L’ex-Première dame ivoirienne Simone Gbagbo comparaît pour crimes contre l’humanité

Le procès pour « crimes contre l’humanité » de Simone Gbagbo, l’ex-Première dame de Côte d’Ivoire, s’est ouvert mardi à Abidjan, en l’absence des organisations de défense des droits de l’Homme qui dénoncent leur marginalisation dans la procédure.

Mme Gbagbo, 66 ans, comparaît pour « crimes contre l’humanité », « crimes contre les prisonniers de guerre » et « crimes contre les populations civiles », commis lors de la crise postélectorale de 2010-2011, qui a fait plus de 3.000 morts en cinq mois.

En tunique rose et blanche élégante et longs cheveux tressés, Mme Gbagbo arborait un grand sourire à son arrivée à la cour d’assises.

Mardi après-midi, les débats n’avaient pas débuté sur le fond, mais portaient depuis plusieurs heures sur la compétence même du tribunal, a constaté un journaliste de l’AFP.

Les avocats de la défense affirment que les chefs d’accusations de « crime contre l’humanité » et « crime de guerre » ne figurant dans le code pénal ivoirien que depuis mars 2015, Mme Gbagbo ne peut être poursuivie selon ces chefs d’accusation pour des faits datant de 2011.

Plus tôt à la mi-journée, une trentaine de militants pro-Gbagbo s’étaient rassemblés devant le palais de justice pour manifester leur soutien à l’épouse de Laurent Gbagbo, qui comparaît lui-même depuis le début de l’année devant la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye.

Ce nouveau procès devrait durer un mois, et verra la participation « de 25 témoins de l’accusation ». Simone Gbagbo est actuellement incarcérée à Abidjan où elle purge une première peine de 20 ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’Etat », prononcée l’an dernier.

La Fédération internationale des droits de l’Homme, la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (LIDHO) et le Mouvement ivoirien des droits de l’Homme, qui disent représenter « près de 250 victimes », ont annoncé lundi leur décision de « se tenir à l’écart » du procès, affirmant n’avoir « pas eu accès à toutes les étapes de la procédure » « Cela ne servira à rien d’aller faire de la figuration », a déclaré à l’AFP Pierre Kouamé Adjoumani, président de la LIDHO.

– ‘Moment charnière pour la justice’ –

Human Rights Watch a de son côté évoqué « un moment charnière pour la justice » si les « victimes » ont droit à un procès « crédible, équitable et suivi par d’autres procès visant les auteurs de violations des droits humains des deux parties de la crise postélectorale de 2010-2011 ».

Cette crise avait été provoquée par le refus de M. Gbagbo de reconnaître la victoire de son rival Alassane Ouattara à l’élection présidentielle de novembre 2010.

« Le principal défi pour l’accusation sera d’identifier des preuves la liant (Simone Gbagbo) aux meurtres, aux viols et autres exactions commises par les forces pro-Gbagbo », a poursuivi l’ONG.

« Ces accusations sont créées de toutes pièces pour faire plaisir à une certaine communauté internationale. Trop c’est trop! », s’est emporté un des avocats de l’ex-Première dame, Me Mathurin Dirabou.

Joël N’Guessan, porte-parole du Rassemblement des républicains (RDR), le parti du président Ouattara, a assuré de son côté que ce deuxième jugement « n’est pas un procès de trop », affirmant que « Mme Gbagbo (…) avait une emprise sur les personnes soupçonnées de crimes ».

La tenue de ce procès va prendre de court la CPI, où elle est poursuivie pour « crimes contre l’humanité ». Le tribunal international qui juge actuellement M. Gbagbo et Charles Blé Goudé, ex-ministre de la Jeunesse, a toujours réclamé l’ex-Première dame, mais Abidjan refuse son transfèrement à La Haye.

Le président Ouattara a affirmé début février qu’il « n’enverrait plus d’Ivoiriens » à la CPI, estimant que son pays avait désormais une « justice opérationnelle ».

Si les deux camps se sont montrés coupables d’exactions pendant la crise de 2010-2011, aucun responsable pro-Ouattara n’a à ce jour été inquiété, ce qui nourrit les accusations par l’opposition de « justice des vainqueurs ».

SOURCE : AFP