Gerry Taama : « Avoir sa carte d’électeur est une garantie. Et les populations l’ont très bien compris »

Gerry Taama, brandissant sa carte d'électeur.

Gerry Taama, le président du Nouvel Engagement Togolais (NET) est rentré fraîchement d’une nouvelle tournée à l’intérieur du pays. Ce dernier a abordé avec certains médias, quelques sujets. Interview !

Vous rentrez fraîchement d’une nouvelle tournée à l’intérieur du pays. Pourquoi ce nouveau périple ? Et quelles sont les localités sillonnées ?

J’ai visité trois préfectures: Zio, Haho et l’Est-Mono. Je voulais d’une part effectuer le recensement puisque je suis originaire d’Elavagnon et aussi me faire une idée assez précise de la situation sur le terrain. J’étais dans la même zone, il y a quatre jours. C’est donc pour comparer mes observations.

Et quelles conclusions tirez-vous ?

 

La mobilisation est celle des recensements précédents. Les dysfonctionnements du matériel ont créé des soucis importants dans les premiers jours, mais tout est à présent maîtrisé. Les populations de ces zones ont vite compris la nécessité d’avoir une carte électorale comme un parapluie en saison des pluies. S’il ne pleut pas, ce n’est pas grave, mais s’il peut, on est bien content de l’avoir avec soi. C’est la même chose pour les élections. Avoir sa carte d’électeur est une garantie. Et les populations l’ont très bien compris. Nous aurions souhaité une rallonge de 72H pour rattraper les premiers jours perdus, mais la CENI en rallongeant les périodes d’ouverture des bureaux de recensement, en créant d’autres CRV peut désormais réaliser toute l’opération avec juste 24H supplémentaires. On le verra de toutes les façons, avec la taille du fichier électoral, comparativement à celui de 2015.

L’une des grandes décisions de la dernière réunion du comité de suivi est la « recomposition » de la Céni pour la rendre « inclusive ». Que cherche encore le NET au sein de cette commission électorale ?

 

Posez plutôt cette question à la Coalition ou au tandem Coalition-Unir. C’est eux qui sont à l’Assemblée nationale et il leur revient de procéder à l’élection des membres des partis-extra-parlementaires censées prendre la place de nos représentants. Pour le moment, les conditions manifestement ne sont pas encore remplies. Ce n’est pas la faute aux partis extra-parlementaires, qui ne sont pas à l’Assemblée nationale.

Selon certaines rumeurs, vous auriez envoyé un courrier à l’Assemblée nationale, pour préciser au président de l’Institution que vous maintenez votre représentant à la CENI. C’est vrai ?

 

Oui, nous avons envoyé un tel courrier pour préciser un élément qui semble échapper à beaucoup de nos compatriotes. On ne renvoie pas quelqu’un de la CENI, il démissionne. Point. Nous avons ainsi précisé à l’Assemblée nationale que notre démission était nécessaire avant toute recomposition de la CENI. Il ne s’agissait pas, comme certains ont tenté de le montrer, d’une expulsion de la CENI pour cause d’illégitimité mais d’une sortie volontaire de notre part pour l’intérêt du peuple togolais.

Maintenant le débat est clos ? Vous êtes prêt à quitter la CENI ?

 

Bien sûr, nous n’attendons juste que l’Assemblée nationale organise la plénière d’élection des nouveaux membres. Notre lettre de démission est prête depuis le 24 septembre 2018.

Mais autant démissionner tout de suite

 

La CENI n’est pas une Cour de récréation. C’est un travail très sérieux qui se fait là-bas. Et notre représentant y a de grandes responsabilités. Il faut assurer la continuité du service, et surtout des opérations électorales qui s’y font actuellement. L’Assemblée nationale programme le vote des nouveaux membres, nous envoyons notre démission, ils sont élus, ils prêtent serment à la cour constitutionnelle et on fait la passation de charges. C’est ainsi que ça se passe dans tous les pays. Je rappelle que notre démission doit permettre de régler un problème, et non d’en créer de nouveaux.

Que pensez-vous de la position de l’UFC qui refuse de quitter la CENI

 

L’argument présenté par les différentes parties pour justifier la recomposition de la CENI, c’est l’existence d’accords internes à l’Assemblée qui permettent aux députés des deux mouvances de se partager les places des autres non présents à l’Assemblée. Entre nous, c’est une belle fumisterie parce que dans ce cas, il aurait été plus simple que les partis parlementaires s’accordent 8 places chacun et on en parle plus. D’autant plus qu’il s’agit de dispositions qui ne figurent nulle part dans nos lois. Alors que le Togo dispose de plus de 100 partis politiques et que la présence des partis extra parlementaires devrait permettre de diversifier ainsi les courants politiques à la CENI, les parlementaires qui semblaient ne pouvoir s’entendre sur rien, arrivent à s’unir dans la violation de nos textes. Remarquez qu’ils s’étaient aussi entendus pour doubler leurs rémunérations. Donc, si vous êtes un parti extraparlementaire, il faut vous faire chapeauter par un parti parlementaire. C’est une hérésie intellectuelle. Le comble, c’est quand on demande à la société civile, pourtant supposée neutre, de s’aligner elle aussi. C’est au Togo qu’on peut voir pareilles aberrations.

Pour revenir à votre question, si on s’appuie sur ces accords secrets des parlementaires, il faut aller jusqu’au bout. En 2013 comme en 2015, ces accords avaient permis à l’UFC d’être à la CENI au titre de l’opposition parlementaire. Les textes n’ont pas changé. Il faut cesser de faire une chose et son contraire.

Votre démission de la CENI est prête. Quelle est la prochaine étape ?

 

C’est à l’assemblée nationale de s’exécuter. On nous a dit que l’entrée de la C14 avec 8 représentants allait équilibrer la CENI, en ne précisant pas que le quorum est de 9 sur 17 à la CENI pour qu’elle fonctionne et que UNIR avec le représentant de l’administration feront de toutes les façons ce quorum et que les nouveaux entrants ne pourrons pas bloquer les activités de la CENI. Vous savez, en septembre 2017, les députés de l’UFC avaient quitté l’assemblée nationale avec leurs camarades de la C14 pour ne pas voter les réformes constitutionnelles proposées par le gouvernement. Plusieurs députés UFC, comme nous d’ailleurs, ont été aperçus dans les manifestations. Au lieu de faire de l’UFC un allié sur qui compter dans cette CENI, on en fait un adversaire à priori. Mais à mon sens, il sera difficile de faire quitter l’UFC à la CENI, elle y est de son plein droit. Donc, on en arrive à 7 sur 17 pour la C14. Difficile de parler de parité et difficile aussi de montrer qu’une entrée actuelle de la C14 pourrait changer quoi que ce soit à la CENI.  Tout ça résulte de calculs politiques malsains.

La coalition va sûrement rejoindre la CENI dans la semaine.

 

De toute façon, toute entrée de la C14 à la CENI actuellement ne serait que pour organiser le recensement dans la zone 2. Pour la zone une, c’est fini et les résultats sont plutôt bons. Ils ont parié et perdu. Maintenant comme je l’ai dit, il y a des calculs mesquins derrière. Ils vont peut-être accompagner Unir à organiser le recensement dans la zone 2. Libres à eux. Nous, nous sommes prêts à passer le témoin.

Au regard de la situation, vous êtes inquiet pour ce pays ?

 

Je suis plutôt triste parce que toutes les années, nous assistons au même scénario. L’opposition refuse tout compromis, et finit par se compromettre. Actuellement, il ne me semble pas que la CEDEAO demande l’arrêt du processus. Donc il s’agit encore d’un faux calcul. Nous avons un peuple qui aspire au changement, mais il ne trouve pas encore les leaders politiques capables de porter ces aspirations. Il faut un renouvellement de la classe politique togolaise. Unir a amorcé sa mue.

C’est au niveau des partis traditionnels de l’opposition que ça coince. Des Gerry Taama sont encore minoritaires au Togo. Jeunesse du Togo, prenez le pouvoir qui vous revient. Plus de 50% de la population togolaise a moins de 35 ans, et ils sont moins de 1% dans les instances décisionnelles des partis politique. Il faut que ça change. FIN

Edem Etonam EKUE