Innovations technologiques : « Soyons les ambassadeurs de notre Afrique » (Dr. Sabin Sonhaye)

Dr. Sabin Sonhaye.

La semaine africaine de la communication s’est déroulée du 21 au 25 mai à Lomé sous thème « L’Afrique : terrain d’innovation pour la communication ? », initiative visant à réfléchir sur la façon dont la communication peut accompagner le développement socio-économique de l’Afrique, un continent d’où émergent des talents avec des innovations dans plusieurs domaines.

Mais pourquoi ces innovations restent cachées? Quels sont les « freins »? Que faire pour révéler ces innovations, les protéger et en tirer la plus-value dont l’Afrique a besoin pour son essor ?… Dans une interview accordée à l’Agence Savoir News, Dr Sabin Sonhaye (enseignant chercheur à l’Institut des Sciences de l’Information, de la communication et des Arts de l’Université de Lomé), répond à nos questions.

Savoir News : Dr Sonhaye, le thème de la semaine africaine de la communication est « L’Afrique : terrain d’innovation pour la communication ? », pourquoi cette interrogation ?

Dr Sabin Sonhaye : On a mis un point d’interrogation pour nous questionner nous-mêmes, revenir sur les éléments d’innovation et les communiquer. Et en recensant les innovations qui se passent çà et là et en voyant l’intéressement des africains à l’innovation, nous nous sommes rendus compte que nous sommes réellement un terrain d’innovations pour la communication. Et l’Afrique innove beaucoup dans tous les domaines. Ce problème c’est qu’elle communique peu.

Mais pour prendre de l’avance, il nous faut faire un saut technologique, communément appelé «saut de grenouille».

Ce saut permettra à l’Afrique d’assimiler beaucoup plus facilement les technologies, notamment celles qui viennent d’ailleurs, sans même passer par les différentes étapes. On peut citer par exemple la 4G où les togolais sont arrivés au même niveau que les occidentaux dans la téléphonie mobile. Il y a beaucoup de domaines dans lesquels on a pu rattraper ces technologies-là, très avancées ailleurs.

Mais le retard que nous accusons en formation, ne constitue-t-il pas un frein à notre essor ?

 Certes, mais je parlerai plutôt d’insuffisances parce qu’on peut commencer par travailler et progressivement endiguer ces insuffisances. Nous devons tous nous mobiliser, aussi bien les jeunes très dynamiques, que les dirigeants. Pour combler les insuffisances, il faut des investissements, il faut commencer par former les jeunes dans la profession et les méthodes d’innovation, afin qu’ils puissent savoir comment faire pour protéger leurs créations pour ne pas se faire copier facilement. Alors quel est le modèle africain dont on peut se vanter d’avoir, et comment faire pour le préserver ? Il faut donc déployer des infrastructures adéquates avec un financement soutenu. Nos banques commencent par prendre conscience qu’il faut investir et soutenir ces initiatives. Je suis certain que ces insuffisances seront comblées dans les années avenir et je pense aussi que l’optimisme commence par gagner notre continent. L’Afrique est le continent d’avenir et nous avons véritablement d’atouts qui peuvent nous donner cet espoir-là.

Les grands groupes  viennent visiter l’Afrique pour voir ce qu’on fait avec le peu de moyen que nous avons. Nous avons une certaine agilité, une certaine créativité à utiliser le peu de moyen dont nous disposons, ce qui fait qu’on peut toujours venir à bout de nos problèmes. Le processus de développement que nous avons pris a beaucoup d’espoir d’aboutir, beaucoup plus vite. La technologique, l’innovation et la communication ont un grand rôle à jouer.

Comment faire justement pour protéger nos inventions et avancer?

Il y a plusieurs méthodes pour avancer. Nous-mêmes, nous avons notre propre communication pour dire exactement ce que nous faisons. L’Etat doit nous aider à mettre en place des organisations de  protection  de la propriété intellectuelle, pour qu’on puisse déposer les licences et les brevets pour que nos inventions puissent être protégées. Par exemple les tablettes, Smartphones, et ordinateurs portables qui sont aussi fabriqués en Afrique, qui sont de très bonne qualité, rien à envier les autres marques, bénéficient de la promotion et de la communication qu’il faut pour être mieux commercialisés.

Les communicants doivent s’approprier nos innovations, ainsi elles vont faire des émules pour susciter l’intérêt. Grâce à la communication, le continent africain pourra accompagner ses innovations et avancer.

Monsieur Sonhaye, le développement africain, vous y croyez vraiment ?

Moi je suis très optimiste, l’Afrique évolue à sa façon et plutôt bien. Il suffit de regarder autour de nous pour constater que l’Afrique est de plus en plus dynamique : le capital humain existe, ce premier capital que les autres n’ont plus. Les européens n’ont plus vraiment cet atout et compte même sur nous.

Deuxième point très essentiel, c’est de voir l’engouement à la connectivité pour communiquer : mêmes les personnes illettrées utilisent le téléphone portable pour faciliter leurs échanges et leurs affaires. Avec les applications mobiles, l’oralité de l’Afrique est ravivée, avec les vocaux pour échanger plus rapidement avec notre téléphone portable. Il y a bien d’autres exemples technologiques. C’est cet optimisme et ce dynamisme-là pour sauter les étapes que j’ai appelé le « Saut de grenouille » qui permet d’accéder au même niveau que les autres continents en matière de technologie. Nous sommes capables d’accélérer notre développement par les innovations à travers le numérique,  plus facile à déployer.

Pour conclure cet entretien, que diriez-vous ?

Le saut technologique africain est en marche. Les conditions sont réunies. L’intérêt pour le continent est croissant, les investissements augmentent et plusieurs succès permettent de voir l’impact en marche de la digitalisation en Afrique. Il semblerait que pour l’Afrique, le futur commence maintenant. L’Afrique est un terrain d’innovation technologique pour la Communication

Il faut s’approprier notre communication et ne plus la laisser aux mains de nos « concurrents ». Communiquer d’avantage pour déconstruire aussi les préjugés, les clichés et les stéréotypes. Surtout ne plus reproduire les informations erronées qui circulent sur l’Afrique. Soyons les ambassadeurs de notre Afrique ! Merci !

Propos recueillis par Ambroisine MEMEDE

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