Législatives : « L’État mettra tout en œuvre pour sécuriser le processus électoral et garantir son bon déroulement et son aboutissement » (Gilbert Bawara)

Gilbert Bawara.

La tension est montée depuis quelques jours au Togo, au lendemain de la publication par la Cour constitutionnelle, des listes des candidats retenus pour les législatives du 20 décembre. La principale coalition de l’opposition qui n’a pas présenté de listes dénonce des « irrégularités » dans l’organisation de ce scrutin.

Des leaders de ce regroupement de 14 partis politiques de l’opposition multiplient des manifestations (déjà trois manifestations en l’espace de 15 jours), pour exiger notamment « l’arrêt immédiat » du processus électoral et la reprise de toutes les activités déjà menées par la Commission électorale nationale indépendante (Céni). Plus fort encore, la coalition menace d’empêcher la tenue de ces élections.

« Par tous moyens, nous ferons en sorte que les législatives n’aient pas lieu », avait Mme Brigitte Adjamagbo-Johnson (coordinatrice de la coalition) sur Radio Victoire Fm.

Sur la même radio, le ministre de la sécurité, le général Yark Damehame avait aussitôt averti : « le boycott est un choix démocratique. On ne cherche pas à casser l’isoloir ou l’urne ».

La préparation de ces élections se déroule dans une ambiance très morose, à un moment où les togolais se préparent pour les fêtes de fin d’années. Mais lors d’un entretien à bâtons rompus avec deux médias (Savoir News et Togo Breaking News), le ministre de la fonction publique Gilbert Bawara rassure : « les élections législatives auront bel et bien lieu le 20 décembre. La campagne électorale démarre le 4 décembre. Ce qui est certain, c’est que l’État a pris toutes les dispositions et il mettra tout en œuvre pour sécuriser le processus électoral, garantir son bon déroulement et son aboutissement ».

« Nous sommes dans une situation où des partis politiques ont décidé librement – pour des raisons qui leur sont propres – de ne pas participer à ces élections. Il faut respecter leur choix ».

Réagissant par rapport à la sortie de la vice-présidente du Parlement de la Cédéao, le ministre a dit : « Tout le monde a bien compris que Mme Aminata Toungara parlait à titre personnel et n’engage aucunement ni le parlement de la Cédéao encore moins l’institution sous-régionale elle-même. Elle a dû agir par compassion et solidarité avec ses collègues de l’opposition togolaise qui ne siégeront plus à ses côtés après le 20 décembre, sans rien connaître de la situation réelle au Togo. Sa pensée ne traduit en rien la position officielle de la Côte-d’Ivoire et de ses autorités. Il ne faut donc pas s’y attarder outre mesure ».

Mme Toungara a notamment plaidé pour le « report » des législatives: « Je souhaiterais que les chefs d’État se rencontrent et qu’ils disent au président togolais de mettre balle à terre et qu’on reporte la date des élections (…). Le Togo est le plus petit pays de la sous-région. S’il s’embrase, le Ghana va prendre un coup, même la Côte d’ivoire et le Bénin prendront aussi un coup ».

 

« Nous ferons respecter la loi et l’autorité de l’Etat »

 

« C’est la deuxième manifestation, après qu’on nous ait annoncé l’ouragan et le déluge. Tout a été entendu. Nous sommes en République, la loi et l’autorité de l’Etat doivent être respectées et elles seront respectées. C’est une responsabilité pour le Gouvernement « , a-t-il martelé, avant d’ajouter : « ceux qui poseront des actes contraires à loi savent les conséquences. Tous ceux qui sont dans une logique de bloquer le processus et paralyser les activités, d’empêcher les autres citoyens d’aller et de venir ou de vaquer librement à leurs activités, de détruire ou de s’en prendre aux forces de sécurité subiront la rigueur de la loi, quels que soient leurs titres, leurs fonctions et leur lieu de résidence ».

La campagne électorale doit s’ouvrir le 4 décembre et la coalition appelle déjà à une journée « Togo mort » le même jour.

Selon des sources proches de ce regroupement, d’autres manifestations seront annoncées la semaine prochaine, afin de mettre la « pression » sur le pouvoir.

Mais, est-il possible d’organiser des manifestations pendant la période de la campagne électorale ?

« Je ne vois pas comment il serait possible de concilier les exigences d’une campagne électorale qui s’accompagne généralement de caravanes avec des manifestations et des rassemblements qui n’entrent pas dans cette campagne. Cela créerait des risques d’affrontement et de troubles à l’ordre public ! C’est une évidence « , a répondu M. Bawara.

« Entre la nécessité de garantir une campagne libre, sereine et sécurité et la possibilité d’avoir des manifestations et des activités ordinaires des partis politiques, il va falloir trouver un juste équilibre. L’Etat privilégiera les activités de campagne, qui s’étalent uniquement sur une courte période », a-t-il ajouté, sans dire si ces manifestations seront complètement interdites ou non, à partir du 4 décembre, jusqu’à la fin du processus électoral.

Selon M. Bawara, la coalition de l’opposition adopte depuis plusieurs mois, une stratégie visant à tout « bloquer »: « Et ça se voit. Monsieur Jean Pierre Fabre a dit qu’il ne va pas aux élections avant juin ou juillet 2019. Et ce dernier veut que l’Etat et tout le pays s’alignent derrière ses objectifs et ses intérêts. C’est quand même ahurissant! ».

 

« Le gouvernement a fait preuve d’ouverture et d’une réelle volonté de compromis »

 

« Le gouvernement a fait preuve d’ouverture et d’une réelle volonté de compromis. Nous avons aujourd’hui, un projet de réforme constitutionnelle qui va au-delà de la feuille de route et qui comporte des avancées et des progrès majeurs par rapport à la constitution dite originelle de 1992. Les togolais peuvent en juger « ‘

« Le gouvernement a fait preuve d’ouverture et de compromis. Des efforts et des compromis ont été consentis pour favoriser la participation de tous les acteurs à la CENI et à la préparation et à l’organisation des élections », s’est défendu Gilbert Bawara, rappelant que même les efforts déployés par les facilitateurs et le comité de suivi n’ont pas eu grâce aux yeux de la coalition.

« C’est librement », a poursuivi le ministre « que les partis politiques ont décidé de ne pas aller aux élections ». La coalition dénonce notamment l’organisation « unilatérale » de ces législatives par le pouvoir. Elle exige aussi une « personnalité neutre » à la tête de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), institution chargée d’organiser et de superviser ces élections.

Pour M.Bawara, « sur le processus électoral, personne ne peut imputer un manquement quelconque et une défaillance au gouvernement et à la majorité. Je n’en vois pas. Le retard dans la recomposition de la Céni est d’abord dû à des contestations internes au sein de l’opposition parlementaire ».

« Et à l’époque, notre avis était que les sept membres appartenant à la coalition qui ne faisaient pas l’objet de contestation pouvaient rejoindre la Céni. Ainsi, ils auraient eu la possibilité de contribuer au processus, d’avoir toutes les informations et toutes les données relatives aux préparatifs, de détecter d’éventuels manquements, insuffisances, anomalies et carences « .

« Et en ce moment-là, s’il y avait des demandes d’amélioration y compris celle d’aménagement du calendrier électoral pour remédier à ces insuffisances et manquements tangibles, ça se comprendrait. On aurait été en face de paramètres et de facteurs objectifs et non d’une obstination quant à la nécessité de réaménager le calendrier électoral. Le débat aurait été totalement différent. Déjà au lendemain du sommet, ils ont rejeté la date du 20 décembre. Vous n’êtes même pas à la Céni, vous ne pouvez pas démontrer des éléments qui justifieraient que l’on ne puisse pas organiser des élections le 20 décembre, mais vous vous obstinez dans une logique de surenchère « , a-t-il précisé.

Nouvel échec du projet de révision constitutionnelle au Parlement

L’étude du projet de révision constitutionnelle par les députés a été ajournée vendredi à l’Assemblée nationale, faute des 4/5 des élus du peuple, l’opposition étant absente.

L’opposition parlementaire dénonce à la fois la procédure ayant conduit à l’élaboration du texte, ainsi que son contenu.

S’agissant du contenu, le texte « élaboré seul par les députés du parti au pouvoir n’est celui de l’expert », a indiqué un député de l’opposition.

« Le texte qui nous lie, est celui de l’expert. Le texte qu’on nous a présenté, est le projet du gouvernement. UNIR (parti au pouvoir) n’a aucune volonté de réaliser les réformes constitutionnelles », a-t-il affirmé.

A en croire Gilbert Bawara, la désignation et le déploiement d’un expert en droit constitutionnel n’a pas été prévue par les décisions des chefs d’État de la Cédéao. Ce n’est pas un élément de la feuille de route. « C’est dans le cadre d’un simple appui technique et d’un simple accompagnement de la commission de la Cédéao. Ce qui signifie que, et l’expert et le rapport et les recommandations qu’il a produits, n’ont pas une valeur juridique contraignante et impérative et ne peut pas s’imposer tels quels aux institutions togolaises ».

« Ce sont de simples avis, de simples recommandations, de simples propositions qui méritent d’être pris en compte pour améliorer, enrichir et amender le projet de révision constitutionnelle qui a été adopté par le gouvernement et envoyé à l’Assemblée nationale. La constitution c’est la loi suprême, la loi fondamentale d’un pays. Sa révision respecte généralement une procédure spéciale, ence qui concerne les institutions et organes habiletés à initier les réformes constitutionnelles et les conditions d’adoptions de ces réformes.

On ne peut pas imaginer que des députés qui devraient tenir à leur dignité et à la dignité du peuple qu’ils représentent puissent, avec une légèreté déconcertante, faire de simples recommandations et propositions d’un expert l’alpha et l’oméga d’une révision constitutionnelle ! Cela n’est pas sérieux ».

 

Pas de « violation » de l’article 144 de la constitution

 

« On ne peut pas imaginer », a poursuivi le ministre « que des députés demandent de violer l’article 144 de la constitution qui a défini les Institutions ayant la responsabilité d’initier les révisions constitutionnelles. Le gouvernement et la majorité ont voulu concilier les deux choses : d’une part, respecter les dispositions constitutionnelles en matière d’initiative de révision constitutionnelle, respecter la pratique et les procédures parlementaires, et d’autre part, faire usage et puiser dans le rapport, et les recommandations de l’expert pour pouvoir enrichir, améliorer et amender le projet du gouvernement ».

« Aujourd’hui, la majorité avec le soutien du gouvernement (sous l’autorité du président de la République), a démontré qu’il était ouvert. Une grande partie des éléments fondamentaux des recommandations et propositions de l’expert a été pris en compte et intégré au projet du gouvernement, notamment concernant l’article 59, en veillant à ce que le mandat du président de la République soit de 5 ans renouvelable une seule fois et que nul ne puisse exercer plus de deux mandats », a indiqué M.Bawara.

« Et nous sommes allés au-delà de ce que prévoyait la constitution dite originelle de 1992 en ce qui concerne les possibilités de révisions constitutionnelles, en faisant en sorte que cette disposition (c’est-à-dire la limitation du mandat présidentiel), ne puisse faire l’objet de révision, qu’uniquement par voie référendaire. Ce qui n’était pas le cas dans la constitution réclamée par la coalition », a-t-il expliqué.

« C’est une avancée et un progrès par rapport à la constitution dite originelle. En ce qui concerne le mode de scrutin, l’expert lui-même et la Commission de la Cédéao se sont rendus compte qu’une des dispositions n’était pas praticable, n’était pas opérationnalisable, et la correction a été faite et la bonne version envoyée à toutes les parties. Et lors des travaux en commission, la majorité a adopté l’article 60 en l’état, comme le souhaitait la coalition de l’opposition. En ce qui concerne l’article 100 (composition, durée, et le mandat des membres de la Cour constitutionnelle), la majorité a également tenu compte du rapport et de l’avis de l’expert, en faisant en sorte que les deux membres de la Cour constitutionnelle qui sont désignés par le Sénat ne le soit que lorsque ce Sénat sera effectivement en fonction. Le reste a été accepté intégralement », a-t-il longuement expliqué.

« Je crois que l’opinion nationale, nos concitoyens, les chefs d’État de la sous-région ont maintenant des éléments tangibles d’appréciation », a-t-il conclu.

Junior AUREL