Premier jour des audiences à Sokodé: La CVJR a écouté 9 témoins et victimes

La Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) a écouté pour cette première journée des auditions à Sokodé (environ 375 km au nord de Lomé), 9 témoins et victimes, a constaté un envoyé spécial de l’Agence Savoir News. Parmi le groupe figure une audition privée.

Les audiences de ce jeudi ont porté sur les évènements liés aux troubles sociopolitiques de 1991 marqués par des violences intercommunautaires dans la région des Plateaux, notamment dans les localités de Bodjé, Médjé, Gamé-Akposso, Kpalimé, Adéta et Badou et qui ont abouti à des déplacements massifs de populations.

Abozi Batoma Kodjo, 43 ans n’a pas pu se retenir lorsqu’il relatait les exactions subies ainsi que sa famille, dans les années 1990 dans la préfecture d’Amlamé. Il a perdu non seulement tous ses biens, mais également son enfant décédé dans la brousse.

« Je vivais à Amlamé, au moment des troubles. Un groupe de jeunes étaient venus nous menacer, nous les Kabyes. Ils m’ont frappé et détruit tous nos biens. J’étais obligé de fuir avec ma femme et un bébé de trois jours. Malheureusement, le bébé est décédé en cours de route », a raconté Abozi Batoma Kodjo.

Pitinate Kiffema, a pour sa part, assisté à des actes de violences et de destructions des biens des kabyes : « La scène s’est déroulée dans le village de Natchaba, dans la préfecture de Wawa. Des maisons ont été brûlées, alors que des enfants étaient à l’intérieur. J’ai dû liquider mes biens pour regagner Sotouboua ».

Pour Ali Abalo, une autre victime, sa famille a dû quitter Akparé, un village situé dans la préfecture de l’Ogou, suite à des actes de violences.

« Mon père a été blessé, nos chèvres et moutons ont été volés. Après la mort de mon papa, ma mère est devenue folle », a-t-il précisé.

Selon la CVJR, il apparaît, à la lumière des différents témoignages, que les conflits intercommunautaires qui ont déchiré la cohésion nationale en 1991 et 1992, obéissent à la conjonction de diverses causes liées à l’histoire du peuplement, au contentieux foncier et au contexte sociopolitique explosif de l’amorce du processus démocratique dans notre pays dans ces années-là.

« L’exacerbation des motivations ethniques, instrumentalisée par la propagande partisane des chapelles politiques de tous bords a alors fonctionné comme un détonateur qui a soulevé des Togolais contre d’autres Togolais, dans des conflits au dénouement parfois tragique, marqués par des actes de violences et de violations des droits de l’homme notamment dans la région des Plateaux », souligne la CVJR dans un communiqué rendu public.

La CVJR, « fidèle à sa mission, appelle les victimes à ne pas cultiver l’idée de la vengeance et rappelle que c’est à l’aune des différentes informations fournies par les différents intervenants au cours des audiences (publiques, in camera et privées) ainsi que des rapports de ses investigations, qu’elle fera ses recommandations finales à l’attention du peuple togolais dans le sens de l’apaisement ».

Les audiences se poursuivent vendredi à l’hôtel central de Sokodé et seront consacrée à divers événements liés aux troubles sociopolitiques des années 90, notamment les abus d’autorité, les affrontements entre militants de partis politiques, les exactions des éléments des Forces armées togolaises et des agressions physiques ayant entraîné des pertes en vies humaines.

Rappelons que les audiences de la CVJR sont consacrées à la recherche de la vérité sur les violences électorales et autres violations des droits de l’homme qui sont survenues dans notre pays entre 1958 et 2005 dans le cadre des séances publiques, à huis clos et privées qui donnent la parole aux victimes, témoins et aux auteurs présumés.

De Sokodé, Nicolas KOFFIGAN

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