Covid-19/Crise économique : Les médias privés togolais frappés de plein fouet (REPORTAGE)

Activités totalement au ralenti, absence d’annonceurs, annulations de contrats : les médias privés togolais paient également le lourd tribut, lié au nouveau coronavirus qui secoue le monde entier.

La batterie de mesures prises par le pouvoir public pour freiner la propagation du virus ne sont pas sans conséquences sur le secteur des médias, notamment la presse privée, déjà économiquement très fragile.

La presse privée togolaise compte globalement 78 stations de radios, 7 chaînes de télévisions, environ 180 journaux (qui paraissent plus ou moins régulièrement, dont des parutions indépendantes et des publications institutionnelles), 3 agences de presse et une centaine de presse en ligne, selon des chiffres publiés en mai 2019 par l’Observatoire Togolais des Médias (OTM).

Certains journaux ont carrément arrêté leur parution, plusieurs autres ont migré vers le numérique, un monde où ils sont peu connus et ont du mal à commercialiser leurs produits.

Avec l’annulation des grands rendez-vous en vue, les insertions publicitaires se font rares. Pour les responsables d’organes, c’est une période difficile à vivre pour les médias.

A Radio Zéphyr, c’est le service minimum : une seule émission au lieu de quatre. La maison tourne au ralenti, confie Patrick Blandé (Directeur de Radio Zéphyr).

« Il n’y a pas de recettes pour faire face aux charges futures, vu que les nouvelles mesures du gouvernement vont s’étendre sur trois mois. Je me demande ce que nous allons devenir… », se plaint-il.

« Pour être réaliste, le service commercial n’a enregistré aucun annonceur depuis la prise des mesures par l’autorité pour lutter contre la pandémie. Les communiqués sont totalement en berne, les spots n’existent même plus, puisque les rendez-vous commerciaux et autres foires internationaux programmés sont annulés… « , poursuit M.Blandé.

– L’État au secours –

« Nous demandons à l’Etat de voir s’il peut nous alléger un certain nombre de choses, puisque nous essayons de l’accompagner à travers nos émissions interactives, dans le cadre de la sensibilisation contre le Covid19. Au-delà des salaires, nous avons à faire face à beaucoup d’autres charges : l’ARTP, le BUTODRA, la CNSS, la CEET et la TdE, les impôts, … c’est vraiment compliqué pour nous. Actuellement, les réflexions se poursuivent pour voir comment faire… », ajoute-t-il.

A la rédaction du quotidien Togo Matin — l’un des trois quotidiens privés du Togo — plus de parution papier depuis quelques jours, le journal a simplement basculé sur la version numérique, indique Dieudonné Korolakina (le Directeur de publication).

« C’est vraiment un manque à gagner… Nous perdons beaucoup et les impacts économiques se situent à plusieurs niveaux, surtout que nous avons certains partenaires qui ne jurent que par le papier ».

« Les réflexions continuent, pour voir comment diversifier nos sources de revenus et proposer des services connexes, étant donné que nous n’avons pas assez de réserve. Nous réfléchissons également à l’idée de faire appel à de généreux donateurs pour nous aider. Vivement, nous souhaitons que ce mal puisse être rapidement jugulé, afin que nous puissions reprendre avec nos parutions en version papier », lance M.Korolakina.

– Rédaction « quasiment fermée » –

« Notre rédaction est quasiment fermée depuis plusieurs jours. Nous l’avons annoncé à nos journalistes à travers un message », renchéri Emile Kouton (Coordonnateur de l’Agence Savoir News).

« Nous n’allons plus au reportage. Les rares communiqués et autres déclarations notamment sur le Covid-19, sont traités à distance. Nous ne faisons plus de recettes. Nous avons pioché sur notre petite réserve pour payer les salaires du mois de mars. C’est vraiment dur pour nous et j’ai beaucoup peur », poursuit-il, les yeux hagards.

« Sincèrement, nous demandons au gouvernement de penser aussi à la presse en matière de mesures sociales, car nous faisons beaucoup d’effort en ces temps de sensibilisation », plaide-t-il.

Même son de cloche, dans les rédactions des télévisions privées où des charges sont « encore énormes ».

« A la télévision, les charges sont énormes, notamment les charges fixes. A cette allure, je crains le pire dans les rédactions, loin d’être d’un oiseau de mauvaise augure », averti le responsable d’une chaîne de télévision privée.

– Mesures d’accompagnement –

Comme mesures d’accompagnement, les frais de l’ARTP et du BUTODRA peuvent être supprimés pour les médias concernés. Les services des impôts peuvent pour le moment, suspendre leurs opérations de recouvrement. La  CEET peut exceptionnellement revoir les factures des médias privés, pendant cette période. Les autorités peuvent demander à certaines structures de télécommunication d’accorder quelques pourboires notamment aux radios privées vu que leurs émissions interactives leur donnent assez de recettes avec des appels journaliers des auditeurs.

Des fournisseurs d’accès à Internet peuvent accorder des facilités aux médias privés pendant cette période, car une bonne partie du travail se fait via Internet etc…

Précisons le Togo a déjà enregistré 41cas de coronavirus, avec 3 morts dont un journaliste (Directeur de publication de l’hebdomadaire Chronique de la Semaine), selon les derniers chiffres officiels ce samedi. FIN

Ambroisine MEMEDE