Interview du Premier ministre togolais Kwesi Séléagodji Ahoomey-Zunu

L’Agence Savoir News vous propose une interview réalisée par le Premier ministre Kwesi Séléagodji Ahoomey-Zunu avec certains médias. Lisez.

Presse : Excellence Monsieur le Premier Ministre, conformément à la feuille de route assignée à votre Gouvernement, vous venez de lancer des consultations pour renouer le fil du dialogue avec tous les acteurs politiques et les membres de la société civile. Pouvez-vous nous dire à ce stade quels sont les points clés de vos discussions ?

Le Premier ministre

: Je voudrais d’abord vous remercier de l’occasion que vous m’offrez de m’adresser, à travers vos organes, à nos concitoyens depuis mon passage à l’Assemblée nationale où j’ai eu à présenter le programme de gouvernement issu de la feuille de route que le chef de l’Etat nous a tracée. Le dialogue que nous reprenons aujourd’hui est la preuve que le Gouvernement reste attaché à la concertation et au consensus. Nous avons, avant de démarrer ce dialogue, reçu les protagonistes et c’est avec eux que nous avons travaillé sur l’ordre du jour de ce nouveau dialogue, en tenant compte des propositions des différents acteurs. Cet ordre du jour porte essentiellement sur le cadre électoral, le découpage électoral, les réformes institutionnelles et constitutionnelles. Ce sont des sujets dont nous discutons depuis. Certaines de ces questions ont déjà fait l’objet de consensus. Mais nous sommes prêts à rouvrir les discussions pour prouver que le Gouvernement est attaché à la recherche permanente du consensus. Voilà les points clés sur lesquels portent les discussions.

Presse: Quelles sont les perspectives du dialogue politique que certains leaders politiques ont d’ores et déjà décidé de boycotter?

P. M : J’espère que finalement personne ne boycottera ce dialogue. Effectivement, certains acteurs politiques n’ont pas répondu à notre première invitation. C’est compte tenu de ces hésitations que nous avons proposé un ordre du jour et lancé de nouvelles invitations.
Les perspectives de ce dialogue sont l’apaisement du climat politique et la création des conditions idéales pour l’organisation des élections législatives transparentes, crédibles et justes. Nous ne devons pas faire moins que ce que nous avions fait en 2007 et en 2010. Notre objectif est d’abord d’aller à ces élections, puisque l’agenda républicain doit être respecté mais aussi et surtout de créer un cadre général de concertation et de confiance renouvelée, propice au dialogue qui reste, après tout, un axe stratégique de gestion des affaires de l’Etat. Je pense que c’est la même vision pour l’ensemble des acteurs de la classe politique. Alors, j’espère qu’à l’issue de ce dialogue, nous créerons à nouveau de la confiance dans l’intérêt de tous nos concitoyens.

Presse: Monsieur le Premier ministre, vous prônez le dialogue, mais certains acteurs posent des préalables. Est-ce que vous comptez donner une suite à ces préalables ?

P.M Il ne faut pas préjuger du comportement des uns et des autres. J’estime qu’aucun sujet n’est tabou pour ces concertations. C’est pour cette raison que je pense que ce qu’on peut considérer comme préalable, peut être discuté au cours de ce dialogue. Nous espérons que les gens viendront poser tout ce qu’ils ont comme préalables, et nous discuterons pour trouver des solutions à l’ensemble des préoccupations. C’est sans doute parce que nous sommes loin, les uns des autres, que certains pensent qu’il ya des problèmes et qu’on ne peut pas discuter. Mais, au cours de ce dialogue, nous mettrons sur la table tous les sujets des différents protagonistes et nous allons les débattre ensemble pour trouver des solutions durables.

Presse: Le Cadre Permanent de Dialogue et de Concertation (CPDC) a, auparavant mené des consultations similaires sur les problèmes majeurs du pays. Quel bilan peut-on faire aujourd’hui des travaux du CPDC ?

Le P.M: Le CPDC a connu plusieurs évolutions. Objectivement, beaucoup de sujets ont fait l’objet de consensus, parfois de manière ponctuelle. Ce qui a permis au premier CPDC de conduire le dialogue jusqu’aux élections de 2010. Depuis cette élection, nous avons eu un autre CPDC rénové qui est un cadre élargi à plusieurs autres acteurs. Honnêtement et objectivement, les conclusions du CPDC montrent que si nous discutons, nous pouvons nous entendre. Seulement, il arrive que chaque fois qu’on convoque cette réunion, certains acteurs viennent, et d’autres pas. En réalité, le CPDC rénové a dégagé de grands consensus sur des problèmes majeurs et nous avons pu mettre certains en œuvre. Et comme certains n’ont pas participé aux discussions, nous avons estimé qu’il faut de nouveau regrouper tous les acteurs pour un large consensus sur des sujets d’intérêt national. Nous sommes prêts à renouer le fil du dialogue chaque fois qu’il y a besoin, et ce jusqu’au jour- et j’espère que ce jour est proche-où nous allons établir la confiance et trouver des solutions à tous les problèmes dans l’intérêt de tous les Togolais.
Je dois dire que certains membres du CPDC se sentent aujourd’hui frustrés, puisqu’ils ont le sentiment d’avoir fait un travail qui ne sert plus à rien. En vérité, ils ne doivent pas être frustrés. Nous continuons à rechercher le consensus. Nous devons nous accepter comme nous sommes.
C’est vrai que le CPDC a fait un travail sérieux, avec beaucoup de volonté et qui peut régler les problèmes qui sont encore posés aujourd’hui. Mais gardons confiance, nous pouvons trouver des solutions à tous les problèmes posés.

Presse : En dépit des blocages qui ont émaillé le fonctionnement du CPDC, ses travaux ont débouché sur des recommandations . Où en est-on dans la mise en œuvre de ces recommandations sur les réformes institutionnelles et constitutionnelles?

Le P.M J’entends souvent ce sujet revenir comme si l’on n’en avait jamais parlé. Si l’on prend en compte les discussions que nous avons menées depuis 2008, des reformes institutionnelles et constitutionnelles ont été faites. Si l’on fait le point de la mise en œuvre de l’Accord Politique Global, chacun comprendrait que les sujets évoqués ont déjà reçu des solutions. Nous avons reformé la Cour Constitutionnelle, la HAAC, la CNDH, et bien d’autres… Mais il faudrait qu’à un moment donné, nous nous arrêtions pour faire le point. Et chacun comprendrait que le problème, c’est que chaque fois que vous obtenez un consensus et que certains ne sont pas présents en personne, on estime que ce consensus n’a pas été réalisé et nous sommes obligés de reprendre les discussions. Mais nous arriverons un jour au bout de nos efforts.

Presse: Toujours dans le sens de l’apaisement du climat sociopolitique et de la réconciliation, qu’en est-il des conclusions de la CVJR?

P. M: D’abord, je voudrais me réjouir du fait que la CVJR ait mené sa mission jusqu’à terme parce qu’il y avait des Togolais qui doutaient de cette structure mise en place par le Gouvernement. Nous sommes heureux que les membres de cette institution conduite par Mgr Barrigah aient pu mener leurs activités de façon volontaire, avec toutes les qualités humaines et républicaines que requiert une telle mission. Nous avons le devoir de mettre en œuvre ces recommandations. Les réflexions sont faites sur ce que coute cette mise en œuvre en termes matériel et financier. Si vous posez la question aux membres de la CVJR avec qui nous sommes en contact, ils vous diront que le Gouvernement travaille à ce que les choses se réalisent de façon optimale.

Presse: Mais des Togolais estiment que rien ne se fait, car il y a des mois que la CVJR a remis ses conclusions?

P. M: Ce n’est qu’une impression. C’est le Gouvernement qui a accepté que les discussions se déroulent entre les Togolais, de façon à reconstruire tout ce qui a été détruit dans ce pays. Il n’y a pas de raison que le Gouvernement hésite. Mais nous savions d’avance qu’il y avait des choses douloureuses. Et l’intérêt des Togolais est d’aller de l’avant. Pour cette raison, le Gouvernement n’hésitera pas à mettre en œuvre les recommandations formulées.

Presse: Lors du passage du Togo à l’Examen Périodique Universel (Epu), la délégation gouvernementale avait annoncé l’adoption d’une loi introduisant l’infraction de la torture dans la législation nationale. Où en est le Gouvernement dans la mise en œuvre de cette recommandation?

P.M: C’est vrai que le nouveau code pénal qui a intégré les cas de torture n’est pas encore adopté. Mais le processus suit son cours et tout a été fait ou est en train de se faire pour l’application des engagements. Je vous précise que tous ceux qui ont fait l’objet d’allégations de tortures ont été examinés par des médecins assermentés et se sont vus accorder des indemnités dont les taux ont été fixés par ces médecins pour la réparation des préjudices. Le Gouvernement est à pied d’œuvre pour mobiliser les fonds et satisfaire les propositions de l’expertise médicale.
Concernant l’ANR, des dispositions sont prises pour en faire uniquement une institution de renseignements. On n’y procède plus à des interrogatoires. Cette compétence est exclusivement réservée aux autorités judiciaires.

Presse: Est-ce que la loi organique sur la CNDH sera révisée par la présente législature pour introduire le mécanisme de lutte contre la torture?

Le P.M: Nous avons eu des discussions, y compris avec les partenaires qui peuvent nous aider à prendre des mesures préventives de lutte contre la torture et sanctionner ceux qui y font recours. Donc, les textes sont en train d’être faits pour intégrer ce mécanisme à la CNDH. Le reste est de savoir si l’actuelle législature peut le faire, ce que j’espère. En tout état de cause, le Gouvernement fera tout pour que ce texte soit adopté dans les meilleurs délais.

Presse: Monsieur le Premier ministre, c’est bientôt les élections législatives. Est- ce que vous allez tenir les scrutins dans les délais?

PM: Notre devoir, c’est de respecter l’agenda républicain. Mais ne posons pas cette question de délai à ce stade. Faisons-nous confiance de sorte que les élections se déroulent normalement. La CENI qui est restée en place a travaillé sur un certain nombre de documents de telle sorte qu’en ce qui concerne les problèmes techniques, quelque chose a été déjà fait. Mais le Gouvernement reste vigilant sur ce sujet. Nous devons œuvrer à ce que les élections se déroulent dans de meilleures conditions et que, techniquement, nous n’ayons pas à courir, après les délais.

Presse: Comment se prépare le processus électoral afin de garantir des scrutins apaisés, et acceptables pour tous?

P.M.: epuis 2007, nous sommes sortis du contexte des violences électorales en organisant des élections législatives qui ont été saluées par toute la communauté internationale. Le consensus qui a prévalu dans le processus électoral est le résultat d’un travail collectif. Toutes les parties prenantes y ont contribué par leurs efforts. Le consensus sur tous les sujets, c’est notre objectif permanent pour organiser des élections libres, transparentes et apaisées.

Presse: Lomé est devenu depuis un certain temps le théâtre de manifestations socio- politiques à répétition, souvent violentes. Comment le Gouvernement compte sortir le pays de cet engrenage assez préjudiciable à la paix civile et au climat des affaires?

P.M: Si vous n’aviez pas ajouté le qualificatif “violentes”, je dirai que c’est de bonne guerre. C’est la démocratie. Il y a des manifestations qui démontrent la vitalité démocratique lorsque des acteurs politiques défendent leurs convictions avec tous les moyens démocratiques et constitutionnels, sans violence. Notre devoir, c’est de parler avec tous les acteurs comme le font d’ailleurs les ministres qui sont sur ces dossiers. C’est la responsabilité du Gouvernement de prendre des dispositions pour que ces manifestations se déroulent dans le respect de la loi, sans dérapage, dans la plus grande sécurité, dans la sérénité et la paix. Bref, personne n’a intérêt à ce que ces violences continuent.
J’ai observé qu’il y a des manifestations qui se déroulent régulièrement sans violence dans certains camps; les autres peuvent en tirer leçon. Il faudra avoir un peu de recul, un peu de patriotisme et le sens des responsabilités pour éviter la violence. Le Gouvernement continuera à discuter avec tous les acteurs pour que les manifestations ne soient plus sources de violence.

Presse: Tout ce que les contestataires revendiquent peut être discuté au cours du dialogue. Mais le maintien de leurs manifestations laisse penser qu’en fait c’est plutôt le régime même qu’ils contestent…

P.M: Je ne sais pas si tel est l’objectif des manifestants. Autrement dit, cela ne sert pas la République. C’est du non respect des institutions. Mais je pense qu’il ne faut pas faire de procès d’intention. Certains ne doivent pas empêcher d’autres d’exercer leurs droits. Encore une fois, nous restons ouverts et allons discuter avec eux, dans la sérénité, dans le respect des règles de la République, de la démocratie et chacun comprendra que c’est dans l’intérêt de la nation de procéder ainsi. Tous les sujets peuvent être discutés, et cela, le chef de l’Etat a eu à le dire, et je le dis toujours.

Presse: Les contestataires ont clairement évoqué l’article 150 de la Constitution pour se prévaloir du droit de contester les institutions de la République.

P. M: Il ne vous a pas échappé que beaucoup d’acteurs, en dehors du Gouvernement, ont répondu à ces manifestants pour faire remarquer que c’est à tort qu’ils évoquent l’article 150 qui, est en réalité inopérant par rapport à la situation de notre pays. Il est inutile d’évoquer cela dans le cadre des discussions que nous aurons avec les acteurs politiques. Certains font tout simplement une appréciation pas toujours juste de cet article.

Presse: Une nouvelle année académique s’ouvre dans quelques semaines, avec l’inquiétude de la résurgence des grèves sur les campus et autres établissements scolaires. Quelles sont les mesures prises ou envisagées pour préserver la sérénité en milieu scolaire?

Le P.M : Non, nos campus et nos écoles n’ont pas toujours été des lieux de grèves. Donc, n’en parlez pas comme si c’était quelque chose de récurrent et de permanent. Même si l’année dernière a été marquée par certaines revendications, nous avons signé des accords avec les étudiants, avec les enseignants, avec les différentes universités; des accords que le Gouvernement met en œuvre. Chacun doit se faire une idée des efforts qui sont déjà déployés ou sont en voie de l’être et savoir que par le dialogue, nous pouvons résoudre les problèmes, de façon rationnelle. Mais je fais remarquer que ce n’est pas par des grèves et des casses qu’ont peut avoir gain de cause. Nous ferons tout pour que cette rentrée se déroule dans les meilleures conditions. Notre devoir, c’est de veiller à ce que nos jeunes aient des meilleures conditions d’études… Nous nous y attelons avec beaucoup de détermination.

Presse: Quelle appréciation faites-vous des résultats de l’année académique écoulée?

Le P.M: Aussi paradoxal que cela pourrait paraitre, les résultats de cette année sont meilleurs que ceux de l’an dernier, surtout au niveau du baccalauréat. Mais objectivement, on peut mieux faire.

Presse: Le succès massif au Bac est un nouveau défi pour le Gouvernement face à la capacité d’accueil limitée des universités aux amphis bondés. Que faire pour les nouveaux étudiants?

Le P.M.:

e Gouvernement réfléchit en amont à ces problèmes. Il y aura la construction de nouveaux amphis, la mise à disposition de matériels didactiques, etc. Il y aura au niveau de chaque université la création d’un cadre de discussion pour régler tous les problèmes. Les cités universitaires, les restaurants sont les sujets que les étudiants ont toujours évoqués et nous y répondrons point par point, selon les moyens de l’Etat. Peut-être qu’ils trouveront que les efforts ne vont pas assez vite ou assez bien comme ils le souhaitent. Mais les moyens de l’Etat permettent de faire ce que nous faisons aujourd’hui, et d’autres suivront.

Presse: Monsieur le Premier ministre, comment se fait-il que des bourses et des aides soient supprimées à certains étudiants togolais à l’étranger?

Le P.M Non, ce n’est pas qu’on a supprimé des allocations pour rien. J’ai reçu les étudiants, il y a quelques jours, pour lever ce malentendu parce que les bourses dont ils parlent sont celles offertes par des pays amis que le Gouvernement complète par des aides. Or, le complément ne doit pas être systématique, car il y a des pays où la bourse permet de faire des études dans de meilleures conditions. Donc, le Gouvernement veut examiner l’ensemble de la situation pour voir là où il y a besoin de complément d’aide pour le faire. Mais là où ce n’est pas le cas, on le supprime pour orienter les fonds vers d’autres choses. Donc, les étudiants sont venus et on a discuté de tout cela. Car, ces compléments peuvent aider d’autres étudiants qui sont dans le besoin. Donc, il n’est pas question de supprimer ces bourses, qui du reste, ne proviennent pas du Togo, qui fournit les compléments d’aide si c’est nécessaire.

Presse: Le SYNPHOT et le ministère de la Santé ont trouvé un terrain d’entente sur la situation des COGES, au grand soulagement des populations menacées de suspension de soins médicaux. Quels sont les projets du Gouvernement pour améliorer la qualité de la santé des Togolais?

Le P.M : Sur cette question de la signature de mémorandum avec le Gouvernement, je voudrais faire remarquer que les discussions et la concertation peuvent donner de bons résultats. C’est parce que les acteurs ont accepté de discuter, de dialoguer que nous avons eu cet accord-là.
Pour ce qui concerne l’évolution de l’amélioration de la qualité des soins de santé, vous savez que c’est un point important de l’action gouvernementale et du budget de l’Etat. Nous ferons des efforts pour que nous ayons des soins de santé de qualité de la part des médecins, des infirmiers. Nous avons discuté l’année dernière pour l’amélioration de leurs conditions de travail. Ce sont des efforts énormes que fait le gouvernement si je me réfère aux primes et aux indemnités qui sont accordées. Mais, si nous améliorons les conditions de travail, il faut que les populations qui sont concernées le sentent au quotidien dans les prestations des soins, dans l’accueil qui doivent être meilleurs. Les populations se plaignent, et à raison, car il y a trop de négligence au niveau du secteur de la santé. Il faut une amélioration de l’accueil, des qualités des soins pour que les populations ressentent le fruit de l’effort qui a été fait. Le Gouvernement va poursuivre ses efforts, car malgré l’assurance maladie pour les agents de l’Etat, il y a des populations à la base qui ne sont pas fonctionnaires et qui n’en bénéficient pas pour le moment. Mais comme chacun le sait, nous revenons de très loin et il ne faut pas seulement regarder le chemin qui reste à parcourir, mais aussi celui que nous avons parcouru.

PRESSE : Il y a un problème de prise en charge des cas d’urgence, surtout des accidentés dans nos formations sanitaires. Qu’est-ce qui est fait pour remédier à cette situation ?

Le P.M : Nous le reconnaissons humblement car l’accueil n’est pas à la hauteur des attentes. Le Gouvernement va veiller à ce que déjà au niveau de l’accueil, les citoyens aient le sentiment sécurisant qu’on s’occupe d’eux lorsqu’ils vont dans les centres de santé. Cela contribue à les soulager. A part l’accueil, il ya la qualité des soins, la disponibilité du médecin, de l’infirmier, etc. Autant de choses sur lesquelles il faudrait appeler les acteurs de la santé à changer leur attitude, leur comportement. Il y a aussi la qualité du matériel sur lequel les médecins travaillent, des efforts doivent continuer pour améliorer tout cela. Nous avons l’accompagnement de nos partenaires et le ministère de la Santé doit poursuivre ses efforts. C’est un domaine où il faut faire beaucoup, car nous avons laissé les choses en l’état depuis des années, en raison de nos difficultés politiques.

PRESSE : Le phénomène de la vie chère détériore le niveau de vie des Togolais en dépit des efforts entrepris par le gouvernement. Quelles actions urgentes envisagez-vous pour soulager le panier de la ménagère ?

Le P.M Par rapport à cette question, il faut que la relance économique soit consolidée. Cela suppose que les conditions de la compétitivité de notre économie soient réunies. C’est pourquoi il y a beaucoup de réformes au niveau de la gestion des ressources de l’Etat pour améliorer les conditions de vie des populations à travers les moyens nouveaux que l’Etat dégage. A ce niveau, il faut une redistribution juste et équitable de ces ressources. Beaucoup d’efforts sont faits, mais comme je l’ai dit, nous venons de très loin et beaucoup de difficultés sont dues à ces années de crise socio-politique. Mais, nous n’avons pas d’excuse sur ce plan. Vous pouvez constater que depuis l’année dernière, alors que le prix du pétrole est dans une tendance à la hausse, le Gouvernement n’a pas augmenté le prix du carburant. C’est pareil pour le ciment, et nous faisons des efforts pour sa meilleure distribution sur le territoire national. Il y a d’autres produits sur lesquels les industriels ont souhaité augmenter les prix mais avec les efforts du Gouvernement, cela n’a pas eu lieu. Donc beaucoup d’efforts se font et c’est vrai que nous n’en parlons pas toujours. Les revenus sont bas, nous le reconnaissons ; mais pendant 15 ans, nous n’avons rien fait pour améliorer l’économie. C’était le moment où la politique nous avait accaparés et c’est de cette situation que nous voulons sortir. Tout cela, chacun doit le savoir pour que les choses se passent autrement avec le concours de tous.

PRESSE : Nous avons remarqué que le prix du gaz a augmenté de façon exponentielle et les associations des consommateurs ne décolèrent pas, allant jusqu’à demander le boycott de ce produit. Pourquoi il n’y a pas eu communication autour de cette augmentation ?

Le P.M

: Il n’y a pas eu communication peut-être sur les prix du gaz. Mais je crois que le ministre du Commerce va prendre des dispositions à cet effet. Pour ce qui est du problème du gaz, lorsque vous regardez la structure des prix des produits pétroliers, c’est le pétrole lampant qui soutenait le prix du gaz. Ce qui n’est pas normal. Maintenant, les conditions peuvent être discutées. Mais regardez autour de nous, nous restons toujours le pays le moins cher en ce qui concerne le gaz. Il y a quelque chose qui se passait et qui se passe encore malgré l’augmentation du prix. C’est que les commerçants font des spéculations sur les marchés d’autres pays sur le gaz que nous subventionnons. Mais cela seul ne justifie pas cette augmentation. Nous allons discuter avec nos partenaires et je pense qu’ils comprendront que le prix du pétrole lampant ne doit pas continuer par supporter cette situation.

PRESSE : La réduction de la pauvreté passe également par une politique de l’emploi. Qu’est-ce qui a été fait et qu’est-ce qui reste à faire dans ce domaine ?

Le P.M : La création d’emplois, qui ne soient pas des emplois précaires, mais des emplois pérennes, est un élément important pour les jeunes . L’amélioration du climat économique, du climat des affaires, la création de conditions meilleures aux investisseurs permettent de lutter contre le chômage. Tous les efforts sont faits au niveau des ministères en charge de l’emploi, de l’économie, de la jeunesse pour créer les conditions susceptibles de faciliter l’entrée des jeunes sur le marché du travail après leur formation, avec les différents programmes comme AIDE, PROVONAT, etc. qui sont des actions en direction de ces jeunes pour faire en sorte que les entreprises leur octroient des stages. Comme partout ailleurs, nous subissons le contrecoup de la conjoncture économique internationale qui est difficile. Mais nous avons le devoir de créer des emplois par l’innovation.
Il faut par ailleurs que la formation soit en adéquation avec le marché du travail. Autant de choses qui signifient que nous devons améliorer la formation de nos jeunes à travers nos centres de formation. Donc, les problèmes politiques doivent pouvoir être résolus dans l’apaisement, dans la sérénité et le dialogue pour que nous puissions nous mobiliser pour la croissance économique qui doit nous permettre de faire face au chômage des jeunes. C’est un vrai défi économique et social.

PRESSE : A quand le prochain concours de recrutement dans la fonction publique ?

Le P.M C’est une bonne question mais elle est mal posée. Nous ne pouvons pas résoudre durablement le problème de l’emploi par voie de concours d’accès à la fonction publique. Nous avons créé des conditions pour que les jeunes aient accès à des emplois, certes par la fonction publique, mais aussi et surtout par le secteur privé. Il faut avoir parfois des concours sectoriels soit dans l’enseignement, soit dans la santé pour combler les besoins en personnel en raison notamment des départs à la retraite et autres. Mais les concours généraux, on ne les fait pas tous les ans.

PRESSE : Nous sommes dans un pays où le problème de l’emploi se pose effectivement mais on forme davantage au BTS au lieu de maintenir les étudiants dans le cursus scolaire. Pourquoi une telle situation?

Le P.M Il faut un dialogue avec les responsables de ces structures de formation pour qu’il y ait une adéquation entre la formation et la demande sur le marché de l’emploi. Il y a un programme de coopération avec les partenaires pour la formation. Que les entreprises expriment leurs besoins et l’Etat forme les jeunes. On doit réfléchir en amont à cette question pour leur trouver des solutions.

PRESSE : Alors, qu’est-ce que l’Etat fait pour faciliter la création et l’accès aux crédits bancaires aux entreprises pourvoyeuses d’emplois?

Le P.M: La réalité est qu’aujourd’hui, le climat des affaires au Togo s’est amélioré considérablement. On peut créer aujourd’hui l’entreprise en 48 heures. Notre intérêt, c’est d’attirer les investisseurs. C’est pour cela que de nouveaux textes ont été pris notamment pour assurer le bon fonctionnement de l’administration du guichet unique. Nous sommes en train de faire le guichet unique pour le commerce extérieur. Nous avons un nouveau code des investissements. Le texte sur la zone franche a été réformé de façon à créer de meilleures conditions de création d’entreprise, tant au niveau du territoire douanier que de la zone franche. Tous ces efforts ne peuvent pas porter leurs fruits en un seul jour. Les investisseurs nous font de plus en plus confiance. C’est pour cela qu’au lieu d’attiser les tensions, nous devons régler toutes les questions sur le plan politique et social pour que les investisseurs se sentent à l’aise quand ils viennent investir dans le pays.
Maintenant, en termes d’accès aux banques, l’Etat a déjà pris toutes les dispositions pour accompagner les entreprises. Il y a aussi l’amélioration du secteur bancaire lui-même pour que les entreprises y aient accès facilement. Nous avons un programme pour accompagner les petites entreprises privées en matière de création et d’accès au financement ainsi que la formation qu’on peut donner au niveau de ces entreprises. Tout cela mis bout à bout, nous dirons que la situation est aujourd’hui nettement meilleure en termes d’amélioration du processus de création d’entreprise. J’espère que cela va se ressentir sur notre classement au niveau du Doing Business. Le coût de l’énergie continue d’être un réel problème. Mais la situation peut s’améliorer si l’économie elle-même s’améliore.

PRESSE : Au moment où l’Etat fait des efforts pour attirer les investisseurs, le pays reste classé parmi les plus corrompus. Qu’est-ce qui ne va pas au juste ?

Le P.M

Mais nous ne sommes pas classés comme l’un des pays les plus corrompus. Je reconnais qu’il y a beaucoup d’efforts à faire dans ce domaine. C’est un travail de longue haleine. Mais la lutte contre la corruption reste une des priorités du gouvernement car elle porte un coup dur à la santé économique dans tous les pays et crée des déséquilibres sociaux graves en terme de répartition des richesses nationales. Il faut noter aussi que la mauvaise perception dont notre pays est victime à cause des problèmes liés à la corruption nous pénalise beaucoup. Elle ne favorise pas par exemple
L’accès à certaines facilités que les USA octroient. C’est pourquoi je saisis l’occasion pour réitérer l’annonce que j’avais faite lors de la présentation du programme du gouvernement. Nous allons introduire devant l’Assemblée nationale un projet de loi sur la corruption. C’est dire si nous sommes préoccupés par le phénomène.

PRESSE : Vous parlez d’améliorer la gestion des finances de l’Etat. Mais la population ne sent pas qu’il y a de mécanisme de lutte contre l’impunité, la corruption.

Le P.M : La lutte contre l’impunité est réelle et elle est menée avec beaucoup de détermination. Le Gouvernement fait en sorte que ceux qui détournent des fonds dont ils ont la charge répondent de leurs actes. Les réformes des finances publiques visent à faire en sorte que les brebis galeuses soient démasquées. Nous ferons en sorte que la transparence conduise à ce que tous les acteurs, les responsables, de l’administration qui ont la charge de la gestion de deniers de l’Etat le fassent avec probité et qu’ils rendent effectivement compte. La création de l’office des recettes vise précisément à accroître la transparence dans le recouvrement des biens de l’Etat tant au niveau des recettes fiscales que douanières. Et le Gouvernement fait en sorte que tout manquement soit puni. En dehors du projet de loi sur la corruption , nous ferons en sorte que les textes sur la passation des marchés soient effectivement respectés. En tout état de cause, aucune impunité n’est permise, ni tolérée par le Gouvernement.
Pour ce qui est de l’aide publique, il faut savoir que ce n’est pas l’Etat seul qui décide de son utilisation. Nos partenaires nous accompagnent et nous devons nous assurer à tout moment que tout se passe normalement. Et si l’on détecte des manquements, il faut sévir. Nous avons le devoir de bien gérer les deniers que des pays amis mettent à notre disposition, car c’est le fruit du travail des citoyens de ces pays. Notre devoir est de montrer que nous prenons toute la mesure des efforts qui sont faits pour nous accompagner. Nous avons pleinement connaissance des enjeux.

PRESSE : Quoi qu’on dise, le Togo change de visage avec la réalisation de chantiers de grands travaux. Quels sont vos projets ?

Le P.M: Beaucoup de projets annoncés ont été en effet réalisés dans le domaine crucial des infrastructures. D’autres projets suivront en matière d’infrastructures routières, de réhabilitation, de construction des routes internationales et transversales nationales qui relient les différentes régions du pays, indépendamment de nos routes nationales. Mais il faut qu’au niveau de nos villes de l’intérieur, qu’on prenne en compte certaines routes. Nous y travaillons.
Il y a également les centres de santé, les écoles qu’il faut améliorer. Disons qu’au moment où nous faisons ces travaux, il faut que nous nous assurions que ce sont des chantiers qui donnent accès à l’emploi, des travaux à haute intensité de main d’œuvre. Tout cela doit se faire pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens, des infrastructures de commerce, de transport, de libre circulation, etc.

PRESSE : A quand les échangeurs pour la ville de Lomé et des monuments grandeur nature ?

Le P.M: Pour les échangeurs, les points ont été déjà choisis. Le financement est à rechercher. C’est dans le sens de l’amélioration des conditions de circulation qu’il faudra le faire.
Pour ce qui est des monuments, des espaces sont réservés, il y a des plans au niveau du ministère de l’Urbanisme et il faut trouver à présent les moyens, en tenant toutefois compte de nos priorités. Je crois que nous y arriverons. Mais pour la réalisation dans les délais des infrastructures, le contrôle, doit être renforcé.

PRESSE : L’érosion côtière menace certaine population des Lacs. Que fait le gouvernement ?

Le P.M Vous avez déjà vu l’effort conjoint qui a été fait pour aider les populations de Doevi-Kopé à Baguida. Maintenant, pour la lutte contre l’érosion, les géologues, tous ceux qui sont responsables des problèmes marins et de l’environnement sont mobilisés. Mais il manque les moyens, parce que c’est toute la sous-région qui est concernée. Les institutions régionale comme la CEDEAO, l’UEMOA, doivent se concerter pour ces questions environnementales qui sont importantes pour l’avenir de nos pays trouvent des réponses concertées.

PRESSE : Les Togolais s’interrogent toujours sur l’interpellation de l’ancien ministre de l’Administration territoriale, Pascal Bodjona .Pouvez-vous éclairer nos lecteurs sur cette affaire ?

Le P.M :

Il s’agit d’une affaire purement judiciaire, à régler par les voies normales de la justice. Rien d’autre. Toute autre considération serait erronée et viserait à créer des difficultés là où ce n’est pas nécessaire. C’est une question douloureuse. Mais si l’on doit sortir rapidement par des voies légales sans courir dans d’autres sens, je crois que c’est meilleur. Faut-il pour protéger le fils du pays tomber dans le déni de justice au risque d’éloigner les investisseurs ? Pour autant, la justice ne pourra pas livrer un fils du pays s’il s’avérait qu’il n’a rien à se reprocher sur le plan légal. Faites confiance à la justice de notre pays. Elle fera son travail.

PRESSE : Un autre scandale financier secoue la filière du coton. Qu’en est-il exactement ?

Le P.M Le ministre de l’Agriculture s’est largement expliqué sur ce sujet. Ses collaborateurs l’ont fait aussi. C’est un dossier qui a été ouvert et la justice tranchera. Aucune espèce d’impunité ne sera tolérée dans ce domaine. La transparence totale est de mise et de rigueur et c’est dans ce sens là que nous gérons les affaires du pays que nous nous efforçons de placer sous le signe de la bonne gouvernance.

PRESSE : Le Togo a joué ce weekend contre le Gabon pour la qualification en phase finale de la CAN 2013. 50 millions F CFA de prime sont alloués aux joueurs gabonais pour chaque match gagné. Que fait le Togo pour encourager les Eperviers ?

Le P.M : Si vous êtes un convalescent et vous voulez courir ensemble avec quelqu’un qui est en bonne santé, je crois que vous risquez de vous faire mal. Il ne faut pas comparer les moyens du Gabon avec ceux du Togo. Ce n’est pas en ces termes que le problème se pose. C’est en termes d’effort fait par le Gouvernement pour assurer un bon encadrement et offrir les meilleures conditions possibles de préparation à nos joueurs. Avec le peu de moyen que nous avons, il faut du travail, de l’abnégation et du patriotisme et surtout le sens des responsabilités à nos joueurs pour aller le plus loin possible.
Pour chaque match, nous demandons à nos joueurs de regarder d’abord la nation, la patrie. Mais je reste confiant car je sens de la détermination au niveau des Eperviers.

PRESSE : Comment le Togo, membre du Conseil de Sécurité de l’ONU participe à la résolution du problème malien ?

Le P.M : Le problème du Mali est celui de la sous-région, de la CEDEAO. Le Togo est membre de la CEDEAO et participe à ce titre aux discussions. C’est dans ce sens que le problème sera réglé. FIN