Mme Sophie Ekoué: « La femme est la ceinture qui tient le pantalon de l’homme »

Le monde entier célèbre ce 8 mars, la journée internationale des droits des femmes. C’est un jour où les femmes sont reconnues pour leurs réalisations, sans égard aux divisions, qu’elles soient nationales, ethniques, linguistiques, culturelles, économiques ou politiques. C’est une occasion de faire le point sur les luttes et les réalisations passées, et surtout, de préparer l’avenir et les opportunités qui attendent les futures générations de femmes.

Thème retenu cette année : « Les femmes dans un monde du travail en évolution : pour un monde 50-50 en 2030 ».

La célébration organisée par les Nations Unies, rappelle à tous les acteurs de franchir le pas pour l’égalité entre les sexes pour un monde 50-50 d’ici 2030, en faisant en sorte que le monde du travail accueille toutes les femmes.

L’Agence Savoir News a approché Mme Sophie Ekoué (togolaise), journaliste culturelle à RFI et productrice-animatrice des émissions La Case du cœur, Cahiers nomades et Littérature sans frontières.

Savoir News : La Journée internationale des droits des femmes est célébrée ce 8 mars. Pour vous, que représente cette journée ?

Sophie Ekoué : Normalement tous les jours de l’année sont des journées pour la femme. C’est un peu étrange qu’on célèbre juste une pour la femme. Bien vrai, c’est une journée où il y a plus d’attention tournée vers les problèmes de la femme, on met l’accent sur les problématiques concernant les femmes, tout ce qui va dans le sens du progrès de la femme, la parité, tous les combats que mènent les femmes dans le monde ou qu’on mène pour les femmes dans le monde etc…

Mais en réalité, on devrait célébrer la femme tous les jours, parce que « la femme est la ceinture qui tient le pantalon de l’homme » (proverbe touareg). Nous savons que sans la ceinture, le pantalon ne tient pas.

Quel regard portez-vous sur la femme togolaise ?

Moi j’ai grandi avec l’idée de cette femme forte, de cette femme indépendante, cette femme économiquement indépendante, mais en même temps cette femme qui n’a pas peur d’être elle-même dans la société, d’avoir la parole dans la famille, d’avoir un rôle à jouer dans la famille… Moi j’ai vu mes grand-mères, j’ai vu ma mère. Ma mère a été chef de famille. Elle était veuve à l’âge de quarante sept ans, elle a élevé six enfants. Elle a souvent dit : »j’étais à la fois un homme et une femme. Et personne ne pouvait remettre en cause ma parole de femme puisque j’avais cette force, j’avais cette autorité de fait… ».

Et çà, je le vois souvent chez les femmes togolaises. J’ai l’habitude de voyager, et quand je reviens au Togo, je vois que la femme a droit à la parole, on l’écoute, elle compte dans la société. Ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays que j’ai visités.

Les femmes représentent plus de 52% de la population, mais elles sont presqu’invisibles dans le gouvernement, à l’Assemblée nationale, dans les partis politiques… comment expliquez-vous ce fait ?

C’est vrai que les femmes représentent plus de 52% de la population et on aimerait qu’elles utilisent 52% des pouvoir dans la société, mais elles ont un pouvoir réel. C’est que les hommes ne leur laissent pas cette place. Mais elles l’occupent en réalité, parce que dans les maisons, ce sont les femmes qui décident de l’éducation des enfants, ce sont les femmes qui décident souvent des budgets etc…

Les hommes donnent l’impression que c’est eux qui dirigent. On finira par les supplanter un jour, mais il faut être patient et rusé. Il y a quelques années par exemple au Togo, il n’y avait pratiquement pas de femmes à l’Assemblée nationale.

Aujourd’hui, il y a des femmes députés, des femmes au gouvernement, nous avons des femmes chercheurs, bref des femmes dans tous les corps de métiers. On a l’impression que les choses ne vont pas vite, mais les choses avancent inexorablement.

Vous vivez en France depuis des années. La femme française peine aussi à émerger?

Ce n’est pas le même problème, ce n’est pas la même réalité. Il y a quand même des combats qui ont déjà été menés et gagnés… On ne pose plus la question de savoir si la femme doit travailler ou pas. Mais il y a d’autres combats. Par exemple l’homme est toujours payé un peu mieux que la femme. Donc ce combat demeure. C’est vrai que les femmes ne peinent pas à émerger comme chez nous, mais elles ont encore des combats, des combats de parité, des combats d’égalité de salaire….

L’autre chose, c’est la perception qu’on a de la femme dans la société. En Europe par exemple, quand une femme réussit, on dit qu’elle est courageuse. Ici, on dit souvent qu’elle est opportuniste, qu’elle n’a pas de mari, qu’elle est célibataire, etc…

Qu’est-ce que les femmes peuvent faire pour dépasser cette situation ?

Les problèmes existent aussi en Europe. Car, c’est aussi rare de trouver des femmes, patronnes de grandes sociétés, des femmes dirigeantes… Ce sont des cercles de pouvoirs que les hommes ne veulent pas céder.

Mais plus les femmes sont nombreuses dans les conseils d’administration des grandes sociétés, plus elles y arriveront. Comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est par la ruse, qu’on y arrivera, parce que les femmes sont qualifiées, elles ont aussi de très grands diplômes. Simplement on ne leur fait pas confiance. La femme est toujours assimilée au sexe faible.

A compétences égales, que diriez-vous s’il vous était demandé de comparer les deux en matière de gestion ?

Je peux dire que les femmes ont naturellement l’instinct de la gestion. Donnez deux euros à une femme, elle va les faire fructifier alors que l’homme pensera d’abord à ce qu’il va y gagner. On a une gestion naturelle, on a l’instinct de la gestion.

La semaine dernière, nous avons traversé tout le Togo, lors de la « caravane littéraire ».

Nous avons vu des femmes sur les routes, des femmes avec leurs marchandises sur la tête, des femmes qui se lèvent tôt et se couchent tard. Quand les conditions des femmes seront améliorées, je crois que la question « La femme est-elle l’égale de l’homme », ne se posera plus. FIN

Propos recueillis par Ambroisine MEMEDE

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