Burkina : Des blessés témoignent de « l’horreur » de l’attaque meurtrière de Boungou

« C’était l’horreur. Je n’avais jamais vu autant de corps, de sang ! »: un rescapé de l’embuscade meurtrière mercredi contre un convoi d’employés d’une mine d’or au Burkina Faso, Halidou Badini, témoigne de l’enfer qu’ils ont vécu ce jour là.

« Les assaillants sont montés avec des +Kalach+ (fusils d’assaut Kalachnikov) dans les cars et ils ont tiré », explique à l’AFP son collègue, Ousmane Compaoré, autre rescapé et autre blessé dans  cette attaque attribuée à des jihadistes, qui avec un bilan de 38 morts et 60 blessés, est la plus meurtrière qu’ait connue ce pays depuis cinq ans.

Selon les autorités burkinabè, des hommes armés non identifiés, en nombre inconnu, ont ciblé un convoi de cinq cars, escorté par des militaires, transportant des travailleurs de la mine d’or de Boungou, exploitée par la société canadienne Semafo, à 40 km de la mine.

« Notre car était au milieu du convoi ». « Il y avait cinq cars mais un ou deux cars ont réussi à partir après l’explosion du véhicule d’escorte qui était en tête », explique Halidou Badini, un employé de la mine blessé par balle à la jambe, sur son lit de l’hôpital Tengandogo à Ouagadougou, où il a été évacué.

« Quand on a entendu la détonation, on a entendu au même moment des coups de feu. Les gens ont commencé à crier et à implorer le seigneur », se souvient-il, toujours sous le choc, cet électromécanicien de la mine de Boungou, soigné avec une cinquantaine d’autres blessés, dans des chambres de deux à quatre lits.

« Les uns et les autres ont tenté de s’enfuir par toutes les ouvertures, portes et fenêtres. Beaucoup ont aussitôt été touchés par les balles après avoir réussi à sortir du car. C’était l’horreur. Je n’avais jamais vu autant de corps, de sang ! Moi, j’ai reçu une balle au moment où je courais pour me cacher dans la brousse. Je me suis caché jusqu’à l’arrivée des renforts ».

« On a ensuite été conduits à Fada (la grande ville de l’Est burkinabè), avant d’être ensuite évacués par car à l’hôpital ici à Ouagadougou. Les blessés plus graves, ils étaient quinze ou seize, ils ont été évacués ici aussi mais par hélicoptère ».

– « Les assaillants tiraient partout » –

« L’attaque a eu lieu moins d’une heure après notre départ » (vers 11H00 locales et GMT mercredi matin, ndlr), raconte Ousmane Compaoré, 28 ans, un autre rescapé blessé à l’abdomen et à la main.

« Je ne peux pas dire exactement combien on était car les cars n’étaient pas pleins. On avoisinait 300 personnes. On a entendu d’abord une explosion et ensuite des coups de feu. Les tirs étaient dirigés sur notre car. Les vitres ont éclaté », dit-il.

« Quelqu’un a crié +couchez-vous+ mais tout le monde essayait de sortir plutôt que d’attendre la mort. Les gens criaient. Des gens essayaient de s’enfuir par les fenêtres et d’autres essayaient de se mettre sous les sièges du car. Ceux qui avaient pu sortir étaient poursuivis par les assaillants qui tiraient partout », se remémore ce foreur âgé de 28 ans, affaibli et visiblement ému.

« Les assaillants étaient très nombreux et tiraient de tous les côtés. Ils étaient habillés en boubous de couleur kaki et d’autres portaient des blousons militaires. Ils sont montés avec des +Kalach+ dans les cars et ont tiré ».

Halidou Badini affirme cependant qu’il « compte reprendre le boulot », s’il est « apte ».

« Les risques, dit-il, existent partout mais il faudrait que nos employeurs prennent aussi d’autres mesures de sécurité, surtout que des convois de la mine avaient déjà été attaqués. On se demande pourquoi faire partir un convoi avec autant de personnes ».

La société minière Semafo a annoncé jeudi « la suspension des opérations » jusqu’à nouvel ordre à sa mine de Boungou « par respect pour les victimes et leurs proches ».

Le Burkina a observé trois jours de deuil national, de jeudi à samedi, en hommage aux victimes.

Il s’agit de l’action la plus meurtrière commise dans le pays depuis le début des violences jihadistes il y a près de cinq ans.

Au total, les attaques jihadistes ont fait près de 700 morts, selon un décompte de l’AFP, et environ 500.000 déplacés internes et réfugiés, selon l’ONU.

SOURCE : AFP