lui garantirait la victoire.

Malgré l’appel du secrétaire des Nations unies, les invectives n’ont pas cessé mardi.

Le porte-parole du gouvernement, Alain-Claude Bilie-By-Nze, a dénoncé « des ingérences multiples » au bénéfice de M. Ping, visant la France et un présumé proche du président ivoirien Alassane Ouattara, qui a été congédié par le pouvoir à Abidjan.

Ex-baron du régime du président Omar Bongo, opposant tardif après l’élection de son fils Ali en 2009, Jean Ping, 73 ans, prétend renverser la famille au pouvoir depuis 1967.

Ses électeurs énumèrent des doléances sans fin dans ce petit pays pétrolier de 1,8 million d’habitants frappé par la chute des cours du baril: « La victoire, ce n’est pas pour Ping, c’est pour le peuple. En février, je pars à la retraite, j’aurai quoi? Le salaire de base, c’est 80.000 FCFA (120 euros) », déplore Germaine Menga, 55 ans, agent d’accueil à l’hôpital, devant le siège de l’opposant.

« Nous sommes fatigués qu’on nous vole chaque fois la victoire », prévient-elle, un discours récurrent chez tous les électeurs de M. Ping.
Ali Bongo, 57 ans, a défendu son bilan avec des « investissements sans précédent » et la diversification de l’économie, en promettant « l’égalité des chances » et de faire mieux pour le logement.

Passionnant l’Afrique francophone, l’élection au Gabon intéresse évidemment la France, l’ex-puissance coloniale qui compte au moins 10.000 ressortissants sur place.

M. Ping a été reçu à sa demande à l’ambassade de France dimanche. Objectif de cette démarche: « éviter le passage en force d’Ali Bongo », selon son entourage.

SOURCE : AFP