Gabon: L’opposant Jean Ping saisit la Cour constitutionnelle

L’opposant gabonais Jean Ping a finalement déposé jeudi un recours contre la réélection du président Ali Bongo, comme le lui suggérait la communauté internationale pour gagner du temps et calmer les esprits dans la violente crise post-électorale.

La Cour constitutionnelle, qui inspire de la défiance à des nombreux opposants, dispose désormais de 15 jours pour trancher le contentieux électoral alors que MM. Bongo et Ping revendiquent tous deux la victoire à la présidentielle du 27 août.

Le recours de M. Ping demande le recomptage des voix bureau de vote par bureau de vote dans la province du Haut-Oogoué, fief des Bongo, où le président sortant a otenu plus de 95% des voix avec plus de 99% de participation.

Ce score lui a permis de l’emporter au niveau national d’une très courte tête d’environ 5.000 voix, selon les résultats officiels provisoires contestés par l’opposition.

– ‘Anomalies graves’ –

« Nous demandons à la Cour de constater qu’il y a des anomalies graves », a déclaré à la presse un des avocats de l’opposant Jean Ping, Jean-Rémy Batsantsa, reprenant les mots de l’observatrice en chef de l’Union européenne, Maryia Gabriel.

« Nous avons 174 procès-verbaux (pour le Haut Oogoué, NDLR). Quand nous les compilons, nous nous rendons compte que dans tous les cas Ali Bongo ne peut pas gagner cette élection », a ajouté l’avocat.
Une partie des opposants contestait l’opportunité d’un recours, comparant la Cour à la « Tour de Pise » qui penche toujours du côté du pouvoir.

« M. Ping a respecté la légalité », a commenté son avocat.

La France, ancienne puissance coloniale, a d’ailleurs clairement rappelé la position de la communauté internationale à ce sujet jeudi.

Paris « souhaite que toutes les possibilités de recours soient engagées et que toutes les vérifications soient faites » sur les résultats contestés de la présidentielle à un tour du 27 août ayant précipité le pays dans la crise, a insisté le porte-parole du gouvernement français, Stéphane Le Foll, à l’issue du Conseil des ministres.

L’avocat de M. Ping a fait état au total de trois autres recours mineurs mais d’aucun de la part du président sortant Ali Bongo.

M. Ping a annoncé son recours au dernier moment alors que la mission de l’Union africaine a été reportée sine die, selon le gouvernement. La mission de bons offices de chefs d’Etat africains qui devait arriver vendredi a été reportée officiellement pour des raisons de calendrier.

– L’heure des bilans –

C’est toujours l’heure des bilans de l’éruption de violences enregistrés il y a une semaine au Gabon. Le ministre de l’Intérieur, Pacôme Moubelet-Boubeya, a de son côté déclaré qu’un policier déclaré mort samedi après avoir été blessé par des manifestants était finalement toujours en vie.

Le ministre répète qu’au total les violences n’ont fait que trois morts. Ce bilan est contesté par l’opposition à commencer par M. Ping qui évoque plusieurs dizaines de morts.

Des familles étaient toujours à la recherche jeudi d’un proche introuvable depuis les violences post-électorales de mercredi et jeudi derniers.

Un homme d’une quarantaine d’années, a confié à l’AFP qu’il avait retrouvé jeudi le corps de son frère à la morgue après cinq jours de recherches. Il avait cherché son frère dans les commissariats, les hôpitaux et au palais de justice comme des dizaines de familles gabonaises.

D’autres témoignages reçus par l’AFP font état d’un proche retrouvé après plusieurs jours d’attente et d’angoisse.

Nombre de Gabonais redoutaient une nouvelle explosion de violences en cas de non-saisine de la Cour vu l’étroitesse des résultats et les accusations de fraudes.

Pour la communauté internationale, l’attention se focalise sur la province du Haut-Ogooué (sud-est), fief de la famille Bongo, qui dirige le pays depuis près de 50 ans.

« Une analyse portant sur le nombre de non-votants et des bulletins blancs et nuls révèle une évidente anomalie dans les résultats finaux du Haut-Ogooué », avait indiqué mardi la chef de la mission d’observation de l’UE à l’élection, Mariya Gabriel.

Mercredi, le président Bongo a sèchement répondu que certains observateurs « avaient outrepassé leur mission ».

SOURCE : AFP